Première fois depuis 1969 que l’Allemagne n’aura pas à emprunter sur les marchés… Merci l’Europe <!-- --> | Atlantico.fr
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Le budget présenté par le ministère des Finances outre-Rhin est à l'équilibre.
Le budget présenté par le ministère des Finances outre-Rhin est à l'équilibre.
©Reuters

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Pour la première fois depuis 45 ans, le budget présenté par le ministère des Finances outre-Rhin est à l'équilibre. Une réjouissance pour les contribuables allemands, mais qui a un prix alors que l'Europe continue lentement (mais sûrement) de s'enfoncer.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Alors que la France est empêtrée dans des discussions interminables au sujet de son budget 2015, Wolfgang Schäuble, célèbre ministre des finances allemand, jubile. En effet, pour 2015, le budget présenté par le ministre est à l’équilibre, et ce pour la première fois depuis 1969. Une victoire totale pour cet amateur du chiffre 0.

L’Allemagne n’aura donc pas besoin de recourir à l’endettement pour se financer, et verra ainsi son niveau de dette baisser selon une bonne logique mathématique. La dette est mesurée en pourcentage de PIB, si la dette est stable et que le PIB augmente, le ratio baisse, et Wolfgang Schäuble est content.

Mais ce qui peut apparaître comme une bonne nouvelle pour le contribuable allemand, et c’est effectivement une bonne nouvelle pour lui, pourrait ne pas être perçu de la même façon par d’autres. Européens en tête.

En effet, alors que les réformes mises en place au milieu des années 2000 par le gouvernement Schröder sont régulièrement pointées comme le fait d’un gouvernement audacieux, il convient tout de même de regarder les conditions de leurs mises en œuvre.

Entre les années 2001 et 2005, l’Allemagne va mal. Elle est l’homme malade de l’Europe. Les traités budgétaires européens sont alors contestés par Gerhard Schröder, qui obtient, avec Jacques Chirac, la possibilité de contourner la règle des 3% de déficits publics. Et les déficits s’accumulent en Allemagne : 3.1% en 2001, 3.8% en 2002, 4.2% en 2003, 3.8% en 2004 et 3.3% en 2005. Soit 5 années passées en dehors des « clous » européens. Pourtant, au même moment, la croissance nominale (tenant compte de l’inflation) européenne avance à un rythme annuel de 4%. C’est la fête au village. Parce que l’endettement allemand ne passe que de 60% à 68% de son PIB sur les cinq années, malgré un déficit cumulé qui atteint 20% de ce même PIB. En 2006 le déficit se résorbe enfin sous les 3%, la croissance nominale européenne atteint les 5.1%. La magie de la croissance. Et l’Allemagne surfe sur la naïveté de ses partenaires européens.

Ainsi, entre 2001 et 2005, la grande majorité des Etats, dont la France, continuent sans doute à tort de cumuler déficits publics sur déficits publics. Ce qui vient encore un peu plus soutenir la croissance européenne, et donc soutenir l’Allemagne dans ses efforts.

L’Allemagne trouve ainsi deux leviers qui vont lui permettre de se réformer. Les salaires allemands sont stabilisés alors qu’ils progressent dans le reste de l’Europe. Dans le même temps, la croissance enregistrée au sein de la zone euro lui permet de vendre ses produits à l’export. Les efforts réalisés sur le coût du travail  permettent au pays de reprendre des parts de marché à ses « concurrents »  européens (partenaires ?). Pour finir ; les déficits négociés à Bruxelles viennent compléter le programme. Les réformes sont douloureuses, mais elles sont menées dans un environnement suffisamment favorable pour être acceptées par la population.

L’Allemagne a ainsi procédé à son rétablissement économique sous trois conditions : une croissance forte en Europe, des déficits publics supérieurs aux maximum autorisé par les traités, et la mise en place de réformes de l’offre, notamment les réformes Hartz sur le marché de l’emploi. A l’aube de la crise, le pays est transformé en un gigantesque râteau de la croissance européenne.

Aujourd’hui les injonctions faites aux pays du sud de la part de l’Allemagne se font de plus en plus pressantes. Mais les conditions macroéconomiques sont par contre sensiblement différentes de celles qui ont permis le redressement outre Rhin.

En effet, la croissance nominale européenne cumulée n’aura été que de  5% entre 2009 et 2012, soit un rapport de 1 à 4 avec la période considérée précédemment. Et sans croissance, la lutte contre les déficits publics se compare assez bien au remplissage de paniers percés. Etant donné que Le PIB a le fâcheux inconvénient de comptabiliser les dépenses publiques, chaque économie réalisée vient donc participer à la baisse même du PIB. Et le ratio d’endettement ne faiblit pas. Une seule solution ; la croissance, c’est-à-dire la solution utilisée entre 2001 et 2007 par l’Allemagne.

Ce que vient d’annoncer Wolfgang Schäuble est en ce sens assez curieux. En plus de demander un parfait respect des règles budgétaires à ses partenaires, de hurler face à toute action de la BCE pour soutenir la croissance, il se félicité d’afficher un budget équilibré pour l’année 2015. Un budget 0 qui est une sorte de drapeau brandi devant les 11.6% de chômeurs en Europe. Car s’il est possible de féliciter l’Allemagne pour ses réformes et son « sérieux » budgétaire, son comportement actuel est plus que contestable.

Une croissance plus forte en Europe aurait en effet pour conséquence de venir peser à la hausse sur les salaires allemands, en raison de sa situation de plein emploi actuelle. Lorsque le plein emploi est atteint, la seule arme permettant de répondre à la demande est bien d’agir sur les salaires. Ce qui remettrait rapidement en cause la compétitivité du pays. L’option d’une croissance forte permettant la baisse du chômage et des déficits dans le reste du continent aurait ainsi un coût pour l’Allemagne.

Une stratégie qui peut se résumer assez bien par cette formule « Merci à tous ! Et maintenant débrouillez-vous ». Un beau message d’espoir.

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