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Pourquoi vous mettez votre futur en danger en n'épargnant pas dès vos 20 ans (et comment y remédier si vous vous y prenez un peu tard)
©Reuters

Jeunes cons

Face au prolongement de la crise ainsi qu'à la réduction des systèmes de retraites et d'assurance-chômage, les prochaines générations ont tout intérêt à tricoter leur bas-de-laine dès le plus jeune âge. Voici pourquoi.

Florence Legros

Florence Legros

Doyenne d'ICN Business School, Florence Legros était auparavant professeur à l'université de Paris Dauphine où elle a dirigé l'école d'assurance, le magistère Banque-Finance-Assurance et le E-MBA Assurance. Ses recherches portent sur le vieillissement, les pensions, les politiques sociales, l'épargne et leurs effets sur la croissance économique et les flux financiers.

Elle exerce également des activités de consultance pour des administrations internationales, a été experte au sein du conseil consultatif des pensions du Premier ministre français et conseillère scientifique auprès de la Commission européenne. Entre 2008 et 2011, elle a occupé le poste de recteur de la région de Bruxelles-Capitale. Entre 1999 et 2004, elle a été directrice adjointe du CEPII, où elle a participé activement à la création du réseau européen Enepri.

Elle a écrit de nombreuses publications, articles et livres traitant de l'économie du vieillissement.

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Atlantico : Avec un taux de chômage à 23,6 % chez les moins de 25 ans et une faible progression des salaires, les jeunes français ne fixent généralement pas l’épargne en tête de leurs priorités. Auraient-ils intérêt, dès qu’ils en ont la possibilité, à mettre une partie de leurs revenus de côté ? Cela doit-il se faire le plus tôt possible ?

Florence Legros : Je commencerai par revenir sur le chiffre de 23,6%. Il s’agit de la part des jeunes actifs puisque – chez les jeunes – il existe une catégorie impressionnante qui est celle des étudiants. 23,6% c’est la part des jeunes non étudiants ou lycéens qui sont au chômage. Le % est biaisé parce que ce sont les moins qualifiés. 

Néanmoins, c’est trop et il est clair que les jeunes vont avoir d’autres priorités. Parmi celles-ci, acheter son logement en est une qui va clairement changer la donne au moment de la retraite. Les loyers ainsi économisés représentent une part importante du revenu à la retraite, d’une part, d’autre part, les dispositifs de viager mutualisés partiels qui commencent à voir le jour peuvent donner un revenu supplémentaire non négligeable.

Ceci dit, dès qu’ils le peuvent les jeunes – ou moins jeunes – doivent épargner pour leur retraite et ceci pour plusieurs raisons :

  • Baisse à venir des taux de remplacement (ratio retraite/salaires)
  • Baisse prévisible des héritages (dépendance à financer et baisse des taux de remplacement qui obligera à consommer une partie de patrimoine)
  • Besoin de mutualisation intertemporelle pour éliminer les risques financiers. Les études montrent que la probabilité de perte sur un portefeuille d’actions est nulle en termes réels (donc net de l’inflation) au-delà de 25 ans de détention du portefeuille. Par ailleurs les rendements sont accrus par la détention d’actions.

La constitution d’une épargne est-elle rendu d’autant plus nécessaire que les taux de cotisation retraite atteignent désormais plus d’un quart du salaire brut (25,12 %), et devraient dépasser les 26 % en 2017 ? L’incertitude quant à la pérennité du système oblige-t-elle à s’en remettre exclusivement à soi ?

Il ne s’agit pas forcément de ne penser qu’à soi.

Les prévisions d’équilibre du régime de retraite sont actuellement faites avec des hypothèses optimistes : 4.5% d’inflation et 1.5% de productivité par an en 2030 avec une transition vers le taux de chômage qui fait que le régime va dégager des excédents rapidement (en raison des transferts en provenance de l’assurance chômage prévus par la réforme de 2003).

En réalité, des hypothèses plus prudentes continuent d’aboutir à un fort déficit (un chiffrage récent donne 40 milliards d’euros par an en 2050).Cela veut dire qu’il faut s’attendre à de nouvelles réformes et à une nouvelle dégradation des taux de remplacement pour limiter la hausse des taux de cotisation.

En revanche, la question d’une réforme plus profonde qui aboutirait à une solidarité ciblée et donc d’avantage cilblée sur les plus modeste reste posée. Il s’agirait  alors que les plus favorisés transfèrent plus avec un taux de cotisation plus faible donc avec des pensions réduites et donc une épargne supérieure.

Si la somme "épargnable" chaque mois est très limitée, cela présente-t-il un intérêt réel ? A partir de quelle somme mise de côté l’épargne devient-elle substantielle et permet-elle d’envisager l’acquisition d’un patrimoine à moyen terme ?

La somme épargnable par les français est importante. Le taux d’épargne en France est l’un des plus élevé des pays de l’OCDE à plus de 15%.

Les français épargnent déjà massivement pour leur retraite mais sur des supports inadaptés : l’assurance vie (horizon trop court de 6 à 8 ans) ou autres livrets d’épargne. Les supports dédiés à la retraite (PERP et contrats divers) sont encore faiblement sollicités et ne représentent aujourd’hui que 2.5% du revenu des retraités.

Il s’agit donc pour les pouvoirs publics d’organiser un transfert d’épargne vers l’épargne longue en instruisant d’avantage les français sur les perspectives du régime de retraite. Il faut aussi et surtout leur faire réaliser l'intérêt choix fiscaux clairs en faveur de l’épargne retraite : il faut revenir sur les niches en faveur d’une épargne peu adaptée à la retraite (Assurance-vie sous sa forme actuelle par exemple) et cibler les incitations fiscales sur l’épargne retraite longue avec une durée de détention qui permet la détention d’actions, des rendements supérieurs avec un risque limité. Cette détention d’actions est également de nature à financer de manière vertueuse les entreprises. L’économie ne pourrait que s’en féliciter.

Si l'on n'a jamais épargné de sa vie, arrive-t-il un âge où cela ne sert plus à rien ? 

Il est très rare de voir des gens qui n’ont jamais épargné. Il s’agit de personnes ayant une forte préférence pour la consommation présente et une faible aversion au risque doublée d’une grande myopie.

Peut-être une action pédagogique pour créer des comportements vertueux…De toutes manières, le plus tot est le mieux. Une étude récente montre que 100 euros par mois pour la génération 1985 suffirait à donner un taux de remplacement global (répartition + épargne) de 70% du salaire d’activité.

Dans quelle situation risque de se retrouver une personne qui toute sa vie aura correctement gagné sa vie, mais sera restée locataire, et n’aura pas acquis de patrimoine ? La retraite suffira-t-elle ?

Clairement non. Encore une fois, l’enquête patrimoine de l’Insee montre la grande rareté de ces cas. Généralement les gens ont épargné mais sous une forme non spécifiquement destinée à la retraite, ce qui est dommage.

Le taux de détention des livrets A ou de l’assurance vie (1400 milliards d’euros d’encours quand même…) sont importants. Reste peut être à redéployer sur des supports ad hoc.

Quels produits d’épargne recommander à un jeune actif qui aurait entre 25 et 30 ans ? Pourquoi ?

Il faut tout d’abord qu’il regarde ce que lui propose son statut professionnel. L’épargne salariale est un des trop rares excellents supports.Ensuite il peut avoir recours à un Madelin (s’il est non salariés) ou à la Préfon (s’il est fonctionnaire ou cotisant à l’ircantec ou proche d’un fonctionnaire ou cotisant à l’ircantec)

Les contrats de type article 39, 83… sont également de bons supports proposés par quelques entreprises. Le PERP (Plan d'épargne retraite populaire) peut être une alternative individuelle ainsi que l’acquisition d’un logement. Reste au gouvernants d’organiser la lisibilité de tout cela et l’accès de chacun à des dispositifs.

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