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Pourquoi la crise économique guette le Canada et l'Australie
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Bonnes feuilles

Dans ce livre explosif, Steve Keen – l'un des rares économistes à avoir anticipé la dernière crise financière –, démontre magistralement comment la théorie néo-classique, aujourd’hui dominante dans les milieux économiques, est fondée sur des idées fausses et devient donc incapable de prévenir et d’empêcher les crises. Extrait de "Pouvons-nous éviter une autre crise financière?" de Steve Keen, aux éditions Les Liens qui Libèrent. 2/2

Steve Keen

Steve Keen

Steve Keen est un économiste critique de l’économie néo-classique. Il est l’une des figures de proue du mouvement du New Economic Thinking.

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Comme nous avons eu l’occasion de le voir, Margaret Thatcher est la dirigeante politique qui porte la plus lourde responsabilité dans la « Grande Récession travailliste » – le petit nom donné par les Tories à la déclinaison britannique de la crise financière mondiale de 2008. Naturellement, il y avait belle lurette qu’elle avait quitté la scène lorsque la bulle de la dette privée a éclaté, mais il est évident que cette dernière a pris son essor pendant qu’elle était aux commandes et sous l’effet des politiques qu’elle a promues. Au lieu de laisser libre cours aux forces créatrices du capitalisme, comme elles étaient censées le faire, les « réformes » de Thatcher ont déchaîné l’inventivité de la City de Londres en matière de création de crédit. Ce faisant, elles ont mis en branle une bulle qui, alimentée par le levier d’endettement, a fait monter en flèche les prix des actifs, tout en privant l’industrie britannique des capitaux dont elle avait besoin pour se développer.

Pourtant, ce n’est pas sur Thatcher que s’est abattu l’opprobre public, mais sur le Premier Ministre en exercice au moment de l’éclatement de la bulle : le travailliste Gordon Brown. Le déficit budgétaire que la rhétorique politique désignait comme responsable de la crise était en fait une de ses conséquences, et il a fait beaucoup pour en atténuer la brutalité. Mais, dans le tourbillon des cycles électoraux, cette réalité n’avait pas sa place : non content d’avoir perdu les élections de 2010, le Parti travailliste s’est humilié pendant la campagne de 2015 en validant naïvement la version des faits présentée par ses opposants. Il ne fait guère de doute qu’un destin similaire guette les Premiers Ministres canadien et australien fraîchement investis, Justin Trudeau et Malcolm Turnbull.

De fait, les deux pays vont immanquablement connaître un grave ralentissement économique dans les prochaines années, puisqu’ils ne pourront maintenir leurs taux de croissance actuels que si leur dette continue d’augmenter plus rapidement que le PIB, comme elle le fait déjà – elle croît à un rythme de 3,8 % par an au Canada et de 5,7 % en Australie, tandis que la croissance annuelle du PIB en valeur nominale est de zéro au Canada et de 2 % en Australie.

Certes, on pourrait faire valoir que ce scénario n’est pas totalement impossible, notamment si la banque centrale australienne décide d’encourager une spéculation immobilière financée par le levier en rapprochant les taux d’intérêt officiels – aujourd’hui à un niveau aberrant de 1,5 % par an – des taux quasi nuls que connaissent la majorité des pays de l’OCDE. Cependant, cela reste extrêmement improbable, pour deux raisons. En premier lieu, si cette tendance se poursuit, l’Australie et le Canada se retrouveront en 2020 avec un ratio dette privée/PIB supérieur à 250 %.

Ce serait le niveau le plus élevé jamais enregistré au sein de l’OCDE, en exceptant les cas du minuscule Luxembourg et de Hong Kong, État-vassal au statut un peu à part. En second lieu, il faut s’attendre à ce que les entreprises des deux pays réduisent fortement leur taux d’endettement dans les prochaines années, étant donné que le boom des minéraux nourri par la demande chinoise a pris fin. Si les entreprises commencent à délaisser l’effet de levier, le niveau d’endettement que devront supporter les ménages pour que les bulles puissent se maintenir deviendra tout bonnement impensable. Par exemple, pour compenser une simple stabilisation du ratio d’endettement des entreprises, la dette des ménages canadiens devrait passer de 96 % du PIB à 143 % d’ici à 2020. En Australie, où le ratio d’endettement des ménages est déjà le plus élevé du monde, à 125 % du PIB, le seuil à atteindre serait de 170 %. C’est bien simple : cela n’arrivera pas.

"Pouvons-nous éviter  une autre crise financière?" de Steve Keen, aux éditions Les Liens qui Libèrent

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