Pourquoi la bataille de la start-up Aero contre les géants de la télévision américaine nous concerne tous<!-- --> | Atlantico.fr
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Aereo est en guerre contre les grandes chaînes de télévision américaines.
Aereo est en guerre contre les grandes chaînes de télévision américaines.
©Reuters

Télévision numérique

Aereo est une start-up américaine créée en 2012 et qui a actuellement quelques ennuis avec la justice. En effet, via une antenne hertzienne qu'il est possible de louer et grâce au cloud, elle permet aux consommateurs d'accéder à des programmes de chaînes locales et ce sur n'importe lequel de leurs écrans. Un processus que les grandes chaînes estiment illégal.

Guillaume Plouin

Guillaume Plouin

J’ai 20 ans d’expérience dans le conseil en architecture et l’innovation IT. Je suis intervenu dans tous les secteurs d’activité, et j’ai côtoyé beaucoup de technologies. Je travaille en particulier sur la prospective, les nouveaux usages rendus possibles le numérique.

J’anime régulièrement des conférences et séminaires. J’écris des tribunes dans divers journaux en ligne. Je suis auteur de 7 livres.

Depuis 2013, je développe une plateforme de rénovation énergétique, en lien avec ma conviction d’une nécessaire transition énergétique : www.deveko.solutions.

Dans le domaine de la transition énergétique, j’ai conçu l’outil GreenFox en 2010.

Vous pouvez consulter mon blog en cliquant ici.

 

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Atlantico : Le 22 avril, la Cour suprême des Etats-Unis a débattu de l'affaire Aereo. Cette start-up fondée en 2012 permet aux utilisateurs, moyennant la location d'une antenne hertzienne dans le cloud, de regarder des chaines locales depuis n'importe lequel des écrans dont-ils disposent. Dans quelle mesure peut-on parler d'avenir de la télévision ?

Guillaume Plouin : Je suis partisan du numérique pour tout. On a déjà des offres de vidéos à la demande, notamment avec Netflix et consort, il manquait donc une offre de télévision numérique. Ce qui a déjà existé par le passé, au travers d'un acteur, TiVo, qui faisait office de décodeur de télévision et permettait de regarder des programmes en direct, de les enregistrer ou de les mettre en pause. L'offre que proposait TiVo n'a pas vraiment marché, cependant, j'ai le sentiment qu'Aereo reprend cette idée là : un service où on passe de la télévision classique, le broadcast, au numérique. Avec, évidemment les possibilités qui vont avec : la pause, l'enregistrement numérique, la possibilité de rediffuser les programmes sur tous les canaux numériques que sont les tablettes, les smartphones, les ordinateurs… l'ensemble des écrans, somme toute.

Je pense que cela correspond à l'avenir et à l'ère du temps : c'est, à mon sens, vers cela que l'utilisateur finira par se tourner, à terme. Et pour cause ! Le modèle hertzien est aujourd'hui obsolète. Ne serait-ce qu'en raison des décodeurs spécifiques qui sont indispensables. Ces appareils sont désuets et il va leur arriver la même chose qu'il a pu arriver au monde du cinéma ou de la musique. C'est une évolution globalisée qui touche aujourd'hui le domaine de la télévision.

Les grandes chaines américaines attaquent Aereo en justice, avec pour principal argument juridique celui du copyright. Aereo, de son côté, estime répliquer dans le cloud ce qu'il est possible de faire seul en mettant à disposition le matériel nécessaire. Si jamais Aereo est condamné, quel est le risque pour le cloud computing américain et mondial ?

Il s'agit d'une législation particulière et spécifique aux câbles opérateurs. Je ne suis pas sûr que cela affecte les autres modèles économiques, surtout en sachant que la singularité du cloud, et d'internet, c'est qu'il se joue sans mal des frontières. A partir de ce postulat, il contourne évidemment les législations locales. Et ce dont on s'aperçoit aujourd'hui, c'est que ces services qui font fi des législations locales se démocratisent. Les offres deviennent grand public, et une fois que c'est le cas, il ne fait plus vraiment sens de les attaquer en justice. Le cas de Google Books est emblématique. Ce que Google a fait, c'est numériser des dizaines et des dizaines de livres sans l'accord des ayant droits.

Il y a évidemment eu des procès, mais dans quelle situation nous trouvons aujourd'hui ?

Il y a eu des attaques et des procès, bien entendu. Pourtant, suite à différents accords, Google Books a subsisté et existe encore actuellement. Il y a effectivement une tension entre le monde "traditionnel" et le monde du cloud. Il y aura forcément des levées de bouclier. Beaucoup de gens se révoltent, et en Europe on a tendance à voir le cloud computing comme une forme d'hégémonie américaine. Cependant, je ne suis pas sûr qu'on puisse inviter des services numériques mondialisés à plier le genou. C'est tout de même l'utilisateur qui tranche. Néanmoins, ce qui peut arriver, c'est que l'on reproduise le schéma de ce qu'il s'était passé du temps de Napster. Aereo sera peut être fermé, mais un autre prendra vraisemblablement la place. On ne peut combattre l'innovation numérique que difficilement.

De quoi témoigne cette volonté de passer par d'anciens supports pour construire l'avenir de l'industrie de la télévision ?

L'idée est de se débrouiller pour parvenir à "convertir" les canaux hertziens en données numériques et pouvoir ainsi en faire l'usage qu'ils en ont fait dans le monde numérique. Le hertzien est utilisé pour collecter les signaux, et on peut donc en penser que c'est pour contourner les lois. Repasser par le hertzien pour le convertir ensuite en données numérique c'est vraisemblablement pour passer outre les câbles-opérateurs.

On a déjà rencontré cette situation chez Google, encore une fois. Quand Google numérise des livres sortis il y a 5 ans avec un scanner, cela peut paraître absurde tant il serait plus rapide d'acquérir directement le fichier numérique. Néanmoins, ce faisant Google, et Aereo, inventent des méthodes de contournement des ayants-droits et des cables-opérateurs. C'est, à mon sens, un nouveau modèle de contournement technique.

Faut-il voir dans ces attaques les craintes d'un modèle qui peine à évoluer ?

Je crois, en effet, que ces anciens modèles économiques s'accrochent tant bien que mal. L'exemple facile serait de reprendre Windows : le système d'exploitation est gratuit partout aujourd'hui. Pourtant, Microsoft persiste – avec de plus en plus de difficultés – à essayer de vendre son système. Ces modèles ont bien marché pendant un temps, et par conséquent il est d'autant plus difficile de les lâcher aujourd'hui. Malgré tout, le fait est que le monde évolue et que ces modèles-là sont finalement voués à disparaître. Je pense à Kodak, à Nokia, à Microsoft ou tout un tas d'entreprises qui n'ont pas vu le vent tourner et qui se sont fait prendre de vitesse.

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