Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron, prêt à tout(es les triangulations sans fond) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron était en visite à Lourdes, le 16 juillet 2021.
Emmanuel Macron était en visite à Lourdes, le 16 juillet 2021.
©Ludovic MARIN / AFP

Rassembleur

A moins d'un an de la présidentielle, le président de la République semble déterminé à envoyer des signaux à de nombreux électorats, notamment à droite. Mais ces triangulations ne relèvent pas véritablement de la synthèse ni de la construction d’une offre politique renouvelée et originale.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Emmanuel Macron est le premier président de la cinquième République à visiter le sanctuaire de Lourdes. Au-delà de ce déplacement, il semble multiplier les signaux. L’objectif est-il de s’adresser à tous les électorats, au risque d’une déperdition du message ?

Arnaud Benedetti : Un chef de l’Etat doit rassembler. Sa vocation est naturellement de s’adresser à toutes les composantes de la société. Sous cet angle, Emmanuel Macron est dans son rôle. La question, puisqu’il y a question, c’est de s’interroger sur le pourquoi de cette question qui est liée à l’époque qui est la nôtre. L’élection de 2017 s’est déroulée dans un contexte d’extrême fragmentation de la société française qui ne s’est pas durant tout ce quinquennat, loin s’en faut, atténué. Emmanuel Macron incarne l’un des segments victorieux de cette élection, celui encore une fois des classes plutôt aisées,à l’aise dans la globalisation, plutôt urbaines, voire très urbaines, bien dans la peau de leur époque. C’est cette minorité sociologique qui gouverne aujourd’hui, dans un pays qui n’est autre qu’une myriade désarticulée de composantes qui ne parviennent plus à s’assembler sur un minimum minimorum civique. Dans une société d’exacerbation des différences, l’expression présidentielle prend mécaniquement une tonalité dont nous percevons qu’elle obéit elle-même à cette fragmentation. Emmanuel Macron est lui-même le produit de cette dernière, et sa communication s’en ressent. Il est dans une relation d’extériorité avec les autres sociologies de la société, et pour s’adresser à ces dernières, il force toujours le trait de cette adresse, suscitant ainsi cette représentation d’un commercial adoptant son projet de vente aux caractéristiques du client qu’il cherche à séduire. Le macronisme dit quelque chose du délitement du lien social de nos sociétés, de la dénaturalisation de ce que nous appelons le " vivre-ensemble ". Puisque nous ne vivons plus ensemble naturellement, il faut recourir à des artefacts pour communiquer et mimer le " faire société ". Le President ne surplombant plus la société, n’étant plus naturellement ou organiquement en attache avec celle-ci, sa communication prend les voies de la segmentation, sur-jouant la symbolique qui ne peut opérer avec efficacité que par cette communication toujours plus communautarisée. De ce point de vue, le macronisme est plus un syndrome qu’une stratégie.

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Quel est l’impact de ces actions dans la mesure si elles ne relèvent pas véritablement d’une offre politique renouvelée mais essentiellement de symboles et de pures postures de communication ?

L’impact ? Celui de nous faire commenter, parler, solidifier par nos commentaires une marque dont on a vu à travers les dernières élections régionales et départementales qu’elle était" sans racines, ni attaches " pour reprendre le mot fameux de Mannheim sur les intellectuels au siècle dernier. Le macronisme est une projection permanente qui a besoin de la communication pour se survivre. Sa structure est liquide, comme le démontre ses divers changements de pieds, sur bien des sujets, ses apparentes contradictions qui ont pour principale cohérence l’appropriation de  toutes les opportunités du moment. La communication d’Emmanuel Macron  depuis le début de son mandat vise à métaboliser les circonstances et à s’acculturer selon les conjonctures aux différentes clientèles qu’il entend séduire. La politique de séduction, "donjuanisme communicant " en quelque sorte, comporte un risque : à force de se voir, elle ne cesse de s’abîmer... D’où son immense limite !

Comment s’adresser, comme le souhaite Emmanuel Macron, aux différents électorats en évitant les vaines triangulations et en étant plus convaincant ? Est-ce possible ou devrait-il réduire les électorats à qui il veut s'adresser?

La triangulation est devenue la langue commune des politiques qui ont perdu le contrôle de la situation. Emmanuel Macron, lui, va encore plus loin. Il estime que l’opinion de toutes les façons est volatile, de moins en moins ancrée à partir de fondamentaux structurants, qu’elle se construit non plus à partir d’un socle idéologique dans son rapport à la politique mais bien plutôt à travers des codes qui seraient pour l’essentiel consuméristes. Le macronisme est l’aboutissement de près de 40 années de " marketisation " de la politique. Emmanuel Macron n’est pas un prototype, il est le produit dernière génération de cette combinaison dont Jacques Ellul avait disséqué l’émergence lorsqu’il voyait dans l’alliance de la société technicienne et de la propagande sociologique l’horizon très fermé de l’évolution de l’histoire. Nous y sommes vraisemblablement, ce qui ne garantit en rien la survie électorale du macronisme, même si ce dernier dispose d’un avantage comparatif par son interopérabilité avec les propriétés de nos sociétés. De deux choses l’une : où il tombe parce qu’une autre marque, circonstance oblige, parait plus susceptible d’assurer la perpétuation de ce système, où un événement de nature historique renverse ce système. À ce stade, la première hypothèse est plus probable que la seconde.

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