Pourquoi l’euthanasie n’est malheureusement qu’une barbarie douce dans laquelle on sombre avec les meilleures intentions du monde<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Les députés débattent ce mercredi 21 janvier de la fin de vie.
Les députés débattent ce mercredi 21 janvier de la fin de vie.
©Reuters

Effets pervers

Les députés débattent ce mercredi 21 janvier de la fin de vie, avant l'examen d'un projet de loi en mars ouvrant le droit à une "sédation continue". Les exemples belge, hollandais et suisse doivent nous avertir sur les dérives que cette évolution favoriserait.

Thibaud Collin

Thibaud Collin

Thibaud Collin enseigne la philosophie en classes préparatoires au collègue Stanislas à Paris. Il a consacré plusieurs ouvrages à des questions de philosophie morale et politique, dont un livre d’entretiens avec Nicolas Sarkozy La République, les religions, l’espérance (Cerf) et récemment Les lendemains du mariage gay (Salvator).

Voir la bio »

Atlantico : Il y a quelques mois, la Belgique a étendu le droit pour un enfant très malade à demander la mort. Qu'en avez-vous pensé ?

Thibaud Collin : Cette loi est parfaitement inique et manifeste la barbarie douce dans laquelle nous sombrons progressivement avec les meilleures intentions du monde, le tout enrobé de sentimentalisme qui est une réelle démission de la conscience morale. Ainsi les enfants ne seraient pas assez mûrs pour gouverner leur vie, pour participer par leur vote à la vie démocratique mais ils sont reconnus capables de discerner qu’ils veulent mourir. Aucune compassion ne peut légitimer le fait de donner la mort. Soulager le patient ne peut passer par sa suppression. 

>>>>>>> A lire également : Euthanasie : le regard lucide d’un médecin belge sur les bénéfices et les dérives de la loi appliquée dans son pays

Le parlement belge a décidé de ne pas autoriser la demande d'euthanasie d’un prisonnier, violeur récidiviste considéré comme très dangereux, qui affirmait ne plus pouvoir supporter son obsession. Qu'est-ce que vous avez pensé de cette décision ?

Cette décision manifeste l’incohérence d’une telle législation. Cela n’est pas étonnant tant le fait de donner la mort à quelqu’un qui la demande relève de l’arbitraire. On ne peut pas demander que l’arbitraire respecte les droits de la raison et soit logique ! Si l’homme s’érige en maître de la vie, il sort de sa condition. Si « l’homme est mesure de toutes choses », au nom de quel critère continuer à refuser une demande d’euthanasie ? Tout critère invoqué sera subjectif. Lorsqu’on a fait sauter un verrou, les conséquences suivent inéluctablement. On l’a vu avec la loi Veil qui était soi-disant une loi de dépénalisation d’un acte qui n'était dès lors que toléré. 40 ans après, on nous dit que cette loi est la clef de voûte du droit des femmes ! Il faut le redire : donner la mort n’est pas un acte médical. La médecine est finalisée par la santé et exige un respect inconditionnel de la vie. On peut certes utiliser des connaissances médicales pour mieux tuer quelqu’un, il y a de tristes exemples d'une telle perversion de la médecine au Xxème siècle, mais ce n’est pas un acte médical. 

Est-il possible de contrer les dérives qui accompagnent l'euthanasie légale dans les pays où elle existe ? Peut-elle rester une circonstance exceptionnelle ?

Arrêtons de jouer sur les mots. A partir du moment qu'une loi autorise un acte, cet acte est ipso facto perçu comme un droit et donc à terme elle impose un devoir correspondant. L’objection de conscience peut être invoquée mais à terme la pression sociale est souvent si forte que cette clause se rétrécie et finit pratiquement par être supprimée. Il y a une logique des lois, des comportements des mentalités. L’euthanasie est déjà présente dans la loi Veil puisqu’à tout moment de la grossesse il est dit que l’enfant à naître peut être tué en cas de détection de malformations graves. Et la raison pour invoquer ce qui est en fait un infanticide est que c’est pour le bien de l’enfant  ! Argument que l’on retrouve dans la pratique euthanasique. L’enjeu de tout cela est spirituel. Quelle représentation notre civilisation se donne-t-elle de la mort ? La médicalisation de l’existence humaine dont les effets bénéfiques ne sont plus à démontrer a aussi des effets pervers, notamment la grande difficulté à reconnaître son impuissance. Or l’homme est toujours impuissant devant la mort et parfois devant la souffrance. L’idéologie sentimentaliste ne supporte plus la souffrance et elle refuse de consentir à l’impuissance. On prétend avoir une solution « médicale », en l’occurrence donner la mort de manière « propre ».     

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !