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Prolongation de l’état d’urgence : ce que le gouvernement se garde de dire sur le caractère largement fictif de son application
©Reuters

Fausse question

Si l'état d'urgence est un dispositif permettant effectivement de renforcer les moyens de lutte contre les attaques terroristes, leur efficacité, après plus de deux mois de mise en place, serait toute relative.

Christophe  Naudin

Christophe Naudin

Christophe Naudin est criminologue, docteur de la Sorbonne, chercheur enseignant pour l’Université Paris II Panthéon-Assas. Spécialisé dans la lutte contre la criminalité identitaire et le terrorisme aérien, il est également formateur pour la police nationale et la gendarmerie nationale. Il a exercé pendant 20 ans dans de nombreux pays sur les 5 continents, dans le cadre de la coopération technique policière et de défense.

 
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Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Selon Europe 1, François Hollande aurait l'intention de prolonger l'état d'urgence installé après les attentats du 13 novembre. "C’est simple, avec l’état d’urgence, c’est plus difficile pour les terroristes d’organiser un attentat" a déclaré un haut-fonctionnaire au site d'information. Quelle est la réalité de l'efficacité du plan d'urgence, plus de deux mois après sa mise en place ?

Xavier Raufer : Une forte efficacité symbolique et pédagogique, pendant à peu près une semaine. Après, les bandits et/ou les terroristes ont compris et les perquisitions ne donnent plus grand chose. Surtout quand, comme cela a été le cas, la police cible surtout des bandits, braqueurs, gros trafiquants de drogue etc. Les résultats de l'état d'urgence en matière proprement antiterroriste ont été maigres. Sauf que bien sûr, dans ces cas-là, on multiplie des opérations inquiétantes pour tout malfaiteur - mais un temps seulement. Donc, renouveler l'état d'urgence ? C'est de l'esbroufe plus que de l'antiterrorisme.

Christophe NaudinNous aurions tort de penser que l’Etat d’Urgence n’est qu’un déploiement de forces de l’ordre visibles,rassurantes pour le grand public et dissuasives pour les aspirants terroristes. Bien au contraire, c’est avant tout une série de mesures de facilitation judiciaire qui permettent d’effectuer, sans les contraintes habituelles de la procédure pénale, des interpellations, des perquisitions et des contrôles. Là est le vrai bénéfice dans le cadre de la protection des français. Répartir policiers, gendarmes et forces armées uniformément sur l’ensemble du territoire est la quadrature du cercle, avant tout pour une question de ressources. Il faut donc faire des choix symboliques et stratégiques, et c’est évidemment Paris qui tire son épingle du jeu. Pour l’instant Lille, Lyon Marseille sont sous attention soutenue, mais rien ne justifie à l’heure actuelle une mutation du dispositif.Pourquoi ? Parce que selon les services de renseignement, les principales cibles à court terme sont urbaines, festives et parisiennes.

Pour autant, existe-t-il selon vous d'autres alternatives pour renforcer les moyens destinés à lutter contre le terrorisme ?

Xavier Raufer : Tout ce qui a été fait à ce jour, je dis bien tout, relève du rétrospectif. Après le massacre de 150 malheureux de janvier à novembre 2015, on commémore, on prend des postures, on organise des concerts, etc. Or il faudrait d'urgence restructurer de fond en comble notre dispositif antiterroriste, lourd, lent, emberlificoté entre dix structures peu disposées à échanger et à se parler. Au lieu de cela, à chaque crise, on ajoute à ce millefeuille déjà indigeste, une couche supplémentaire. Il faudrait surtout former les policiers et officiers du renseignement aux techniques du décèlement précoce des dangers et menaces, au lieu de pleurer, après coup, les victimes de cette paralysie officielle.

De nombreuses critiques ont été émises sur la mise en place de l'opération Sentinelle, notamment en Ile-de-France. Capacités d'hébergement, adéquation des militaires aux missions assignées... Quel point peut-on faire aujourd'hui de l'état des forces mobilisées ?

Xavier Raufer : Loin de moi l'idée de critiquer ceux qui sont dans l'action : militaires, policiers et gendarmes, etc. Ils réagissent en plein brouillard aux assauts de l'ennemi terroriste, sans trop savoir où tombera le prochain coup. Une seule certitude : plus on anticipe, plus tôt on est prêt. On peut prendre calmement des dispositions, tendre des embuscades - prévenir plutôt que guérir.

Aujourd'hui et demain, ces terroristes ne sont et ne seront jamais sur le terrain qu'une poignée, de petits noyaux de dix-douze individus. Au lieu de chercher à protéger leurs milliers de cibles potentielles... réseaux de transports... Centres commerciaux, etc., il faut traquer ces chiens enragés, détecter leur présence et les éliminer. C'est très souvent possible. A ce jour, c'est trop rarement, pour ne pas dire jamais, réalisé en France, du fait de l'actuelle incapacité du renseignement intérieur à prévoir et à prévenir.

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