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Pourquoi le Qatar a participé 
à l'intervention en Libye
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Le dessous des cartes

Épargné par le Printemps arabe, le Qatar a déployé ses Mirages 2000 et ses formateurs en Libye pour contribuer à faire tomber le colonel Kadhafi. Une façon pour le petit royaume d'exister diplomatiquement face à l'Arabie saoudite et de conquérir des marchés...

Barah Mikail

Barah Mikail

Barah Mikaïl est est chercheur au sein de l'institut de géopolitique espagnol FRIDE. Il est spécialiste du Moyen-orient et de l'Afrique du nord.

 

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Atlantico : Que savons-nous de la participation militaire du Qatar en Libye ?

Barah Mikail : Ils ont mis le paquet ! Pour ce qu’on en sait, ils ont surtout utilisé leurs Mirages 2000. Ils en possèdent douze et en auraient mis à disposition six à huit. On ne sait pas précisément ce à quoi ils ont servi, mais ils ne sont certainement pas restés au sol. On sait aussi que le Qatar a formé une partie des rebelles sur le terrain dans le Jebel Nafusa dès les premières semaines. Y compris sur le territoire du Qatar...


Le Qatar a-t-il fait la différence dans cette offensive en Libye ?

On ne peut pas aller jusque là. L’apport du Qatar a été conséquent mais pas décisif. On ne doit pas oublier les opérations de l’OTAN ni le soutien apporté par des contingents nationaux engagés comme les Français et les Britanniques qui seraient, d’ailleurs, allés au-delà du mandat de l’ONU en appuyant directement les rebelles au sol...


Selon vous cet appui a-t-il dépassé le cadre militaire stricto-sensu ?

Oui, d’un côté sociologique, on peut garder l’idée du symbole fort que des Arabes forment des Arabes et plus prosaïquement, on peut penser qu’entre Arabes, l’enseignement est mieux perçu que quand il est dispensé par des Occidentaux.

Doit-on voir, dans la participation du Qatar dans l’offensive un élan désintéressé vers la démocratie ?

Évidemment non. Dans sa rhétorique officielle, le Qatar insiste sur la dimension humanitaire de sa participation. Le petit pays du Golfe a ainsi apporté de nombreux biens aux rebelles. Mais ça ne suffit pas à résumer une stratégie...


Que peut attendre le Qatar du changement de régime en Libye ?

On sait déjà que durant le conflit, le Qatar a écoulé le pétrole des puits pris par les insurgés pour leur fournir la contrepartie financière. ils ont offert leurs compétences en terme d’exploitation pétrolière ou gazière mais aussi en terme de mise à disposition pour la reconstruction de la Libye de demain.
Le Qatar est riche mais il veut faire encore mieux ! Pour cela, il veut faire jouer et la diplomatie et le business. Le Qatar a prouvé qu’il était un acteur favorable au changement politique dans le monde arabe en aidant les Libyens et via sa chaîne de TV Al Jazeera qui évoque librement le Printemps arabe.
Le Qatar s’est tenu et se tient donc à la disposition d’autres pays arabes à l’avenir... Si, parallèlement à cet ascendant diplomatique, il réussit à participer au développement commercial de la Libye, ce sera la consécration.

Le Qatar est-il devenue une puissance régionale ?

Cela fait seize ans que ce pays est entré dans une logique de quête de consécration diplomatique. C’est-à-dire depuis que l’émir actuel a renversé son père en 1995. Une partie du positionnement qatari passe par une volonté de supplanter le rôle diplomatique de l’Arabie saoudite. On sait que cette dernière reste un mastodonte diplomatique dans une bonne partie du Moyen-orient -ou au moins dans la péninsule arabique au Liban ou en Egypte du temps de Moubarak.
Le Qatar n’entend pas rester de côté et ne veut pas fondre sous influence saoudienne. Aujourd’hui, certes, les deux pays ont mis leurs différends de côté. J’en veux pour preuve les orientations de la chaîne Al Jazeera, qui, suite à un accord saoudo-qatarien, a arrêté de critiquer le voisin saoudien. Mais cela n'empêche pas le Qatar de développer sa propre stratégie et de vouloir jouer dans la cour des grands... Ainsi, là où l’Arabie saoudite développe des services de renseignements régionaux et met des fonds à disposition, la Qatar met en œuvre lui aussi la moitié de cette stratégie : mise à disposition de fonds auprès d’acteurs (on pense au Hamas palestinien, ou en Tunisie et en Égypte au sein nouveaux pouvoirs par exemple).
L’autre partie de cette stratégie passe par le rachat par le Qatar de certains capitaux de grandes compagnies telles EADS, les magasins Harrods ou le PSG... Autant de tentatives de faire en sorte que son aura diplomatique lui permettent d’avoir son mot à dire au niveau des enjeux commerciaux mondiaux.

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