Pourquoi répéter de manière obsessionnelle que “l’immigration est une chance pour la France” pollue autant le débat politique que de rabâcher l’inverse<!-- --> | Atlantico.fr
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Des migrants à Lampedusa.
Des migrants à Lampedusa.
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Instrumentalisation

Parfois vue comme une chance, parfois comme une menace, l'immigration est l'une des grandes problématiques françaises. Ses bienfaits ou leur absence, économiques comme culturels, sont pourtant difficiles à évaluer tant cette question est instrumentalisée par la droite comme par la gauche.

Atlantico : Après la polémique déclenchée par Jean-François Copé autour du droit du sol, le journal Le Parisien a consacré un dossier aux bienfaits de l'immigration. Si ses apports sont indéniables, présenter systématiquement l'immigration comme une chance n'est-il pas finalement aussi absurde que de la présenter comme quelque chose de forcément négatif ?

Jacques Barou : L'immigration est d'abord un fait qu'il faut prendre en compte sans juger s'il est bon ou mauvais. Les flux migratoires ont toujours existé et concernent aujourd'hui la plupart des pays du monde ; même des pays relativement pauvres attirent des immigrés venus de pays encore plus pauvres. Il y a eu des périodes où l'immigration a été d'un apport économique réel pour les pays d'accueil, tout en ayant aussi des répercussions positives dans les pays de départ : ce sont les années de forte croissance économique. Il y a eu des périodes où l'immigration n'a pas été positive ni pour le pays d'accueil ni pour les pays de départ, ni pour les immigrés eux-mêmes. En période de chômage élevé, les immigrés sont plus touchés que les autres, sont plus à charge de la société d'accueil et envoient moins d'argent dans leurs pays. Ceci dit, les motivations à l'émigration ne sont pas toujours rationnelles et les facteurs de répulsion par rapport au pays de départ, quand celui-ci est dans une situation politique et économique difficile, l'emportent souvent sur les appréhensions de ne pas trouver un mieux dans le pays visé. Si on peut dire globalement que l'immigration est une chance pour la France est aussi une chance pour les immigrés.

Pour en savoir plus, retrouvez notre sujet : L'immigration est-elle une plaie ou un bienfait économique pour la France ?

Maxime Tandonnet : Ne considérer l’immigration qu’à travers ses bienfaits est bien sûr une posture idéologique. Aucun phénomène de société ou démographique n’est absolument bon ou mauvais en soi. Tout dépend des circonstances. Les migrations peuvent être bénéfiques si l’étranger qui s’installe dans un pays bénéficie d’un travail, d’un logement, de conditions favorables à sa vie de famille et à l’éducation de ses enfants. La France est un grand pays d’immigration depuis le XIXème siècle. Un quart des Français ont au moins un grand parent de nationalité étrangère. Des générations de migrants se sont totalement confondues à la société française et l’ont enrichie. Cependant l’immigration peut aussi conduire à des tragédies collectives et individuelles quant les nouveaux arrivants n’ont pas de travail ou de qualifications professionnelle, dans le contexte actuel de 3 à 5 millions de chômeurs, ni de logement ou s’ils ne parlent pas le français. Elle favorise alors l’exclusion, la ghettoïsation et les frustrations. Il n’y a pas de pire fausse générosité que de faire ou laisser venir des personnes sans avoir les moyens de les accueillir dignement.

Mehdi Thomas Allal : Disons que dans le contexte actuel ("percée" annoncée de l'extrême-droite aux prochaines élections, multiplication des Unes stigmatisantes vis-à-vis de l'immigration et des musulmans…), il est toujours appréciable de lire un titre de presse qui porte une voix discordante. Toutefois, il convient de ne as tomber dans l'angélisme, notamment du côté de la gauche. C'est précisément parce que le Parti socialiste s'est borné à faire de l'immigration un dossier classé, par peur de heurter certaines sensibilités, que cette question lui cause actuellement un préjudice. La gauche doit "crever l'abcès" et accepter de traiter de l'immigration sans tabous et de manière objective, et ce, malgré toutes les passions que cette question peut déclencher. Un regard objectif sur notre Histoire nationale permet de rappeler que l'immigration a été indéniablement une chance pour la diversité et la richesse culturelle ; l'immigration a également favorisé le dynamisme économique. Contrairement à ce que suggère le Front national, elle n'est pas un coût : la plupart des études un peu sérieuses sur le sujet confirment qu'elle est favorable à la croissance et à l'emploi des Français. Dans la logique du philosophe Carl Schmitt, le processus de différenciation entretenu par la peur, et alimenté par l'extrême-droite, permet certes de mieux souder en retour la communauté nationale ; mais la violence symbolique ou réelle à l'égard de l'immigré ne favorisera jamais son intégration. En somme, présenter l'immigration comme quelque chose d'économiquement et historiquement positif (mais non de "bon" par nature...), c'est simplement corroborer la réalité : les sociétés fermées périclitent et la France s'est industrialisée, puis reconstruite après-guerre, grâce à l'immigration. Une société qui accepte la différence et la valorise est d'autant plus riche. Une société de méfiance envers l'étranger est d'autant plus sclérosée.

Ce type d'approche manichéenne nous empêche-t-il finalement de voir certaines réalités ? Lesquelles ?

Jacques Barou : Les approches manichéennes empêchent de mesurer la complexité du phénomène migratoire qui ne se limite pas à accueillir ou ne pas accueillir des populations en quête d'un emploi ou d'une protection. C'est au niveau des conséquences à long terme de l'immigration que les problèmes se posent. Les enfants de la troisième génération d'immigrés sont dans des situations globalement moins bonnes que les Français de souche ; il y a chez certains un sentiment exacerbé de rejet qui les porte à cultiver une hostilité envers la France sans pour autant vouloir la quitter. Les conditions dans lesquels ont vécu leurs parents expliquent l'échec de l'intégration de certains descendants d'immigrés. Les familles qui ont connu une situation économique à peu près stable ont pu favoriser la réussite de leurs descendants, les autres n'ont transmis que des frustrations qui nourrissent un repli communautaire teinté d'agressivité envers le pays d'accueil devenu le pays d'appartenance des jeunes générations. A terme, cela risque de produire un clivage au sein de la société française, même au niveau politique comme l'a montré la bataille pour l'investiture socialiste à Marseille entre une personne d'origine maghrébine qui s'affirme comme représentante des quartiers nord, paupérisés et ségrégés et un descendant d'immigrés italiens qui draine les préférences des électeurs mieux intégrés quelles que soient leurs origines.

Maxime Tandonnet :Il est paradoxal qu’au pays de Descartes, les élites françaises s’avèrent incapables de regarder cette question par le prisme de la raison et des réalités, et non par celui de l’idéologie. Il faut dire certes que l’immigration a contribué à forger la Nation française et qu’elle continue à le faire. Ce constat ne devrait pas empêcher de regarder certaines réalités en face : l’accumulation des populations migrantes les plus défavorisées dans un millier de cités sensibles dont certaines, accablées par le chômage de masse, vivent en marge de la République, l’essor partout dans le monde des filières criminelles esclavagistes qui prospèrent sur la misère et le malheur, le problème de la fuite des cerveaux et des énergies des pays du Sud : comment un pays peut-il réussir son décollage économique quand ses médecins, ingénieurs, informaticiens, créateurs, quand sa jeunesse la plus dynamique prend le chemin de l’exil ?

