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Pourquoi le Portugal n’a pas besoin d’aide
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Non, merci

Menacé, le Portugal pourrait pourtant s’en sortir sans avoir recours à une aide internationale

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Avant de vouloir à tout prix venir en aide à un pays qui ne le demande pas, il faut, comme l'a souligné à maintes reprises Anibal Cavaco Silva, le président de la République portugaise, comprendre les éléments macroéconomiques et le contexte social du pays en question. Éléments qui ne sont souvent pas pris en compte par le FMI dans ses critères d’intervention.

Les données économiques fondamentales attestent du sérieux du Portugal : virage à 90° vers l'industrie des services depuis 30 ans, rattrapage de la productivité depuis la révolution des œillets de 1974, et croissance depuis 10 ans, limitée, certes, mais comme dans beaucoup d'autres pays.

A la différence du cas irlandais ou grec, des marges de manœuvre restent ainsi possibles et l'optimisme est au rendez-vous. Il est juste de dire que les taux d'intérêt réels demeureront au dessus du taux de croissance même pour l'année 2011. Ceci marque sans doute un problème de soutenabilité de la dette publique qu'il ne faut pas négliger. Cependant, si l'inflation repart à la hausse, une partie de la dette devrait fondre comme neige au soleil.

Le problème du Portugal : un problème… allemand

Plus fondamentalement, l'écart des taux d'intérêt que l'on observe entre le Portugal et l'Allemagne n'a pas de lien avec la situation économique du Portugal, mais bien avec la situation économique de l'Allemagne. La faillite du secteur bancaire allemand impliqué dans les subprimes a poussé l'État à émettre des emprunts pour le renflouer. Ces emprunts nouvellement émis sur les marchés ont fait baisser les taux d'intérêt en creusant ainsi l'écart entre les taux d'intérêt allemands et portugais. Les investisseurs traduisent cela en une augmentation du risque portugais alors qu'il s'agit d'un moindre risque pour l'Allemagne. Ce ne sont donc pas tant les bons du trésor portugais qui sont boudés, que les bons du trésor allemands qui sont souscrits de façon excessive. Une telle situation contraint le Portugal à offrir une surprime au marché pour attirer des investisseurs.

Autre élément renforçant le "spread d'intérets", soit l’écart qui existe entre les deux pays : l'excédent commercial allemand et le déficit portugais. L'excédent commercial allemand et la fermeture de son marché ont en partie grevé le solde commercial portugais, le rendant ensuite dépendant du financement externe ! Voilà en partie pourquoi les banques privées portugaises se sont retrouvées endettées sur le plan externe en alimentant ainsi la dette publique portugaise. Car à la différence de la Grèce, c'est d'abord la dette privée qui a entraîné la dette publique : ce sont d'abord l'endettement externe et ensuite interne qui ont conduit le système bancaire à restreindre le crédit. Par effet de boomerang, l'activité économique fut étranglée et les recettes de l'Etat ponctionnées.

De plus, il semblerait que la bonne santé globale de la zone euro puisse aussi bénéficier au Portugal. D'ailleurs les prévisionnistes ajustent constamment et favorablement les prévisions économiques concernant le Portugal. La prochaine élection présidentielle déjà pratiquement gagnée par Anibal Cavaco Silva, le Président sortant, est très axée sur la croissance économique et l'innovation, le greenbiz et une vraie volonté de s'attaquer à la question de l'import-export et de la stimulation de la balance commerciale par l'identification des avantages comparatifs.

La capacité du pays à rembourser de la dette à court terme est un élément rassurant

Le Portugal a déjà emprunté 500 millions d'euros sur les marchés début 2011, à un taux exceptionnellement élevé, mais il s'agit d'emprunts de court terme qui n'engagent pas l'économie à long terme. Il était difficile pour le pays de concéder des taux à 6 mois au même niveau que ceux de l'année dernière du fait des mauvaises interprétations du différentiel d'intérêts. Or la capacité du pays à rembourser de la dette à court terme est un élément rassurant. Aussi, même si les taux à 10 ans sont à des niveaux historiques jamais atteints on oublie qu'ils baissent depuis novembre dernier ! Car le pays rembourse aussi sa dette à long terme, en attestent les 26 milliards d'échéances de dette à long terme qui expirent en 2011 et qui seront remboursés.   

Le pays a aussi suivi le conseil des marchés financiers qui souhaitaient des politiques d'austérité afin notamment de contrôler et de maitriser les déficits publics. Les chiffres sont déjà meilleurs sur l'année 2010 et l'ambition du gouvernement portugais devrait, selon toute vraisemblance, être atteinte pour la fin de l'année 2011. D'ailleurs depuis le vote au Parlement du plan d'austérité, les taux longs à 10 ans se détendent. Seule une poussée de fièvre court-termiste a provoqué une petite secousse depuis le 7 janvier dernier sur ce front.

Imaginons que le Portugal doive malgré tout faire appel à une aide externe. Le système bancaire portugais n'est pas aussi puissant dans l'économie que celui de l'Irlande ! Il est proportionnellement trois fois et demi moins important. Les sommes allouées seraient donc faibles et surtout plus faciles à rembourser. Précisons que l'État portugais est déjà intervenu lui-même pour sauver la BPN – une banque portugaise qui connaissait d’importantes pertes - sans aucune aide externe et pour des montants dérisoires à coté du sauvetage allemand ou encore irlandais.

Ces éléments sont importants car au Portugal comme en Irlande, et à l'inverse de la Grèce, c'est une crise bancaire qui a entraîné une crise de la dette publique et qui l'a largement alimentée. L'Irlande qui a déjà bénéficié d'une aide du FMI, a-t-elle vu ses taux de long terme baisser ? Non, bien au contraire. D'ailleurs sans aide internationale, les taux à long terme se sont déjà détendus au Portugal !

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