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La précarité énergétique en France ne recule pas.
La précarité énergétique en France ne recule pas.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Tribune

En dépit des travaux de rénovation énergétique largement encouragés par le gouvernement, la précarité énergétique en France ne recule pas. La qualité des travaux n’est pas au rendez-vous, en particulier en matière d’isolation. De graves trous dans la raquette qui mettent en péril l’atteinte des objectifs climatiques que s’est fixés la France. 

Olivier Durin

Olivier Durin

Olivier Durin est journaliste et directeur de publication du Monde de l'Energie.

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La précarité énergétique, une urgence sociale

Selon la fondation Abbé Pierre, 5,6 millions de ménages se trouvent en situation de précarité énergétique en France. Soit 12 millions de personnes, un peu moins de 20% de la population. Ces chiffres, qui font froid dans le dos, sont d’autant plus alarmants qu’en 2019, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique, on comptait 3,5 millions de ménages (1 foyer sur 10 et 1,6 fois plus qu’il y a 3 ans). Ce terrible constat a été mis en lumière le 10 novembre à l’occasion de la première Journée nationale de lutte contre la précarité énergétique, organisée par des organismes impliqués dans la prévention de la précarité, la lutte contre l’exclusion et l’urgence climatique. L’ampleur de ce fléau qui s’accélère est au carrefour des enjeux sociaux et écologiques. 

Mais qu’entend-on exactement par précarité énergétique ? Pour Florian Gougeon, chargé de projet chez SHAKTI 21, « c'est toujours la conjonction entre des faibles revenus et un logement énergivore avec une mauvaise performance énergétique parce que compte tenu des conditions d'accès au logement quand on a des petits revenus, on est juste contents d'en trouver un ». Facteur aggravant : les critères énergétiques ne font pas partie des conditions décentes d’une logement.

Face à ce constat, le gouvernement a décidé en mars 2021 d’interdire à la location les logements avec une forte consommation d’énergie au 1er janvier 2023. Autrement dit, dans un peu plus d’un an, un logement sera qualifié d'énergétiquement décent lorsque sa consommation d'énergie (chauffage, éclairage, eau chaude, ventilation, refroidissement...), estimée par le DPE (Diagnostic de performance énergétique) et exprimée en énergie finale par mètre carré et par an, sera inférieure à 450 kWh/m2. Petit problème : seuls 90 000 logements seront concernés par cette interdiction. En parallèle, en 2023, l’Etat obligera les propriétaires de passoires thermiques à effectuer des travaux de rénovation demandés par leurs locataires.

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Pour épauler financièrement les Français dans leurs travaux, le dispositif MaprimeRénov’, mis en œuvre début 2020 par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), a du plomb dans l’aile (subvention  considérée  comme  plus  incitative  qu’un  crédit  d’impôt,  versée  dès  la  livraison des travaux). En dépit des chiffres affichés, de nombreux rapports pointent du doigt les faiblesses de cette politique, davantage orientée autour de la massification que de l’efficacité réelle. En témoignent les chiffres : sur 500 000 dossiers engagés en 2021, à peine 1 000 ont obtenu un bonus de « sortie de passoire énergétique ».  Le récent rapport du comité d’évaluation du Plan de relance, portant notamment sur MaprimeRénov’, est plus que problématique : 86 % des travaux soutenus par le dispositif concernent des rénovations mono-gestes. « Si l’octroi des primes n’est pas conditionné à une réduction  réelle  de  la  consommation  énergétique  des  logements  après  travaux,  certains mono-gestes  peuvent  être  efficients,  en  permettant  de  dégager  des  économies  d’énergie significatives. Ainsi l’installation des pompes à chaleur air/eau représente 55 % des gains attendus pour l’ensemble des travaux, mais 25 % du montant total des primes accordées au premier semestre 2021.  En revanche, les rénovations globales ne représentent que 0,1 % des travaux soutenus », détaille le rapport.

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Même la Cour des comptes relevait le 30 septembre que MaprimeRénov’ « s’adresse à la quasi-totalité des propriétaires, sans gain énergétique minimum requis. Une évaluation des bénéfices environnementaux et sociaux sera nécessaire d’ici à 2023 ».

Isolation : un fossé entre performances théoriques et performances réelles 

L’inefficacité du dispositif, sorte de cache-misère, met en évidence le nécessaire besoin d’accentuer les travaux d’isolation. Mais encore faut-il que ces travaux soient réellement efficaces. L’isolgate en est la parfaite illustration. Comme le « dieselgate », l’ « isolgate » révèle que les laines minérales, matériaux des plus usités pour isoler les maisons et appartements, ne seraient pas aussi performantes que l’assurent les entreprises qui les fabriquent. Pour l’heure, les nouvelles réglementations techniques n’ont rien changé, alors qu’il existe des paramètres déterminants pour garantir la performance des produits isolants, notamment les conditions de pose.

Un rapport publié par le bureau d’études Pouget Consultants confirme le manque de prise en compte des phénomènes d’étanchéité à l’air et de ponts thermiques. Pour que la performance des produits soit conforme aux promesses des fabricants, leur pose doit s’accompagner de l’installation d’un écran de sous toiture et d’un pare-vapeur, chargés d’isoler thermiquement en assurant l’étanchéité à l’air. Or, la profession n’utilise pas de membranes d'étanchéité pour les laines minérales… La précarité énergétique est une urgence à régler pour de nombreux Français, à l’heure, qui plus est, où la question climatique est au cœur des enjeux des prochaines années.

 Par Olivier Durin, Directeur de la publication du Monde de l'énergie

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