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Le marché du gaz et de l'électricité est encore largement dominé par les acteurs historiques.
Le marché du gaz et de l'électricité est encore largement dominé par les acteurs historiques.
©Reuters

David contre Goliath

Le marché du gaz et de l'électricité est encore largement dominé par les acteurs historiques, malgré sept années de déréglementation et d’ouverture à la concurrence. L'intervention de l'Etat en la matière n’a donc pas permis une baisse des prix et une meilleure offre de service.

Nicolas Mouchnino

Nicolas Mouchnino

Chargé de mission UFC-Que Choisir - Expertise dans le domaine de l'énergie et de l'environnement.
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Atlantico : Quelles logiques ont pu conduire l'Etat à s'opposer à cette initiative de libéralisation du marché ? 

Nicolas Mouchnino : L'Etat est un gestionnaire de patrimoine, actionnaire à hauteur de 84,5% chez EDF, et à plus de 33% chez Engie (ex GDF-Suez). L'Etat, en tant qu'actionnaire, établit de nombreuses demandes auprès d'EDF, et touche une somme avoisinant les 1,8 milliards d'euros de dividendes chaque année. Un rapport récent du Sénat expliquait l'obligation pour EDF de s'endetter pour payer ces dividendes. 

L'Etat est quelque peu schizophrène car il définit dans le même temps les tarifs réglementés de vente, proposés par EDF pour l'électricté et par Engie pour le gaz. L'évolution des tarifs est définie par la loi et par différentes modalités de calculs. On peut constater que, sur l'électricité, l'Etat ne respecte pas les règles qu'il s'est lui même fixé, en modérant les tarifs de l'électricité, pour ne pas impacter les consommateurs. Les fournisseurs alternatifs attaquent ces décisions et gagnent face au Conseil d'Etat, les gouvernements ne respectant pas les règles qu'ils se sont eux-même imposés.

Sur le gaz, des offres de plus en plus intéressantes émergent. Ce n'est en revanche toujours pas le cas pour l'électricité. Le fait de ne pas suivre un cadre et de ne pas respecter la règle du jeu impacte le consommateur et la concurrence. 

Si l'Etat avait complètement joué le jeu, dans quelle mesure le bilan, après sept ans de déréglementation, aurait été différent ? 

Le marché du gaz est potentiellement structurellement concurrentiel. Pourquoi ? Aujourd'hui, le gaz n'est pas produit en France, et il existe de nombreuses sources d'importations (Russie, Norvège, Moyen-orient, Algérie). Certains fournisseurs, sur ce marché, en faisant jouer les différents approvisionnements et en les optimisant, peuvent ainsi proposer des prix concurrentiels. 

Sur le marché de l'électricité, le problème est plus structurel. La concurrence est très difficile. Si on observe la facture électrique d'un ménage, elle se compose de trois éléments : le réseau, la production, les taxes. Tous les prix de ce réseau sont réglementés, appliqués sur les fournisseurs qui le répercutent sur leurs consommateurs. On ne peut donc pas dédoubler et concurrencer cette infrastructure. Les taxes et les contributions sont égalements payées par les fournisseurs et les consommateurs. Or, ce réseau et ces taxes représentent les deux tiers de la facture. 

Le dernier tiers représente la production. Sur ce dernier tiers, la concurrence est difficile : du fait du parc nucléaire français, extrêmement compétitif jusqu'à présent, aucun producteur ne peut s'installer et concurrencer EDF sur le marché de la production. Le nucléaire représente, en France, 75% de l'énergie produite. Finalement, la concurence peut jouer sur une partie très faible, face à des mastodontes sur le marché. Il existe donc, au-delà du jeu de l'Etat, une problématique structurelle liée à la spécificté de notre parc nucléaire.  


Cette mesure, décidée à l'échelle européenne, a t-elle vraiment rencontré un engouement chez nos voisins ? A t-on observé un impact sur les prix et la qualité de service ? 

Après l'ouverture à la concurrence, on a observé pour l'ensemble des pays européens une augmentation des tarifs. Cette ouverture à la concurrence a coïncidé avec une logique de fiscalité environnementale, instaurée par exemple en Allemagne. Dans ce même pays, aujourd'hui et à la différence de la France, les prix liés à la production d'énergie baisse ; ce qui ne veut pas dire que la facture baisse, d'autres logiques comme certaines taxations devant être prises en compte. Sur les marchés dits de gros, les prix baissent. Le marché européen est aujourd'hui, pour l'électricité, en surcapacité, avec une demande qui reste relativement faible. Mécaniquement, avec une offre supérieure à la demande, les prix diminuent. 

Sur les services, liées à la libéralisation du secteur, on a vu arriver un démarchage aggressif, avec le principe des ventes liées. Ces ventes liées, avec des assurances, voire des complémentaires santé, n'ont pas grand chose à voir avec l'électricité. Mais la libéralisation a conduit à l'émergence, dans certains pays d'Europe comme au Portugal, de pratiques commerciales inédites. 


Cette déréglementation reste méconnue en France. Comment faire pour que les ménages français connaissent davantage cette initiative ? Une meilleure connaissance pourrait-elle entraîner certains changements de comportements et impacter les stratégies des fournisseurs ?

Sur le marché des télécoms, le développement de la connaissance de ce marché a été amené par des prix attractifs et par des questions d'innovation. Pour l'électricité, le consommateur apprendra à connaître le marché avec plus de concurrence. Pour le gaz, on note un taux de changement de fournisseur de 6% chez les ménages. C'est faible, mais deux ans auparavant, ce taux était de mois de 1%. En proposant des tarifs, des services et des offres intéressants, les concurrents sont dans leur rôle et intéresseront le consommateur.Pour l'électricté, sur 1200 euros de facture, le consommateur ne trouve pour l'instant pas un intérêt évident si ses économies ne s'élèvent qu'a une dizaine d'euros... 

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