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Pourquoi la migration de la route des ouragans vers le nord sera bien moins catastrophique que ce qu’en pensent les ultra-climatiques
©Capture d'écran Youtube

Summer is coming

Selon Philip Duffy, président du Wood Hole Research Center "le changement climatique augmenterait le nombre et la dangerosité des ouragans".

Frédéric  Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Dans une étude datant de 2013, des chercheurs (Reindert J. Haarsma, Wilco Hazeleger, Camiel Severijns, Hylke de Vries, Andreas Sterl, Richard Bintanja,Geert Jan van Oldenborgh, Henk W. van den Brink), indiquent que le réchauffement climatique pourrait faire évoluer les routes des ouragans : "L'élévation des températures de la surface de l'Atlantique tropicale ouvre l'est comme le terrain de reproduction des cyclones tropicaux, produisant ainsi des ouragans plus fréquents et plus intenses vers l'Europe." Malgré l'incertitude que peut présenter ce type d'études, dans quelle mesure un tel scénario peut sembler probable ? 

Frédéric Decker : Dès sa création, le GIEC tablait sur une multiplication du nombre d’ouragans à travers le monde sous la hausse des températures globales. Or, le nombre d’ouragans sur la planète est on-ne-peut plus stable depuis 1959, date du premier satellite météo lancé permettant de meilleures observations et données statistiques sur ces phénomènes. Le rafraichissement des années 50 à 70 n’a pas fait chuter la fréquence des ouragans (-0,4°C sur ces trente années par rapport à la trentaine précédente), et le réchauffement qui a suivi n’a finalement pas augmenté cette fréquence. Nous observons tout au plus une légère hausse du nombre de cyclones violents, de catégorie 3 ou plus. Mais sur une période encore trop courte pour en tirer des conclusions qui seraient trop hâtives. Concernant la fréquence, c’est donc quasiment acquis : il n’y aura pas plus de cyclones à l’avenir, peut-être un peu plus de cyclones de catégorie élevée.

Dans l’Atlantique, quasiment tous les cyclones prennent naissance vers les îles du Cap Vert, au large de l’Afrique de l’Ouest, avant d’être poussés par les alizés vers les Caraïbes et l’est des Etats-Unis. C’est une constante qui ne sera pas bousculée.En été jusqu’à l’automne, saisons de formation des cyclones, les alizés soufflent exclusivement du sud-est vers le nord-ouest. La route des cyclones est parfois altérée par des hautes pressions ou d’autres zones de basses pressions, ils peuvent alors remonter précocement vers le nord par exemple, en direction du centre de l’océan. Le seul et unique cas de phénomène tropical ayant atteint l’Europe est Vince le 11 octobre 2005, tempête tropicale étant partie du Cap Vert directement vers le sud du Portugal et de l’Espagne, coincée par l’anticyclone des Açores anormalement étendu vers l’ouest et le sud. Le phénomène était toutefois affaibli, occasionnant une tempête assez classique pour cette période de l’année. L’Europe de l’ouest et la France subissent occasionnellement des restes de cyclones ou de tempêtes tropicales, comme en 1984 ou 1993. Les conditions météo n’ont toutefois plus rien à voir avec celles observées sous les tropiques, se « limitant » finalement à des vents tempétueux proches de ceux d’une dépression hivernale classique sous notre latitude. Et puisque la question revient régulièrement : non, les tempêtes de décembre 1999 n’étaient pas des ouragans ni des restes d’ouragans, mais des tempêtes « explosives » boostées par un très puissant jet stream (courant de haute altitude).

Le « problème » pour qu’un cyclone atteigne la France ou l’Europe de l’ouest est simple : l’océan est trop froid autour du vieux continent. Or, il faut un océan à au moins 26°C sur au moins une cinquantaine de mètres d’épaisseur pour fournir suffisamment d’énergie au cyclone pour qu’il survive. Sans cette « essence », le phénomène se meurt. Il est donc extrêmement improbable de voir des cyclones en France dans l’avenir. Il faudrait que l’océan se réchauffe de plus de 6 degrés, c’est impossible !