Mehdi Thomas Allal : Il est vrai que parler "d'immigration" en général, et de devoir dresser un bilan global, ainsi qu'on me le demande ici, conduit à ne pas faire de nuance entre les différents types et motifs d'immigration, ni entre les immigrés, et à leur attitude au sein de la société. Cela peut conduire à essentialiser l'immigration (et l'immigré), ainsi qu'à adopter des postures dogmatiques. L'attitude du Front national, par exemple, est révélatrice : l'immigration est néfaste, point. L'UMP est plus ambiguë sur la question. Mais ce n'est pas forcément mieux. Ainsi, Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir avec un seul objectif : favoriser l'immigration économique, et essentiellement de personnes qualifiées. Non seulement cette politique a été un échec dans sa réalisation (le regroupement familial reste le principal motif pour l'obtention d'un titre de séjour, et les élites qualifiées ne se sont pas pressées pour venir nous rejoindre en raison notamment de l'hostilité supposée de notre pays envers les immigrés), mais elle n'était pas judicieuse. Vouloir attirer à tout prix les élites étrangères, c'est aussi vider les pays partenaires d'un vivier qui est essentiel pour leur modernisation et leur développement économique, c'est une logique assez égoïste. La gauche, quant à elle, se refuse à parler de "bonne" ou de "mauvaise" immigration : ce serait perpétuer des stéréotypes et des logiques idéologiques. Ce qui pose problème est en effet l'impact de l'image du "mauvais" immigré sur notre perception des choses. Lorsque l'on prononce ainsi au journal télévisé "jeune homme d'origine maghrébine", l'esprit y associe presque instinctivement l'idée de délinquance. Ce lien n'est pas naturel, mais issu d'un univers social qui se représente l'immigré comme une menace : pour la sécurité ou pour l'emploi. Les discours de l'extrême-droite favorise ce climat anxiogène. La réalité, ce n'est pas qu'un immigré sera plus un délinquant qu'un Français — il y a des Français délinquants, comme des étrangers délinquants — mais les statistiques montrent que la délinquance est liée en grande partie à la précarité. Or, les immigrés sont en moyenne plus pauvres que les citoyens, et sont par ailleurs sur-représentés lorsqu'il s'agit de médiatiser les affaires judiciaires.

Les discours "angéliques" ou "catastrophistes" servent-ils avant tout à instrumentaliser cette question à des fins politiciennes ? Si l'extrême droite et une partie de la droite jouent parfois sur les peurs sans apporter de solutions, peut-on dire également qu'une partie de la gauche  joue la carte de la victimisation jusqu'à encourager  le repli sur soi de certaines communautés ?

Jacques Barou : Les discours sans nuance, qu'ils soient angéliques ou catastrophistes ont les mêmes effets contre-productifs ; ils globalisent tout et empêchent de prendre en compte la grande diversité des situations au sein de l'immigration. Il est certain que l'appui inconditionnel apporté par un certain nombre de militants des droits de l'homme à une famille aussi asociale que celle de Leonarda a des effets catastrophiques sur la perception des immigrés. On ne peut pas considérer de la même façon une famille qui fait des efforts pour trouver du travail, scolariser ses enfants et entretenir de bonnes relations avec ses voisins qu'une famille qui s'installe dans l'assistance. La posture angélique tend à déresponsabiliser les immigrés, ce qui à terme se retourne contre eux et quelquefois produit un rejet sans nuance.

Maxime Tandonnet : L’instrumentalisation de la question de l’immigration à des fins politiciennes est en effet un drame de notre pays. Le sujet est particulièrement complexe, impliquant une dimension économique, démographique, juridique, statistique, sociétale, internationale, humanitaire. Or, il est comme pris en otage de positions extrêmes. Le courant humaniste ou "sansfrontiériste" abonde dans l’hypocrisie en prônant l’ouverture inconditionnelle tout en s’abritant derrière les murs des beaux quartiers et des bons établissements scolaires. Le dogme inverse celui de l’immigration zéro, ou quasi zéro est parfaitement démagogique et inconcevable dans un monde moderne où la circulation et la mobilité sont indissociables du progrès. Dans un cas comme dans l’autre, la logique de la manipulation de masse ne fait que brouiller les repères et aggraver encore les difficultés.

Mehdi Thomas Allal : Certainement. Le traitement et les discours sur l’immigration et les enjeux électoralistes sont indissociables, ce qui nuit à un traitement efficace et à des débats raisonnés sur la question. Mais c’est surtout du côté de l’extrême droite et plus récemment de la droite que cette instrumentalisation se fait la plus ressentir. L’immigration est un thème cher au Front national. Le parti en a fait son principal argument pour justifier ses théories nationalistes/populistes, tenter de cliver la société française, et alimenter la peur parmi les français. Le repli sur soi, c’est avant tout une caractéristique de l’extrême droite. Prenez donc le programme du Front national : fermeture des frontières, sortie de l’Union européenne, retour au franc… Par ailleurs, il y a toujours eu des communautés de migrants, lorsqu'elles arrivent dans un pays dont elles ne maîtrisent pas la langue. Lorsque des Français arrivent dans un pays étranger, ils ont tendance à former des communautés. Le rôle de la République n'est pas d'encourager la formation de ces communautés, mais de favoriser leur intégration progressive. Il n'est pas question d'être angélique pour la gauche : nous reconnaissons que nous ne pouvons accueillir, ainsi que l'a dit Michel Rocard, dans sa célèbre formule, "toute la misère du monde". Nous ne sommes pas un pays "ouvert aux quatre vents" et aux vagues migratoires. Ces prétendues vagues sont un fantasme et non corroborées par la réalité ; il y a moins d'immigrants aujourd'hui que dans les années 1970, et le nombre de nouveaux arrivants reste stable.

Empêtré dans l'affaire Leonarda, François Hollande voulait privilégier les questions économiques et sociales et éviter la question de l'immigration qu'il juge trop clivante. Un rapport de Terra Nova, intitulé "Gauche, quelle majorité électorale pour 2012" préconisait au PS de se tourner  vers les "les diplômés", "les jeunes", "les minorités" et "les femmes" plutôt que vers les ouvriers et les classes populaires. Les partis politiques en général, et le PS en particulier, sont-ils trop prisonniers de calculs électoraux sur cette question ?

Jacques Barou : Le parti socialiste ne peut pas faire une politique très différente de celle de la droite sur le plan économique et social. Il ne peut pas répondre aux souhaits des milieux populaires qui sont avant tout de voir diminuer le chômage et garder des acquis sociaux comme la retraite à 60 ans. Il a donc tendance à se distinguer en prenant en compte les aspirations des minorités en réalisant par exemple le mariage pour tous. Il espère s'attirer ainsi les suffrages d'une partie des classes moyennes sensible à la défense des différentes minorités sans forcément en faire partie. Dans cette logique, il valorise les différences dont sont porteurs les immigrés au détriment de ce qui peut les rapprocher de l'ensemble des milieux populaires. Ce faisant, il prend le risque d'accentuer le clivage au sein de son électorat.

Maxime Tandonnet : Il est en effet effarant de constater que les partis politiques sont incapables de prendre en compte le sujet de l’immigration en dehors de calculs électoralistes de court terme, y compris les grands partis de gouvernement. Les uns agitent des chiffons rouges, par exemple la question de la « déclaration de volonté » en matière de droit du sol qui ne toucherait qu’une infime minorité de personnes et n’a strictement aucun rapport avec les grands enjeux migratoires actuels. Cette stratégie leur permet de capter l’attention tout en évitant d’avoir à traiter les vrais problèmes bien plus complexes, autour de la lutte contre l’immigration illégale ou les abus de la procédure d’asile par exemple. Les autres se drapent en permanence dans leur vertu humaniste, pour complaire à leur base militante et extrémiste, tout en déplorant en privé les effets d’une immigration insuffisamment maîtrisée pour leur commune ou leur circonscription.  

Mehdi Thomas Allal : Ce rapport Terra Nova a été instrumentalisé lui-aussi et n'a pas réellement été lu par ses détracteurs. Nous partions d'un constat sociologique : l'électorat socialiste a tendance à évoluer et à être de moins en moins ouvrier. La vision de "classe" n'a d'ailleurs plus beaucoup de sens dans nos sociétés contemporaines où les individus sont de plus en plus atomisés. L'objectif n'est bien entendu pas de délaisser les catégories populaires, au contraire : le Parti socialiste les a toujours défendues. Mais il ne peut les défendre exclusivement. La question n'est pas de savoir qui est la "clientèle" socialiste, ce serait malvenu ; mais qui sont les oubliés des politiques publiques ! Terra Nova joue un rôle essentiel d'observateur de la société et de précurseur de politiques publiques, mais pas de machine à gagner les élections. Aujourd'hui, la question de l'immigration est certes clivante et instrumentalisée, comme on l'a vu, mais elle ne peut être abandonnée à la droite et à l'extrême-droite. La politique de l'autruche n'a aucun sens quand on sait qu'elle est contreproductive. Il s'agit maintenant de faire émerger à gauche un discours cohérent sur l'immigration et adapté aux réalités contemporaines, réaliste et humain

Un consensus peut-il être trouvé entre la droite et la gauche sur cette question ? Sur quelles bases ? 

Jacques Barou : L'immigration, et surtout ses conséquences à long terme, fait partie des questions qui devraient transcender les clivages politiques, comme l'écologie ou l'emploi. Les gains électoraux réalisés par les uns et les autres sont peu de choses par rapport aux problèmes qui couvent du fait de la non-intégration d'un certain nombre d'immigrés.

Maxime Tandonnet : Par le plus grand des paradoxes, au-delà des gesticulations, un certain consensus existe sur le fond. Les partis de gouvernement préconisent en principe l’immigration maîtrisée, adaptée aux capacités d’accueil du pays. Ainsi, la grande loi du 24 juillet 2006 qui encadre et limite le regroupement familial, qualifiée par l’opposition de « xénophobe » à l’époque, (elle rendait obligatoire le revenu d’un travail et un logement adapté pour faire venir sa famille), n’a pas été touchée d’un iota par la nouvelle majorité issue du 6 mai 2012. Les vraies différences portent sur la fermeté avec laquelle le droit est mis en œuvre. Les uns privilégient le respect des lois sur l’entrée et le séjour donc le rapatriement des migrants en situation irrégulière, les autres, invoquant les sentiments humanitaires, penchent plutôt en faveur de solutions de régularisation. La fureur idéologique qui entoure ce sujet est donc en partie artificielle, destinée à « cliver ». Pour que les grands partis acceptent de se mettre autour d’une table, comme l’ont fait en Grande-Bretagne les partis travailliste et conservateur, et de réfléchir ensemble à des solutions efficaces et réalistes sur un sujet d’une exceptionnelle complexité, il faudrait que les personnalités politiques soient davantage motivées par le bien commun.

Mehdi Thomas Allal : Un consensus aurait pu être envisageable sans la dérive imposée par Nicolas Sarkozy et sa fâcheuse tendance à faire de l'immigration un problème central pour la société française. Les dirigeants de droite ont une responsabilité évidente dans la montée en puissance de la xénophobie. Néanmoins, on peut espérer que droite républicaine et gauche parviendront à un consensus, qui permettra au pays de rester une terre d'asile, la chose est importante, et ouvert à une immigration maîtrisée, en fonction de nos besoins en main d'oeuvre notamment. La bataille des chiffres n'a en effet aucun sens, elle sert juste à convaincre, puisque les statistiques sont manipulables, utilisées par ceux qui sont déjà persuadés du bienfondé de leur pensée. Par ailleurs l'immigration, qui comporte une part de flou - il est difficile de connaître le nombre de sans papiers résidant sur le territoire -, est une matière où la statistique peine parfois à être sûre d'elle-même. Certaines estimations sont toutefois significatives et réalistes, elles permettent d'avoir des idées plus claires.

Que penser des différents chiffres à propos du coût ou des bienfaits économiques de l'immigration ? Est-il possible de leur faire dire, là aussi, tout et son contraire ?

Jacques Barou : Les chiffres ne sont pas fiables et on peut effectivement les manipuler. Ce qui est sûr c'est que ce n'est pas l'invasion. Ce qui est sûr aussi, c'est que la proportion d'immigrés augmente lentement mais régulièrement dans la population. Ce qui est sûr c'est qu'une immigration jeune et peu exigeante en période de croissance représente un avantage économique certain. En dehors de cela, l'analyse du gain économique reste sujette à des discussions. Les choses absolument certaines à ce niveau sont plutôt rares.

Maxime Tandonnet : Bien sûr les chiffres sont indispensables pour connaître le volume des phénomènes migratoires et essayer d’adapter les politiques migratoires à la réalité des capacités d’accueil du pays, par exemple en matière d’emploi ou d’accueil scolaire. Quant au calcul du coût et du profit de l’immigration, je trouve qu’aucune estimation n’est convaincante. Comment prendre en compte l’apport à l’économie française sur des décennies de plusieurs générations de migrants ? Comment a contrario évaluer ce que coûte à la France – en termes financier – le problème de la désintégration liée à l’accumulation de populations issues de l’immigration dans les quartiers sensibles ? Chacun fait dire ce qu’il veut à ces évaluations en fonction de sa sensibilité idéologique.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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