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Pourquoi l'ObamaCare a terriblement besoin d'une réforme (mais pas de celle des Républicains en l'état)
©Reuters

Démontage de mythe

Lorsqu’Obama avait lancé son Obamacare en 2010, beaucoup avaient cru à une révolution sociale américaine, d’autres criaient au communisme. 7 ans plus tard, le nouveau gouvernement veut réformer cet système de santé.

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard est professeur d’économie à l’ESCP, président de l’Institut de Santé et auteur de « L’Autonomie solidaire en santé, la seule réforme possible ! », publié aux éditions Michalon.

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Atlantico : Donald Trump présente jeudi 23 mars sa réforme de l'Obamacare, mis en place par son prédécesseur. A l'origine, qu'est-ce que ce dispositif était censé résoudre en termes d'accès au soin ? 7 ans après sa promulgation par Barack Obama, en quoi ce dernier a-t-il vraiment pallié les problèmes pré-existants ?

Frédéric Bizard : Il faut rappeler le contexte du système de santé américain : c’est un pays où le citoyen est considéré comme auto-responsable et auto-suffisant, et où l’intrusion de l’État doit être au minimum. Cela a entraîné la mise en place d’un système de santé spécifique : un système public à minima (medicare et medicaid) et un système privé géré par des assureurs privés pour une grande majorité des citoyens. Ce système est structurellement plus inégalitaire, plus coûteux et moins performant en matière de santé.

Obama a tenté de mettre un peu plus d’équité dans ce système, sans pouvoir y apporter plus d’efficience. 20 % des Américains n’étaient pas couverts par une assurance santé en 2010. Au-delà des 20 %, il y en avait qui étaient couverts par des contrats de mauvaise qualité, qui entraînaient des renoncements aux soins élevés pour des soins majeurs. Des milliers de gens meurent aux États-Unis parce qu’ils ne sont pas soignés, dans le pays le plus riche du monde.

Tout système de santé comprenant des assureurs privés dans son financement doit comprendre trois piliers : la régulation des assureurs (pour éviter la sélection du risque), l’obligation individuelle de souscrire à un contrat (effet mutualisation) et le subventionnement à l’acquisition d’un contrat pour les plus modestes. L’obamacare a eu le mérite de mettre en place ces trois piliers. 

L’Obamacare a rendu l’assurance santé obligatoire (« individual mandate ») ; il a renforcé la régulation des assureurs pour éviter que les conditions pré-existantes de santé à la souscription d’un contrat d’assurance soient pénalisantes. Enfin la troisième mesure a été de mettre des subventions pour les foyers à faibles revenus pour leur permettre de payer leurs contrats d’assurance. Obama a mis en place aussi des bourses d’échange qui permettent aux individus non-couverts d’obtenir une assurance par leur employeur selon l’assureur de leur choix, en utilisant ces subventions.

Cette loi a permis à 20 millions d’Américains non couverts de disposer d’une assurance santé depuis 2014. Cela a fait passer les non-couverts de 20 à 13 % de la population pour un coût estimé à 0,6 % du PIB (moins de 100 milliards de Dollars), soit 4 500 Dollars par personne couverte.  

La grande difficulté, c’est la péréquation des risques : dès que vous interdisez la sélection de risque, il faut que tout assureur accepte la souscription d’une personne sans prendre en compte son état de santé, c’est-à-dire sans valoriser la prime en fonction du risque. Ces 20 millions de personnes n’ont pas eu de contrat  valorisé en fonction de leurs risques.

Certains assureurs ont eu la première année une augmentation de leurs «  dommages » plus importante que celle de leurs chiffres d’affaires . Ils ont fait des pertes la première année, et ont répercuté cette augmentation sur l’ensemble de leurs assurés. Il y a donc eu aussi des perdants, ce que n’a pas manqué d’exploiter Trump.

L’une des faiblesses d’Obamacare, c’était une pénalité financière trop faible liée aux « individual mandate », qui fait que 13% de la population n’a pas jugé utile de souscrire à un contrat. Lorsque vous êtes jeunes, avec un revenu modeste et en bonne santé, l’assurance santé n’est pas votre priorité. Parmi les 50 millions d’Américains qui n’avaient pas de couverture santé en 2010, ce sont ceux qui étaient le plus à risque qui ont souscrit les contrats sur la bouse d’échange et pas ceux à faible risque, ce qui à conduit la deuxième année à un renchérissement des primes des contrats déjà souscrits.  Trump a joué sur cette situation pour démolir Obamacre qui était pourtant bien un progrès significatif. 

Malgré tout, et si la réforme voulue par Trump peut partir d'une bonne intention en termes d'efficacité, en quoi n'est-elle suffisamment aboutie ?

Je pense qu’elle part d’une intention très idéologique et populaire aux États-Unis, au nom de la liberté déliée de toute justice sociale, il faut enlever toute coercition dans le système et donc toute solidarité. Mais dans la santé, ça ne fonctionne pas. Il faut imposer certaines règles, dont les trois piliers évoqués précédemment (régulation, obligation de souscription, subvention). 

Je pense que Trump n’a pas osé faire ce qu’il souhaitait faire, rendre une liberté totale de souscription ou non à l’assurance de son choix, une forme d’America first, dans l’esprit far west. 

Au lieu de cela, Il a recherché à envoyer un signal fort à la base conservatrice sans vraiment remerttre en cause les fondements d’Obamacre. Ainsi, n’a pas cassé l’Obamacare ; il a gardé les trois piliers mais les a affaibli, faisant croire qu’il respectait ses engagements. Trumpcare est en réalité un petit obamacare.  Le seul problème c’est qu’en affaiblissant les 3 piliers, il risque de mettre en pièce tout le système de santé, d’où l’hésitation des Républicains à approuver Trumpcare. Le report du vote de la loi le 23 mars faute d’accord entre les Représentants conservateurs est révélateur de cette situation de malaise dans le camp conservateur.

Le CBO (congressional budget office), qui évalue les propositions de lois,   a estimé que  24 millions d’Américains perdraient leur assurance avec Trumpcare. En effet, Donald Trump a affaibli l’obligation individuelle en réduisant les pénalités financières. Il aussi augmenté le multiple de la différence de primes autorisée entre les jeunes et les personnes âgées de 3 à 6, ce qui va permettre aux jeunes de payer moins cher mais aux plus âgés de payer beaucoup plus cher. 

Donald Trump va diminuer les subventions pour les foyers modestes, en instituant un « flat tax credit » (un crédit forfaitaire quel que soit le revenu), alors que l’Obamacare liait les subventions au revenu. Ceux à faibles revenus et à faible risque vont sortir du système assurantiel, ce qui fera augmenter les primes pour les autres assurés, entrainant la sortie progressive des personnes à risques à faibles revenus. D’où un cercle vicieux qui mène à la destruction du marché assurantiel.

C’est l ‘inquiétude des représentants conservateurs : ils ont peur que le système tombe par terre, ce qui n’est pas bon pour la population, ni pour les assureurs (qui sont des lobbyistes très importants), d’où une forte incertitude, et un programme en demi-mesure et très fragilisé.  

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