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Pourquoi les PME boudent la BPI
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Usine à gaz

La Banque publique d'investissement disposerait de suffisamment de crédits et de fonds propres disponibles pour les PME... Seule la demande des entreprises ferait défaut.

Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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Atlantico : Lundi 24 juin une convention a été passée entre la Banque publique d’investissement (BPI) et la Banque européenne d’investissement (BEI). La BEI mobilisera 1,2 milliard d'euros renforçant ainsi la capacité de financement au profit des PME. Pourtant, le problème de la BPI ne serait pas, selon son président, Nicolas Dufoucq, le manque de crédits ou de fonds propres disponibles pour les entreprises, mais plutôt le manque de demandes. Comment expliquer que les PME ne se tournent pas davantage vers la BPI ? 

Léonidas Kalogeropoulos : La BPI a pris la suite d'Oseo que les entreprises avaient fini par bien connaître et dont les mécanismes de cofinancement, en articulation avec les banquiers des PME, étaient assez simples à appréhender. Or, dans les mécanismes de financement de l'économie, comme pour toutes les autres composantes de l'environnement des entreprises, la stabilité est un atout majeur. La création d'une nouvelle banque, de nouveaux mécanismes, de nouveaux guichets avec leurs procédures et leurs interlocuteurs propres, implique, pour que les entreprises y aient recours, de se familiariser avec une kyrielle de nouveautés qui apparaissent dans un premier temps, lorsque l'entrepreneur a la tête dans le guidon de ses projets ou de ses difficultés, comme avant tout une perte de temps. La création d'entreprise et la croissance, ce ne sont pas des rouages mécaniques, ce sont des hommes et des femmes qui mobilisent leurs énergies  pour faire éclore des projets. Or, se plonger dans la compréhension de nouveaux processus administratifs pour travailler avec une banque qui a été qualifiée récemment de "banque politique" par ses dirigeants, ce n'est pas ce qui apparaît spontanément comme le chemin le plus court pour réaliser ses projets. Il va falloir une montée en puissance progressive et un retour d'expérience positif de nombreux chefs d'entreprises avant que le réflexe de se tourner vers la BPI devienne spontané chez les entrepreneurs. 

Les financements de la BPI sont-ils difficiles à obtenir ? 

Il est trop tôt pour se prononcer sur les mécanismes propres à la BPI et donnons crédit à tous ses dirigeants d'avoir très certainement mis la meilleure volonté à rechercher les mécanismes les plus simples et opérationnels pour faciliter la vie des entrepreneurs. Néanmoins, nous sommes face à une banque "publique", et  les chefs d'entreprises ont coutume de savoir que les administrations fonctionnent toutes selon des règles tatillonnes avec des cases à remplir auxquelles le projet dont on est porteur ne correspond jamais. Prenez le statut de Jeune entreprise innovante qui pouvait représenter un espoir pour de très nombreuses pousses entrepreneuriales. Le nombre d'entrepreneurs qui ont abandonné tout espoir de rentrer un jour dans les cases administratives correspondant à ce statut est légion, les mouvements d'entrepreneurs collectionnent tous des anecdotes plus caricaturales les unes que les autres sur ces anomalies administratives. Même Facebook, s'il était né en France, n'aurait pas obtenu ce statut. Ce contexte amène naturellement les entrepreneurs à appréhender une banque "publique" avec une réticence naturelle dès le départ. Mais ce procès d'intention spontané n'est peut être pas justifié, ce sera à la BPI de démontrer que ces réticences sont malvenues...à moins qu'on ne constate rapidement qu'elles étaient légitimes. Mais il est indéniable que les entreprises sont réticentes à se tourner vers ce qui apparaît d'abord et avant tout comme une nouvelle administration.

L’objectif de cette convention ne serait pas de baisser les taux d’emprunt mais de combler quelques failles de marché. Quelles sont les failles du marché auxquelles les PME sont actuellement confrontées ? Comment les pallier ? 

Il est vrai que les relations entre les PME et les banques privées ne sont pas aisées, et que les réticences des banques à prendre des risques et à accompagner les entreprises dans leurs projets ou à surmonter leurs difficultés passagères, mettent en péril le dynamisme de notre économie. Fallait-il pour autant demander à une banque publique de supplanter les carences des banques privées? Ça a été le choix du gouvernement et il faudra en faire le bilan dans quelques mois. Mais il est indéniable que le diagnostic de départ est juste : le coup de frein des banques face à toute prise de risque a véritablement asséché les projets des entreprises. Peut-être fallait-il, en contrepartie des soutiens dont elles ont bénéficié de la part du gouvernement ou de la BEI, exiger qu'elles se montrent plus enclines à la prise de risque, ce qui est après tout la justification des taux d'intérêts qu'elles pratiquent.

Quelle serait la solution pour redonner un peu d’air aux PME ? La BPI est-elle en mesure de s’en charger ?

La meilleure manière de favoriser le financement des PME, c'est de multiplier les sources de financement, qu'il s'agisse des prises de participation de particuliers, de fonds d'amorçage, de partenaires de long terme ou de nouvelles pistes en faveur des fonds d'assurance vie orientés vers les PME. Pour cela, il faut que la fiscalité applicable aux investisseurs soit favorable et que de nouveaux mécanismes de financement de proximité soient mis en place. La BPI ne pourra pas être la solution miracle. Il y a la nécessité de créer un faisceau de mesures complémentaires, convergentes et favorables qui ensemble, sont de nature à répondre à la très grande diversité des besoins de financement des entreprises. Entre une société de conseil de quinze salariés qui au bout de cinq ans traverse une crise de trésorerie, une jeune pousse de la net économie qui cherche à lever des fonds pour développer un nouveau logiciel, un couple qui veut se mettre à son compte en rachetant un fonds de commerce pour ouvrir un restaurant ou un site industriel qui veut moderniser son outil de production pour rester compétitif, pourquoi voudrait-on qu'il n'existe qu'une seule solution univoque? Il existe des milliers de situations différentes qui amènent à rechercher des financements. Il faut une multitude de solutions de financement, pour que l'économie retrouve son agilité et reparte de l'avant. Penser que la mise en place de la seule BPI répondra à elle seule à toutes ces situations constituerait à coup sûr une erreur.

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