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Pulsions sexuelles oui mais pas que : comment la libido anime nos capacités de créativité
©Reuters

Bonnes feuilles

Nous sommes tous des êtres de fantasme. Nous habillons tous en effet notre rapport à la réalité de notre imaginaire. Mais le fantasme sexuel, lui, est d’une autre nature. Il engage notre lien à la morale et aux convenances. Extrait de "Je fantasme donc je suis" d'Alain Héril, aux éditions Eyrolles (1/2).

Alain Héril

Alain Héril

Alain Héril est psychothérapeute et sexothérapeute depuis 25 ans.

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Nous venons de parler de l’inconscient. Il est bon ici de préciser quelques notions simples de psychanalyse. Ce que nous apprend la psychanalyse, c’est que notre psychisme est organisé en plusieurs parties qui s’entremêlent et dialoguent continuellement les unes avec les autres. Ce mécanisme échappe à notre logique mais nous pouvons vérifier son fonctionnement au travers de nos actes manqués, de nos rêves, de nos symptômes et de nos fantasmes. Le moi est la partie consciente qui détermine notre personnalité, c’est ce qui nous permet de dire « je ». Le surmoi est le siège de nos interdits, de notre morale, et il est intimement construit en fonction de l’éducation que nous avons reçue. Enfin le ça est le siège de nos pulsions et il est profondément ancré dans nos zones inconscientes. Nous pouvons également dire que notre moi est le résultat des négociations constantes qui se font en nous entre le surmoi et le ça. Il y a donc des fantasmes issus du ça et d’autres qui s’organisent en fonction du lien entre le surmoi et le moi.

Ce point théorique nous permet de faire une différence importante qui est celle qui existe entre le fantasme sexuel et la rêverie sexuelle. Dans le fantasme issu de l’inconscient, donc du ça, nous sommes face à nos pulsions les plus fortes et parfois les plus incompréhensibles. En général nous nous sentons dérangés et agacés par ces scénarios en nous. C’est ce qu’exprimait Sophie au début de chapitre, troublée par l’idée d’avoir le fantasme de tromper son mari.

Ces fantasmes ont un aspect très régressif et sont parfois empreints de pulsions de mort, c’est-à-dire de moments où le sang, la torture, la mutilation, etc. peuvent être présents. C’est surtout ce type de fantasmes dont parlent les témoignages lorsque les personnes se sentent mal à l’aise face à cette expression de leurs désirs inavouables.

En revanche la rêverie sexuelle, qui est une forme de fantasme doux que l’on peut aussi appeler fantasme érotique, est plus facilement acceptée car elle ne contredit pas trop la morale et aide la personnalité (le moi) à jouer avec les interdits sans remettre en question l’édifice psychique et comportemental d’une personne. Je peux citer en exemple tous ces fantasmes où l’on rêve d’une scène déjà vécue mais que l’on magnifie dans le fantasme, ou ces moments où le fantasme est plus construit autour du lien amoureux que du lien sexuel.

Dans l’ensemble des enquêtes menées autour des fantasmes c’est souvent l’expression de rêveries sexuelles à laquelle nous sommes habitués. Cela ne retire rien à la dynamique du fantasme mais c’est un ajustement qui nous permet de mieux accepter ces dimensions en nous et d’en faire une part de créativité avec plus de facilité et moins de culpabilité.

La part de créativité en nous : la libido

Le fantasme prend sa source dans nos pulsions à caractère sexuel. Cette énergie, c’est ce que l’on nomme libido. Il s’agit d’une énergie où le sexe a sa place et sa fonction, mais c’est aussi une énergie qui anime nos capacités de créativité. Une œuvre d’art quelle qu’elle soit est ainsi un fantasme projeté dans le monde et offert aux yeux et à la sensibilité de tous. On peut donc considérer les fantasmes d’un être humain comme sa part créative et comme l’expression d’une énorme vitalité Mais ce que nos fantasmes disent aussi de nous c’est combien nous n’avons pas la totale maîtrise de ce que nous sommes. Nous ne sommes pas les maîtres dans notre propre demeure ! Si je me réfère à ma pratique de sexothérapeute, je peux dire que beaucoup de mes patients souffraient (au-delà de leurs symptômes) de leur incapacité à contrôler leur sexualité. Il s’agit là d’un paradoxe ! Nous voulons vivre une sexualité débridée mais nous voulons tenir ce qui normalement devrait nous échapper. Nous voulons jouir de manière totale et absolue, mais nous voudrions contrôler cette jouissance. C’est tout le paradoxe (oserais-je dire le mystère ?) de la sexualité qui se joue ici. Car nous savons pertinemment que la raison d’être de la sexualité n’est pas que de faire des enfants, c’est aussi de mobiliser notre envie de plaisir dans le cadre d’une relation choisie. Elle implique donc des enjeux relationnels avec l’autre et aussi avec soi-même. Et comme nous connaissons ces enjeux (amour, tendresse, conjugalité, séduction) nous avons la sensation de les comprendre.

Mais une partie de nous sait aussi que quelque chose nous échappe, et cette « chose »-là porte un nom, c’est l’inconscient !

Nous verrons un peu plus tard dans cet ouvrage combien l’acceptation de cette notion de l’inconscient est importante pour comprendre l’organisation de nos fantasmes. Les fantasmes racontent donc des histoires qui sont en nous. Certaines de ces histoires nous les connaissons et les apprécions, et d’autres nous surprennent  ; mais ce sont toujours nos histoires. Nous sommes comme un livre dont certains chapitres nous échappent. C’est là toute notre complexité et notre extraordinaire richesse.

Extrait de "Je fantasme donc je suis" d'Alain Héril, aux éditions Eyrolles

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