Pourquoi l’écologie ne devrait pas être partisane<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Pourquoi l’écologie ne devrait pas être partisane
©Reuters

Environnement

En soutenant que l’écologie n’est nide gauche ni de droite, Yannick Jadot a rejoint la philosophie que nous partageons à CAP 21 depuis 20 ans. En effet, l’écologie étant à elle-seule un immense projet politique, elle n’appartient à aucun bloc. Mais elle peut en revanche emprunter aux valeurs de l’un et de l’autre.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

Voir la bio »

Pour autant, cette affirmation choque nombre d’écologistes qui considèrent qu’il ne peut y avoir d’écologie qu’à gauche. Théoriquement, ils ont tort. En effet, les valeurs de la droite n’excluent en aucune manière a priori l’écologie. Au contraire, le souci d’ordre et de conservation, l’importance donnée aux racines,recouvrent une part non négligeable du substrat de l’écologie, en particulier dans sa dimension de droit de la protection de la nature et du cadre de vie. Du reste, on peut noter que l’importance croissante donnée à la préservation de la biodiversité, mise en péril comme peuvent l’être un certain nombre des structures sociétales héritées du passé et en particulier la famille -et tant mieux pour le droit des femmes, des minorités,…-, devrait conduire à renforcer ce lien ontologique. Du reste, dans les années 70, les grandes lois environnementales, études d’impact, installations classées, littoral, eau, déchets ont toutes été votées par des majorités de droite.

Mais force est de constater que ces valeurs d’ordre et de conservation sont aujourd’hui très éloignées des valeurs des partisde la droite libérale, voire ultralibérale qui considèrent la financiarisation de l’économie comme un progrès et regarde comme un sacrilège le fait de mettre en cause l’industrie, les produits toxiques, les industries pétrolières et a fortiori nucléaires. Parfois proche du climatoscepticisme comme l’illustre le dernier numéro de valeurs actuelles et en tout cas critique virulente du principe de précaution,(pourtant inscrit dans la constitution par Jacques Chirac, dont l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer considérait qu’il avait été « marabouté » par Nicolas Hulot), cette droite nie les impacts environnementaux et sanitaires du développement actuel, souhaite donner beaucoup plus de temps à une transition qu’elle considère comme largement inutile et surtout se fait le soutien et parfois même le porte-parole de lobbys responsables de la dégradation actuelle. Ayant siégé cinq ans au Parlement européen, je peux attester de ce que l’immense majorité des députés du PPE-et du reste très souvent ceux qui siégeaient à la droite de celui-ci-ont été des alliés extrêmement fidèles de l’agrochimie, de l’huile de palme, des constructeurs automobiles, des pétroliers etc… Dans ces conditions, il est effectivement assez difficile d’envisager, au moins en France, que les partis de droite puissent légitimer une écologie dite de droite. C’est d’autant plus vrai dans notre pays que la droite n’a jamais voulu que puisse exister à ses côtés un parti écologiste digne de ce nom. Alors que François Mitterrand avait compris dès 1989 l’intérêt qu’il pouvait y avoir pour le parti socialiste de susciter un parti écologiste. A ainsi été créé Génération écologie. Depuis, c’est le parti socialiste qui a permis aux Verts d’exister, grâce à des alliances électorales que la droite et le centre n’ont jamais voulu faire.

Dans ces conditions, et même s’il ne faut pas confondre valeurs de droite et partis de droite, l’éloignement des partis actuels de certaines valeurs de la droite -ce qui n’était pas forcément le cas des gaullistes en particuliers sociaux-rend incompatible le projet écologiste et la droite prise dans son ensemble.

Pour autant, est-ce définitif ? Il est indéniable qu’un certain nombre de personnalités de droite ou de centre-droit comme Jean-Louis Borloo, Chantal Jouanno, Nathalie Kosciusko-Morizet ou encore le député Bertrand Pancher ou le sénateur FrançoisGrosdididier, ont une vraie fibre environnementale. Il est du reste à noter que pour les plus notables, ils ont tous étés écartés… Il est non moins certain que la question environnementale est devenue désormais un sujet majeur pour tous les citoyens et nul ne peut douter que la canicule de l’été 2019 sera un révélateur supplémentaire, après la question de la pollution de l’air et celle du glyphosate. La droite, dont la Refondation idéologique et politique est devenue aujourd’hui inéluctable sauf à disparaître, est à la croisée des chemins. Si elle persiste dans un anti-écologisme primaire qui caractérise nombre de ses membres, dans une vision dépassée de la priorité donnée à une industrie qui elle-même ne cherche qu’à se transformer, il est peu probable que l’opposition entre droite et écologie puisse être surmontée. Dans le cas contraire, des coalitions sur le modèle qui existe en Allemagne dans un certain nombre de Länder, dont les plus industriels comme le Bade Wurtemberg,pourraient voir le jour, offrant dans le même temps à l’écologie, un spectre politique beaucoup plus large.

Le greenwashing, que certains appellent aussi écologie positive, ne peut masquer la contre productivité d’une politique générale verdie avec quelques mesurettes ponctuelles.

Mais la solution ne dépend évidemment pas de l’écologie, dont je continue à penser qu’elle sera la grande force politique du XXIe siècle (je l’ai écrit dès la fin du XXe siècle). Pour convaincre davantage, ceux qui la défendent doivent se rappeler que d’être ni de droite ni de gauche mais devant, impose de se défaire d’un certain nombre d’œillères et de répondre aux besoins et aux aspirations du plus grand nombre, au-delà de la priorité donnée à une écologie partisane.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !