Pourquoi la course à faire entrer son enfant le plus tôt à l’école n’est pas sans risque pour lui<!-- --> | Atlantico.fr
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Les plus jeunes enfants d'une classe peuvent connaître des décalages de maturité.
Les plus jeunes enfants d'une classe peuvent connaître des décalages de maturité.
©Reuters

Pas en dessous de six ans

Les plus jeunes enfants d'une classe sont défavorisés par rapport aux autres, tant sur le plan scolaire, psychologique que physique. Donc pas besoin de se presser pour mettre vos enfants à l'école, l'année de leur six ans est la bonne solution.

Julien Grenet

Julien Grenet

Julien Grenet est chercheur au CNRS et à l'Ecole d'Economie de Paris. 

Il est le co-auteur, avec Antoine Bozio, de "Economies des politiques publiques" aux éditions La Découverte. 

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Atlantico : Une récente étude japonaise montre que les enfants les plus jeunes dans les classes ont de moins bons résultats scolaires, ce qui bloque par la suite l’accession à des postes intéressants. L'étude va même jusqu'à montrer un lien entre le taux de suicide et l'âge dans les classes : il serait plus élevé chez les personnes qui ont été les plus jeunes dans leurs classes pendant leur scolarité. Sans être aussi excessif, quels sont les risques sur le plan scolaire et psychologique à être le plus jeune de sa classe ? Y-a-il des études qui démontrent le phénomène et le chiffrent ?

Julien Grenet : Le risque principal c'est que les élèves qui sont les plus jeunes en classe - ceux qui sont nés en décembre en France – obtiennent de moins bons résultats scolaires. Cela s'explique car ils sont plus jeunes lorsqu'ils passent les examens, les tests,  donc moins matures que leurs camarades.  Les risques de redoublement sont également plus élevées pour les plus jeunes, et in fine on est plus souvent orientés orienté vers la voie professionnelle quand on est de fin d'année. Le taux de redoublement des élèves nés en décembre est de fois plus fort que celui des élèves nés en janvier.Ce risque là est beaucoup plus important dans les petites classes, car plus on avance moins l'écart a de l'effet sur les résultats. 

Le Japon reste un exemple extrême mais même si en France on ne dispose pas d'éléments de l'impact psychologique, une étude Britannique (Claire Crawford, Lorraine Dearden et Ellen Greaves, "The drivers of month-of-birth differences in children's cognitive and non-cognitive skills",Journal of the Royal Statistical Society: Series A, 177(4), octobre 2014.), a étudié les effets psychologiques sur des élèves au Royaume-Uni. Elle montre que dans les petites classes, les plus jeunes, sont souvent plus anxieux et ont moins confiance en eux que les plus âgés. Ce qui ce comprend compte tenu des écarts qui peuvent aller jusqu' 12 mois.

Enfin, les plus jeunes sont forcément moins développés physiquement. On observe notamment que les sportifs de haut niveau sont plus de début d'année, donc étaient les plus vieux dans leurs classes. Le fait d'être "vieux" donne une supériorité physique notamment dans les ligues sportives, ce qui donne plus de chance d'être sélectionné par la suite pour participer à des compétitions de haut niveau.

Un exemple concret, une étude avait regardé les mois de naissance des joueurs de la dernière coupe du monde de football et il y avait une surreprésentation des joueurs nés en début d'année. Ils auraient donc bénéficiés de cet avantage relatif pendant leur jeunesse. 

Est-ce que le fait d'être le plus jeune pendant sa scolarité à un impact sur sa vie d'adulte ? 

Sur le long terme avoir été le plus jeune pendant sa scolarité n'a que peu d'effet. Par exemple en France, l'étude que j'ai menée sur l'écart des salaires, montrait que la différence de salaire entre des personnes nées en début ou en fin d'année était de 1% - en faveur de ceux nés en début d'année. C'est significatif mais très faible.

Ces écarts d'âge s'estompent au cours du temps, car à 15 ans avoir plusieurs moins de différence ne joue plus sur la confiance en soi ou sur les capacités scolaires. 

En revanche, il y a un domaine où on observe l'impact long terme : le type de diplôme obtenu. En analysant les données, on note qu'en France les personnes nées en fin d'année possèdent plus souvent un diplôme de la voie professionnelle (CAP, BEP) que de la voie générale. Il y a une bifurcation qui se fait en 3eme, le fait d'être plus jeune fait qu'on a plus peut-être redoublé dans le passé : d'où une orientation différente. 

Cependant l'impact psychologique sur le long court n'a pas encore été mesuré, mais à mon avis il est inexistant ou pas significatif car les effets psychologiques négatifs liés à l'âge s'estompent au cours du temps. 

Aux Etats-Unis, les parents pratiquent le " redshirting," c'est à dire qu'ils souhaitent décaler l'entrée à l'école de leur enfant d'un an ou plus. En France c'est plutôt l'inverse. Comment expliquer cette différence ? Quelle est la meilleure option entre les deux ?

Clairement l'idéal est de rentrer à l'âge normal à l'école, donc l'année de ses 6 ans en France.  La tendance de "redshirting" n'est pas une bonne solution, car même si le développement de l'enfant est plus avancé on prend le risque qu'il s'ennuie. 

La stratégie inverse d'avancer l'entrée à l'école de l'enfant n'est pas une bonne idée  non plus compte tenu de ce que nous avons évoqué  précédemment.  En France la compétition scolaire est très forte, il y a l'idée que d'aller plus vite c'est mieux, qu'il faut sauter les étapes. C'est ancré dans les mentalités, même si ça reste un phénomène marginal, seuls 10% des élèves ne sont pas dans la norme d'âge. On voit d'ailleurs que cette tendance en France est sur le déclin notamment car on prend conscience des effets du mois de naissance. 

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