De nombreux autres rapports indiquent une migration des routes des ouragans sur le long terme, en pointant des zones comme la Californie ou la ville de New York. Quelles sont les prédictions les plus réalistes sur la migration de la route des ouragans ?

On l’a vu avec l’ouragan Sandy en octobre 2012, des cyclones peuvent remonter quasiment jusqu’à New York, même si cela reste exceptionnel. Et n’oublions pas que New York se situe à peu près à la latitude de Rome ou Madrid. Dès que Sandy toucha terre à l’époque, il se désagrégea aussitôt, ne trouvant plus de chaleur humide, mais la dépression restera très active en termes de précipitations, provoquant les inondations très importantes. Même lorsqu’ils suivent le Gulf Stream, courant chaud partant du Golfe du Mexique vers le nord de l’Europe, les cyclones finissent par rencontrer des eaux trop froides pour perdurer. Ils perdent de leur puissance et leur cœur chaud se refroidit. Ils finissent au pire en tempête extra-tropicale à cœur froid, donnant une tempête en Bretagne ou sur la Cornouaille.

New York pourra toujours subir un cyclone en fin de course, comme Sandy en 2012 ou comme l’ouragan de 1831, considéré comme un des pires qu’ait connu l’est des Etats-Unis. Bien avant que le réchauffement climatique soit pointé du doigt.

Quant à la Californie, elle est déjà plus ou moins régulièrement touchée par des cyclones se formant côté Pacifique au large du Mexique et remontant parfois jusqu’aux côtes californiennes. Cela existe depuis toujours dans les tablettes de la météorologie, nul doute que cela va perdurer, mais pas forcément en s’aggravant, d’autant que ces dernières années ont été plutôt calmes… on pourrait presque dire « malheureusement », car les Californiens espéraient presque la venue d’un cyclone pour venir à bout de la sécheresse et des feux de forêts ces dernières années, notamment sous l’impulsion d’El Nino entre 2015 et 2016. Ce ne fut pas le cas…

Si le réchauffement des eaux de surface et de l’atmosphère perdure dans les décennies à venir, les cyclones pourraient gagner quelques dizaines voire centaines de kilomètres vers le nord… bien loin toutefois du catastrophisme matraqué par le GIEC et consorts : la France métropolitaine ne serait pas touchée.

Température actuelle des océans, toutes les zones en dehors des 27°C sont difficilement atteignables par les phénomènes tropicaux : https://www.seatemperature.org/public/sea-temperature.png

Dans quelle mesure les efforts consentis, notamment au travers des accords de Paris, sont-ils à même de pouvoir se "prémunir" contre ces tendances de renforcement et de multiplication des ouragans ? 

Les cyclones ne sont pas en voie de multiplication, mais la question de se prémunir contre eux existe malgré tout, puisque ces phénomènes qui existent depuis toujours continueront de frapper de nombreux pays à travers le monde.

La prévision météo concernant la trajectoire et la violence des ouragans fonctionne de mieux en mieux. On l’a vu avec IRMA puis JOSE sur Saint-Martin, Saint-Barth, les Caraïbes en général et le sud-est des Etats-Unis. Cela permet à la population et aux autorités de se préparer 4 à 5 jours avant l’arrivée du phénomène, avance suffisamment confortable pour se prémunir sans être dans l’urgence. Du moins lorsque des décisions des plus hauts placés sont prises à temps.

Il s’agit plutôt de réfléchir à des solutions de protection de la population : évacuations comme aux Etats-Unis, abris enterrés comme aux Etats-Unis également peuvent être des solutions adaptables dans les territoires français et ailleurs. Puisque ces phénomènes sont trop violents et qu’on ne peut pas éviter les dégâts matériels, essayons au moins d’éviter des pertes humaines…

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