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Premier sommet social du quinquennat : pour Macron, les syndicats actuels sont devenus inutiles. A eux de prouver qu’ils peuvent changer leur raison d’être s’ils veulent survivre
©JEFF PACHOUD / AFP

Atlantico Business

Emmanuel Macron a invité des syndicats de salariés et de patrons à préparer la mutation du modèle social français.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est la première fois depuis le début du quinquennat que tous les dirigeants syndicaux vont se retrouver tous ensemble à l’Elysée pour préparer l’agenda social. L’objectif est de les convaincre de participer au changement.

Les dirigeants syndicaux connaissent bien l’Elysée, mais jusqu'alors ils avaient rencontré le président séparément, en mai et en octobre 2017, juste avant les ordonnances travail et la réforme de la formation professionnelle. Mais à l’époque, ce type de tête à tête n’avait pas eu beaucoup de succès. Les dirigeants syndicaux n’avaient guère aimé que le président leur tienne des discours différents, c’est du moins ce qu‘ils ont dénoncé.

Depuis, on ne peut pas dire que le climat entre les dirigeants syndicaux et le pouvoir se soit amélioré. Les réformes Pénicaud et le changement de statut de la SNCF ont donné l’occasion d’une guérilla qui a crée beaucoup d’agacement, mais qui n’a guère été soutenue par l’opinion publique, ce qui a conforté la détermination d’Emmanuel Macron à poursuivre ses réformes et à convaincre les organisations syndicales d’organiser leur propre mutation.

Pas facile de provoquer le changement. Pas facile, sauf que les organisations syndicales n’ont sans doute pas le choix, sauf à prendre le risque de disparaître.

Depuis le XIXème siècle et encore plus précisément depuis la fin de la 2e guerre mondiale, les syndicats en France ont trois fonctions.

1er, les syndicats sont d’abord des contrepouvoirs. Contrepouvoirs du gouvernement, contrepouvoirs du patronat et des actionnaires. Ils s’opposent et proposent (parfois) des décisions alternatives. L’essentiel du progrès social est issu de compromis discutés et signés à la suite des luttes sociales.

2e, les syndicats sont depuis 1946 et à l’initiative du général de Gaulle co-gérants du modèle social. Les syndicats de salariés et de patrons assurent la gestion paritaire des organismes sociaux de protection : assurance chômage, assurance santé et assurance vieillesse.

3e, les syndicats sont enfin producteurs de droit social et notamment de droit du travail.  Ce droit est produit au niveau national lors de réunion entre les dirigeants de syndicats salariés et patrons qui déterminent le cadre général de l‘organisation du travail et des salaires, ce droit est ensuite décliné au niveau des branches professionnelles et appliquées dans les entreprises.

Et bien, les mutations de la société moderne, progrès technologique, mondialisation, concurrence généralisée et volonté politique affirmée par le président actuel qui cherche à accompagner ce changement, ont vidé de son contenu l'essentiel de la fonction syndicale.

1er Le rôle de contre pouvoir existe toujours évidemment mais il doit s’exprimer différemment. Le salariat n’est plus la seule forme d’organisation du travail. Par ailleurs, on a assisté à une disparition progressive de la condition ouvrière, au profit d’une classe moyenne de cadres et d’employés de service. En bref, la lutte des classes que Marx annonçait a perdu de sa violence.

2e La cogestion ds organismes de prévoyance sociale a changé de nature. L'assurance chômage, par exemple, n’est plus financée par les cotisations de salariés mais par la CSG, c’est à dire par l’impôt. Donc l’Etat décide et commande. Le paritarisme à l’Unedic est presque de l'histoire ancienne, même si ce sont les dirigeants syndicaux qui tiennent les signes extérieurs du pouvoir.

L’assurance santé n‘est, de même, gérée par un lien entre le travail et la couverture santé. La CSG et la création plus récente de la CMU (couverture médicale d’urgence) autant dire l’impôt, ont donné à l’Etat le pouvoir sur les partenaires sociaux, qui ne sont plus que des observateurs au sein de l’assurance maladie.

Dans l’assurance vieillesse, on pourrait faire le même dessin. Quand on se résoudra à créer un régime universel (promis par E. Macron), les régimes de retraite complémentaire subiront, de fait, la même évolution que la santé ou la gestion chômage.

Alors, cette évolution n’est pas forcément un bon signe quand on voit la façon dont l’Etat gère les finances publiques. Ceci dit, elle est simple et compréhensible. Puisque c’est l’Etat qui paie, c’est l’Etat qui commandera.

Pour compléter la mutation et par souci d’efficacité, rien ne s’opposera à ce que l'Etat autorise et encourage des transferts d’activité dans la sphère privée selon des logiques purement assurancielles. Dans la gestion chômage, santé et retraite, ça existe déjà à titre complémentaire et la gestion des sociétés d’assurance, des mutuelles ou des entreprises privées ne se réfèrent plus ni à l‘Etat, ni aux syndicats.

3e La fabrication du droit social a également changé d’adresse. L’essentiel n’est plus produit au niveau national ou de la branche. La loi El Khomri d’abord, les ordonnances Pénicaud ensuite, ont inversé la hiérarchie des normes, c’est à dire que ces réformes ont fait redescendre au niveau des branches et des entreprises de nombreuse décisions qui concernent l’organisation du travail, les horaires, le temps de travail, la fixation des rémunérations, la santé au travail, la pénibilité…

Dans tous ces domaines, sur tous ces dossiers, les centrales syndicales ont perdu (ou vont perdre la main). Plus grave, ayant peu d’adhérents et assez peu de représentants syndicaux dans les entreprises, les syndicaux seront absents. Plus grave encore pour les centrales syndicales, en perdant leur raison d’être d’origine, elles vont perdre aussi leur moyen de vivre. Les syndicats vivent sur la gestion des organismes sociaux, ils prélèvent leur dime ou y installent leur permanent. C’était vital pour eux étant donné la rareté de leurs adhérents.

Tous les leaders syndicaux se retrouvent donc ensemble pour trouver des solutions ou des réponses à toutes ces questions et toutes ces mutations qui les obligent à muter.

Comment accepter la réalité d’un modèle qui ne fonctionne plus ?

Comment définir une nouvelle offre syndicale qui soit désirable aux salariés et aux patrons ?

Comment passer d’un syndicalisme de conflit à un syndicalisme de compromis ?

Les dirigeants syndicaux ont quand même intérêt à faire preuve d’imagination s’ils veulent survivre. Ils ont face à eux un président qui n’a jamais considéré que les corps intermédiaires étaient très utiles, nécessaires ou même indispensables.

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