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Pourquoi la primaire de la droite est tout sauf un succès démocratique, n’en déplaise aux apprentis sorciers du pseudo renouvellement
©Reuters

Pas de réjouissance hâtive

Contrairement à ce qu'ont affirmé les différents candidats, la primaire de la droite et du centre n'est pas un succès démocratique. En effet, ce processus électoral pâtit, en France, d'un manque total de contrôle et d'encadrement.

Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Atlantico : Tout le monde s'est félicité dimanche dernier de la forte participation au premier tour de la primaire de la droite et du centre, parlant de succès démocratique. Dans quelle mesure pourrait-on dire qu'il s'agit là d'une erreur d'analyse ?

Yves RoucauteCes primaires ont été organisées, d'une certaine manière, en dépit du bon sens. Je rappelle que c'est le modèle américain qui a été transposé, sauf qu'aux Etats-Unis, les électeurs à la primaire sont inscrits. Par ailleurs, toutes les primaires ne sont pas ouvertes : certaines ne le sont qu'aux électeurs inscrits du camp républicain ; d'autres sont semi-ouvertes, réservées aux inscrits indépendants et républicains ; et enfin, certaines primaires sont totalement ouvertes aux électeurs inscrits, qu'ils soient démocrates, indépendants ou républicains. Quand vous êtes inscrit et que vous avez voté à une primaire républicaine, cela est noté, et vous ne pouvez donc pas allé élire ensuite le candidait à la primaire démocrate.

En France, c'est loin d'être le cas : il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé notamment en Seine-Saint-Denis et en Val-de-Marne, deux départements où Alain Juppé s'est retrouvé en tête, ce qui a été très rare lors de ce premier tour de la primaire. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de deux départements réputés généralement pour être très à gauche. S'il s'est retrouvé devant François Fillon et Nicolas Sarkozy, c'est parce que les électeurs de gauche ont massivement voté pour lui. Aux Etats-Unis, ce serait impossible : si les électeurs démocrates votent à la primaire républicaine, ils ne pourront plus voter à la primaire démocrate.Le système des primaires en France est donc totalement incontrôlé et toutes les magouilles et les manoeuvres sont possibles. La primaire en France nous fait croire que le vainqueur de la primaire est nécessairement le vainqueur de la présidentielle. L'illusion est effectivement totale : il est temps d'ouvrir les yeux.

Si nous décidons d'organiser des primaires en France aussi bien à droite qu'à gauche, il convient de se mettre d'accord sur les modalités de mise en place de ce système, avec de vrais contrôles, des listes officielles sur lesquelles les électeurs sont inscrits suivant leur préférence politique. Il faudrait que ces listes soient exposées, pour que les truqueurs éventuels soient dénoncés publiquement. Dans la situation actuelle, c'est comme si nous étions écarquillés entre deux chaises ; on ne sait plus très bien où l'on va, ce que l'on fait. Heureusement, la victoire de François Fillon ne se situe pas à quelques milliers de voix près, mais elle est très large, ce qui fait que toutes ces magouilles et ces manipulations n'ont pas eu d'effets sur sa victoire. Même s'il est possible que Nicolas Sarkozy se serait retrouvé au deuxième tour sans le vote socialiste, celui-ci aurait été battu à l'issue du second tour. 

Quels risques précisément pour la démocratie sont inhérents au principe de la primaire ? 

Si la primaire est réalisée suivant des contrôles d'honnêteté morale comme ceux décrits ci-dessus, dans ce cas alors, ce système peut être intéressant pour élargir l'assiste des partis politiques français. L'assise populaire de ces derniers est insuffisante, et ce depuis une quarantaine d'années. La primaire pourrait ainsi asseoir, de manière un peu plus forte, la légitimité des candidats. 

Comment réformer la démocratie sans passer par une institutionnalisation et un renforcement de la pratique de la primaire ? 

Il n'est pas normal, en France, que nous n'ayons pas des juges qui soient élus, ce qui permettrait d'éviter les dérives observables dans certains jugements. Il n'est pas normal, non plus, que les policiers, les commissaires, ne soient pas en relation directe avec l'élu local ; cela changerait le rapport à la police dans la population, ce qui renforcerait la démocratie. De même, il n'est pas normal qu'il n'y ait pas plus de référendums, et pas nécessairement nationaux mais locaux : à l'heure du numérique, il est absurde de ne pas demander plus souvent à la population son avis sur un certain nombre de processus de la vie quotidienne (voierie, sécurité, école, etc.).

En France, le système est extrêmement pyramidal, vertical, étatique, et la démocratie, en effet, a des difficultés à vivre. De ce côté-là, nous avons beaucoup de choses à apprendre des Américains, des Suisses, de tous ces individus qui mettent les associations et les processus participatifs en avant. Je rappellerai d'ailleurs que c'est ce que voulaient De Gaulle et Pompidou. 

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