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Pourquoi l’Allemagne n’a pas su montrer la même efficacité qu’au printemps dernier face à la deuxième vague du Covid-19
©Michael Kappeler / POOL / AFP

Gestion de la crise sanitaire

L’Allemagne a décidé de prolonger les restrictions afin de lutter contre la Covid-19. Après des discussions tendues avec les chefs des Länder, Angela Merkel a annoncé que les crèches, les écoles, les commerces non essentiels, les bars, les restaurants et les lieux culturels resteraient fermés jusqu’au 14 février.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Comment l'Allemagne est en train de désapprendre le bon sens qui l'avait d'abord servi dans la crise du COVID 19

Quand Angela Merkel perd les nerfs

Le 19 janvier dernier, la Chancelière Merkel a tenu une séance houleuse avec les ministre-présidents des Länder. La Chancelière a eu du mal à obtenir un renforcement de mesures contre le COVID, selon des modalités à elle. Le chef du gouvernement fédéral est reparti en ayant fait passer le principe d'une augmentation du télétravail et le port de masques FFP2 pour faire ses courses. La question de la réouverture des écoles a donné lieu à des échanges très tendus: les ministre-présidents de Länder, directement en charge des systèmes scolaires, voient bien tous les problèmes que causent la fermeture des établissements scolaires, non seulement pour les parents mais aussi pour les enfants, surtout dans les milieux populaires, où les cours et les exercices en ligne ont effet déscolarisant. Angela Merkel a été poussée dans ses retranchements comme - malheureusement - les responsables des exécutifs régionaux ont rarement osé le faire et elle a piqué une colère. il a fallu interrompre la séance à plusieurs reprises. Au total, un laborieux compromis a été établi: révision éventuelle au 15 février de la ferrmeture des écoles, incitation au télétravail, port de masques FFP2 dans les commerces et les transports en commun mais pas de couvre-feu comme le voulait la Chancelière. Ajoutons que ces mesures générales n'ont, dans le système fédéral allemand, pas de caractère absolu. Le système décentralisé et subsidiaire laisse chaque Ministre-Président et chaque maire libre de nuancer ou d'accentuer les mesures dans certaines limites. Ce qui est négocié au niveau fédéral est un cadre fixant des principes directeurs.   
En fait, l'Allemagne est intéressante à la fois par ses caractéristiques propres et par ce qu'elle nous dit de l'évolution générale de l'Europe et de l'Occident.  

Crise de la subsidiarité allemande? 

1. Ses caractéristiques propres: à partir des années 1950, le système allemand a adapté son  substrat anthropologique à la fois autoritaire et décentralisé à la démocratie. La composante autoritaire, très discréditée par les deux totalitarismes, a diminuée d'intensité. Mais on la voit ressortir en pleine crise du COVID 19, dans le souhait de Madame Merkel d'imposer un régime de quasi-confinement; dans le comportement obsessionnel du ministre-président Söder, toujours à la pointe des mesures de limitation du mouvement des personnes: dans la mise en place, en Saxe, ce que le journal britannique Telegraph désigne comme des "centres de détention" pour les individus récalcitrants aux quarantaines; ou bien dans l'obsession maximale du principe de précaution, telle que l'incarne le Professeur Christian Drosten, conseiller scientifique de Madame Merkel. Il y a cependant un contrepoids dans le système allemand, c'est la tendance décentralisatrice: et subsidiaire. Tous les Länderne se sont pas alignés sur les pratiques bavaroises ou saxonnes. Ce sont les Agences locales de santé publique qui mènent la lutte pour l'épidémie. Jamais l'Etat fédéral allemand ni même les ministères de la santé des Länder n'auraient osé restreindre, comme l'a fait le gouvernement français, la liberté de prescrire des médecins. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles l'Allemagne a été plus efficace, au printemps dernier, que notre pays dans la lutte contre le COVID. Les traitements précoces prescrits par les médecins de ville ont contribué à éviter l'engorgement des services d'urgence des hôpitaux. L'Allemagne a perdu 5 points de croissance économique seulement là où la France en perdait 13. 
2. L'Allemagne raccroche son wagon à la dérive politique européenne et occidentale: le débat qui a eu lieu le 19 janvier entre Madame Merkel et les représentants des Länder montre que l'Allemagne n'a pas compris en fait pourquoi elle s'en était mieux sortie que d'autres au printemps. La décentralisation et la subsidiarité ont évité au pays que la Chancelière s'immisce dans les décisions comme l'a fait en permanence un Emmanuel Macron venu désorganiser régulièrement la lutte contre le virus. Jamais Jens Spahn, le ministre de la Santé, n'a eu le pouvoir d'intervenir comme Olivier Véran dans le fonctionnement du système hospitalier. Cependant, on voit bien, depuis l'arrivée, à l'été dernier, de mutants du virus originel, moins dangereux mais plus contagieux, que le pays perd son bon sens parce qu'il est atteint par le même "catharisme" que ses partenaires européens et occidentaux. L'épidémie du Covid 19 est loin d'être la plus terribles dans l'histoire de l'humanité; mais c'est la première fois que l'on voit apparaître une obsession du "zéro contamination". Il s'agit bien entendu d'un objectif impossible à atteindre et auto-destructeur pour nos sociétés. La politique de nos gouvernants devrait consister en la recherche d'un point d'équilibre: protection des catégories vulnérables d'un côté et recherche de l'immunité collective, de l'autre. Prudence sanitaire, d'une part, et recherche de la relance économique, de l'autre. Equilibre entre les générations: les enfants, les étudiants, les actifs sont actuellement sacrifiés sans que pour autant on sache vraiment protéger les personnes âgées. Multiplication des thérapies possibles, à titre expérimental, la vaccination n'étant qu'une perspective parmi d'autres. 

Loin du terrain, loin du bon sens

L'Allemagne m'intéresse car elle a d'abord eu tendance à rechercher, spontanément, ce point d'équilibre. Mais elle semble désapprendre à grande vitesse. Il y a bien sûr la personnalité de sa Chancelière, la plus surestimée des chefs de gouvernement allemand depuis els origines de la Réubliquefédérale.Mais il y a bien d'autres facteurs, à commencer par l'emprise renforcée des Allemands travaillant à la Commission et au parlement européen dans la définition des processus de décisions du pays. Les grandes institutions internationales sont des bouillons de culture des idées technocratiques les plus absurdes, loin du terrain, avec l'omniprésence d'un principe de précaution qui finit par détruire la légitime prudence sanitaire qu'il est censé servir. 

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