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Pourquoi la mission GUSTO de la NASA pourrait être l'une des plus importantes jamais lancée
©REUTERS/NASA

Astronomie

Pourquoi sommes-nous principalement composés de molécules de carbone, alors qu'à l'origine de l'univers n'existaient que deux éléments, l'hélium et l'hydrogène? Une question à laquelle la NASA cherche à répondre, en allant explorer les nuages de poussières présents dans l'espace, où naissent planètes et étoiles.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Parmi toutes les missions proposées à la NASA, pourquoi la mission GUSTO a-t-elle été sélectionnée? Est-elle plus importante d'un point de vue scientifique, ou simplement plus facilement réalisable économiquement ?

Olivier Sanguy : Tout d'abord GUSTO n'est pas la seule mission retenue par la NASA. Chaque année, l'Agence américaine doit effectivement faire plusieurs choix en fonction de son budget voté par le Congrès américain. La sélection se fait à la fois en fonction de priorités scientifiques et en fonction du réalisme à la fois technique et budgétaire. Ainsi, certains axes de recherche dans la science spatiale pourront ne pas être retenus si l'Agence estime que la technologie nécessaire n'est pas assez mature pour offrir une chance de succès raisonnable. Cela n'empêche pas de faire preuve d'ambition lorsque nécessaire. Le James Webb Space Telescope (JWST), présenté comme le successeur d'Hubble, était ainsi dès le départ extrêmement poussé sur le plan technologique au point qu'il a fallu en retarder le lancement (prévu désormais pour 2018) et demander de nombreuses rallonges budgétaires. Ce dernier point étant toujours délicat ! De façon générale, les agences spatiales doivent donc composer constamment entre la science qu'il convient de mener et les réalités à la fois budgétaires et technologiques. Or, ce sont des choix qui détermineront à terme la pertinence du programme spatial ! Bref, des décisions stratégiques qui forgent l'avenir.

Le projet GUSTO prévoit d'étudier la matière présente dans le milieu interstellaire, cet "espace" entre les étoiles qui, contrairement aux idées répandues, est loin d'être vide. Quelle pourrait être la portée des résultats de cette mission ? Quelles réponses pouvons-nous espérer en retirer, notamment en termes de formation des étoiles ?

GUSTO (Galactic/Extragalactic ULDB Spectroscopic Terahertz Observatory) sera un observatoire automatisé porté sous un ballon stratosphérique pendant 100 à 170 jours. Évoluant à environ 40 km d’altitude, il sera au-dessus de la majorité de notre atmosphère et accédera ainsi à des longueurs d’onde qui sont fortement atténuées, voire bloquées par justement l’atmosphère. Le but est de détecter avec plus de précision la présence de carbone, oxygène et azote dans les nuages de gaz interstellaires. Lorsqu’une étoile arrive au terme de sa "vie", elle expulse dans l’espace une grande partie de sa matière, parfois très violemment pour les supernovae. C’est cette matière expulsée qui forme les nuages de gaz interstellaires. Ceux-ci finissent ensuite par s’effondrer sur eux-mêmes pour donner naissance à d’autres étoiles.

L’étude des nuages de gaz interstellaires est donc essentielle pour comprendre non seulement ce cycle de formation des étoiles mais aussi notre propre existence ! En effet, lors du Big-Bang, il n’y avait que de l’hélium et de l’hydrogène. Or, nous humains, nous sommes composés de molécules bien plus complexes à base de carbone. De même pour la nature qui nous entoure. Or, ces éléments qu’on trouve sous forme de briques de base dans les nuages interstellaires ont en fait été "forgés" dans le cœur des étoiles. Ceci car la fusion de l’hydrogène pour donner de l’hélium, qui est leur moteur, connaît en fin de vie une sorte d’emballement qui aboutit à la formation de carbone, d’oxygène, etc. Et on le retrouve ensuite très logiquement dans les nuages de gaz interstellaires. C’est pourquoi, lorsqu’on dit que nous sommes des poussières d’étoiles, il ne s’agit nullement d’une expression poétique mais bien d’une réalité de la physique ! C’est ce cycle que GUSTO va permettre de mieux comprendre.

La matière expulsée par les étoiles lorsqu'elles arrivent au terme de leur vie représenterait 15% de la masse totale de la Voix lactée. Pourrait-elle apporter des réponses à la structure des galaxies, que l'on tente aujourd'hui d'expliquer par l'existence de la matière noire ?

On estime que la matière dite baryonique, la matière "classique" à base d’atomes pour ainsi dire plus simplement, constitue seulement 4,6 % du bilan masse/énergie de l’Univers. La matière noire, une matière dont on constate les effets gravitationnels mais qu’on ne détecte pas, représente 23 %. Enfin, ce qui reste, à savoir un peu plus de 72 %, est l’énergie noire qui accélère l’expansion de l’Univers. La nature exacte de la matière noire et de l’énergie noire ne sont pas connues. Il y a cependant des théories. En ce qui concerne la matière noire, il y a eu de nombreuses pistes et celle de la masse de nuages de gaz fut en effet explorée, comme celle d’étoiles mortes non détectées, de trous noirs, etc. Toutefois, les nuages de gaz interstellaires, comme ceux que va étudier GUSTO, sont constitués de matière classique dite baryonique. L’idée que ces nuages puissent être la matière noire est désormais écartée. Actuellement, pour expliquer la matière noire, on penche plutôt pour des particules de type non-baryonique appelées WIMP, ce qui signifie Weakly Interactive Massive Particles, soit particules massives faiblement interactives.

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