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Présidence de France Télévisions : déjà la fin de partie  ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Revue des candidats

La bataille pour la direction de l'audiovisuel public s'est lancée timidement.

Etienne Rateau

Etienne Rateau

Etienne Rateau est le pseudonyme d’un fin connaisseur des dessous de l’audiovisuel français.

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Peu documentée dans les médias, la course pour la direction du groupe France Télévisions est pourtant particulièrement stratégique. En effet, le groupe, actuellement dirigé par Delphine Ernotte, est une véritable machine de guerre. Avec près de 10 000 salariés, France Télévisions compte des chaînes aussi ancrées dans l’esprit collectif que France 2, France 3, France 4 et France 5. Le groupe est aussi actionnaire de TV5 Monde, à hauteur de 49 %, d’Arte à hauteur de 45 %, d’Euronews et Africanews, à hauteur de 10,73 %. Une myriade de chaînes locales, dans les régions de France métropolitaine et d’Outre-Mer, compose aussi l’offre du groupe. Delphine Ernotte, l’actuelle dirigeante et favorite de cette course, devrait être fixée le 24 juillet* sur sa reconduction ou non à la tête du groupe. Tour d’horizon des candidats potentiels sachant qu’un seul, hors de la présidente sortante, s’est officiellement déclaré.

Un seul candidat officiellement déclaré …

Pour le moment, un seul candidat a publiquement déposé sa candidature. Il s’agit de Serge Cimino, représentant du Syndicat des Journalistes. Serge Cimino est un habitué de cette échéance. Il s’était déjà présenté en mai 2014, pour une décision qui ne devait advenir qu’un an plus tard. Sans succès. Dans son communiqué officiel, Serge Cimino poursuit sur une ligne radicale, dénonçant tour à tour « le royaume des intérêts croisés », « le management brutal » et autres éléments de langage convenus pour qui abhorre le patronat. Sans programme établi ou vision claire pour une aussi grosse institution, son discours se limite bien souvent à une rhétorique anti-patronale assez classique du monde syndical qui pourrait, certes, séduire une partie des journalistes de la maison mais risque de ne pas suffire à l’accession à la tête du groupe.

… mais bien d’autres en embuscade

L’opposition réelle à Delphine Ernotte devrait se concentrer sur d’autres candidats, pas encore déclarés cependant. Christopher Baldelli, déjà. L’ancien patron de RTL a été remercié l’année dernière du fait des pertes d’audience de la radio, reléguée derrière France Inter, et de ses relations jugées exécrables avec le grand patron du groupe M6, Nicolas de Tavernost. Mais Christopher Baldelli peut compter sur un atout non-négligeable dans ce type de décision : son puissant réseau politique. En effet, Baldelli n’est autre que l’ancien directeur de cabinet adjoint de Sarkozy, quand celui-ci était ministre du Budget sous Balladur. Il entretient d’ailleurs des liens étroits avec Philippe Douste-Blazy et reste très bien intégré dans les réseaux de droite. Il se murmure que Christopher Baldelli ne se déclarera candidat sans une assurance sérieuse, si ce n’est de l’Elysée, du moins de ses pairs. S’il finissait par sortir du bois, Christopher Baldelli pourrait compter sur ses qualités de gestionnaire pour séduire les sages du CSA.

Autre candidat sérieux, Thierry Thuillier ne s’est pas non plus déclaré officiellement. Journaliste, passé par France 2, Canal et TF1, il occupe actuellement le poste de directeur de l’information du groupe TF1. Considéré comme sarkozyste -ce qui, on vous l’accorde, ne saurait être un gros mot- dans les couloirs de France Télévisions, même s’il s’en défend, il est aussi connu pour son management à la hussarde. Il a été au cœur d’une petite polémique pour avoir autorisé la diffusion sur LCI du discours d’Éric Zemmour lors de la désormais très fameuse Convention de la Droite organisée par Marion Maréchal le Pen. Rappelons qu’Eric Zemmour devrait être jugé en mai pour certains éléments de ce discours qui avait, alors, choqué l’opinion et une partie de la classe politique. Le souvenir de ce petit écart reste cependant vivace dans le monde de l’audiovisuel et pourrait rendre bien délicates, en cas de nomination, ses relations avec les salariés du groupe.

Bruno Patino, méconnu du grand public et habitué à l’ombre, fait aussi figure de candidat potentiel. Aucun doute, Bruno Patino est extrêmement brillant et intellectuellement au-dessus de la mêlée. Diplômé de Sciences Po, de l’ESSEC et titulaire d’un doctorat obtenu à la Sorbonne, il a occupé les postes de directeur éditorial d’Arte et de directeur de France Culture. En parallèle, il enseigne aussi à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Mais le monde de l’audiovisuel lui est finalement assez étranger, il en ignore les coutumes, les mœurs, les habitudes. D’ailleurs, il ne s’en cache même pas. « Je me retrouve à la télévision sans l'avoir jamais voulu, ni jamais rêvé » affirmait-il à l’Express il y’a quelques années. Si la situation a sans doute évolué, comme sa connaissance du milieu, les capacités managériales de Bruno Patino sont remises en question et son passage chez Arte n’aurait pas laissé que des bons souvenirs aux équipes de la chaîne franco-allemande.

Et les femmes ?

Pour le moment, aucune femme ne s’est officiellement déclarée, sinon la présidente sortante. En coulisse, se dessine cependant le nom d’Isabelle Giordano, notamment Présidente du comité stratégique du Pass Culture depuis juillet 2019 et qui bénéficie d’une belle carrière de journaliste derrière elle. Rien d’officiel pour le moment donc mais un outsider potentiel pour cette élection.

Et enfin, la candidate à sa propre succession : Delphine Ernotte. Elle devrait pouvoir surfer sur un bilan sérieux à la tête de France Télévisions, plébiscité par le CSA en février dernier. France Télévisions demeure en effet le premier financeur de la création audiovisuelle française. Delphine Ernotte a permis une amélioration et simplification de la gouvernance du groupe et a maîtrisé les coûts au sein d’une institution en très grande difficulté financière, inscrite dans un écosystème ultraconcurrentiel marqué par la pluralité de l’offre et l’avènement des géants du streaming. Deux bémols pour le CSA cependant : un virage numérique trop tardivement emprunté, malgré l’émergence de la plateforme france.tv, et l’insuffisance des programmes culturels sur les chaînes du groupe.

L’avis du CSA demeure très précieux car le gendarme de l’audiovisuel sera, pour la dernière fois, l’organe chargé de nommer le Président de France Télévisions. Dès 2022, ce dernier devrait être nommé par le président de France Médias, holding appelée à chapeauter France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde.

*La date limite pour le dépôt des dossiers de candidature, initialement prévue le 2 avril, a finalement été repoussée au 10 juillet au vu des circonstances actuelles. Les auditions, quant à elles, débuteront le 20 juillet pour une nomination, au plus tard, le 24 juillet.

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