Pourquoi il faut absolument aider Mario Draghi à stopper le lent suicide collectif de l’Europe <!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi
Mario Draghi
©Reuters

Surdité collective

À l'issue de la réunion du Conseil des gouverneurs à Francfort, jeudi 5 mai, Mario Draghi a présenté ses mesures de soutien à l'économie. Le patron de la BCE a obtenu l'accord "unanime" du Conseil pour sortir du risque de déflation, relancer la croissance, l'inflation et l'emploi. Mais les dirigeants européens semblent encore ignorer le message de "super Mario".

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : 10 jours après le revers infligé par les Européens à leurs dirigeants à l'occasion des élections au Parlement, la réunion mensuelle de la BCE était très attendue. Mario Draghi a mis sur la table les mesures de soutien à l'économie que lui permet le mandat de Banque centrale européenne. Interrogé lors de la conférence de presse sur la position délicate dans laquelle l'absence de résultats économiques mettaient les dirigeants européens, le gouverneur de la Banque centrale a semblé tout à la fois préoccupé et désemparé. A-t-il conscience qu'il ne peut pas faire autant qu'il serait nécessaire ?

Christophe Bouillaud : Un banquier central qui montre sa préoccupation, c’est surtout un banquier central qui fait pression ainsi pour que les gouvernants des différents pays européens agissent. Mario Draghi sait bien que la politique monétaire dont il a la charge ne peut pas à elle toute seule relancer l’économie européenne, il l’a dit d’ailleurs très souvent dans les années précédentes : il faut que les pays européens fassent des "réformes structurelles" pour qu’il y ait vraiment une retour à une croissance régulière et soutenue. Aujourd’hui, il est peut-être en attente de plus que cela, mais il ne peut pas le dire trop clairement.

Nicolas Goetzmann : Je n’ai que peu de doutes sur ce point. Mario Draghi avait déclaré en janvier 2012, peu de temps après son arrivée à la tête de la BCE, "Notre mandat n’est pas le plein emploi". Les choses sont claires, son mandat est de respecter la maitrise des prix et non de se préoccuper de l’emploi et donc de la croissance. Il le regrette peut être à titre personnel, mais il est dans son rôle en respectant le mandat qui lui est attribué par les traités européens. Au courant de l’été 2013, Mario Draghi fut interrogé par quelques députés au sein de l’Assemblée nationale française. Plusieurs questions avaient pu lui être posées et notamment à propos du bien-fondé du mandat de la BCE. Ici, Mario Draghi avait clairement indiqué que son rôle n’était pas de juger le mandat, mais de l’appliquer. Il a alors rejeté, et avec raison, la responsabilité de la question du mandat sur le législateur. C’est au politique de prendre ce sujet en compte, car le banquier central n’est en fait qu’un exécutant. Il ne serait pas toléré, en Allemagne surtout, que Mario Draghi puisse critiquer le cadre qui lui a été imposé.

Les réactions de la presse à la suite des annonces de la BCE ont été très divergentes : alors qu'en France, le Monde saluait des mesures chocs, à Londres, le Financial Times se montrait plus que mesuré quant aux résultats à attendre. A quels éléments objectifs peut-on se fier pour tenter d'apprécier la portée de ces mesures ?

Christophe Bouillaud : Les mesures sont importantes, à la mesure du fléchissement de la conjoncture, mais elles étaient déjà fortement anticipées par les marchés financiers. D’un point de vue globalisé, comme celui du Financial Times, ce ne sont pas les liquidités qui manquent dans le monde, et après tout, la Fed a fait beaucoup plus de l’autre côté de l’Atlantique. Du point de vue du Monde, qui propose une vue plus hexagonale, cette baisse est vue comme une opportunité d’un financement à très bas prix des entreprises et du crédit à la consommation (puisqu’il me semble que les prêts immobiliers ne sont pas visés par la mesure de LTRO nouvelle mouture). C’est exactement une des mesures qu’il faut à l’économie française… pourvu que les entreprises aient l’envie d’investir et les ménages envie de s’acheter des biens durables ou de les renouveler. Il faudrait ajouter que la presse allemande tend à voir la mesure à travers le prisme de l’épargnant ordinaire atterré par l’idée qu’il faille payer pour déposer son argent à la banque (ce n’est pas encore le cas en fait, mais l’idée les effraie visiblement). En fait, comme pour toute politique monétaire, il faut compter sur un certain délai pour que l’effet se voie dans l’économie réelle. Logiquement, les taux des prêts à la consommation devraient encore baisser par exemple, mais sans doute pas immédiatement, dans quelques mois sans doute.

Nicolas Goetzmann : Le premier point qui est essentiel c’est que l’objectif de la BCE n’a pas été modifié. La cible est toujours la même, une inflation proche mais inférieure à 2% sur le moyen terme. La BCE a déjà pu indiquer que le moyen terme signifiait 18 mois, et 18 mois nous ramènent à la fin 2015, début 2016. Les anticipations d’inflation de la BCE ont été révisées à la baisse pour cette période et indiquent un chiffre compris entre 1.1% et 1.4%. Tout ce que nous pouvons espérer des mesures prises ce jour est que ces anticipations soient révisées à la hausse jusqu’au niveau de 1.6%, niveau qui était jugé satisfaisant par la BCE le mois dernier. Il n’y a rien d’autre à attendre que cela. Pour faire simple, la BCE dispose aujourd’hui d’un plus gros marteau pour enfoncer le même clou.

Ensuite, le marché lui-même a pu réagir. Pendant les annonces l’euro a fortement baissé, passant de 1.36 dollars à 1.35 dollars en quelques minutes…mais quelques heures plus tard, l’euro est remonté au-delà de son niveau précédent la réunion…à 1.3665 dollars. Pour le moment cela indique que le marché anticipait plus de la part de la BCE. Nous verrons ce que diront les jours à venir pour évaluer la situation. Même chose sur les taux, et notamment pour la France. Pendant la réunion,  les taux d’intérêts ont commencé à monter subitement indiquant des révisions à la hausse des anticipations d’inflation…mais à la fin de la séance, ces mêmes taux se sont écrasés. Ce qui indique la même chose que le phénomène observé sur la devise. Le marché est déçu, pour le moment.

Le président de la BCE avait déjà par le passé reconnu les limites de son mandat pour relancer l'économie. Alors qu'au lendemain des Européennes, la plupart des dirigeants des pays membres, François Hollande en tête, réclamaient un changement qu'ont-ils concrètement fait pour soutenir Mario Draghi dans sa démarche ? Qu'auraient-ils pu faire ?

Christophe Bouillaud : Pour l’instant, les dirigeants européens se sont limités à faire chacun dans leur pays de manière plus ou moins approfondie l’ajustement structurel que justement la BCE et la Commission européenne leur ont demandé de faire depuis 2010 sur les comptes publics et la compétitivité de leur économie. De fait, depuis 2010, l’action communautaire ou coordonnée entre Etats a été très limitée. Or on avait effectivement eu en 2008-09 un plan de relance coordonné face à la crise liée à la faillite de Lehman Brothers, on peut donc imaginer que, si la situation de l’économie européenne venait encore à empirer, les dirigeants européens se mettent de nouveau d’accord pour une telle solution. Je suppose qu’un Matteo Renzi par exemple pousse dans cette direction. C’est le cas quand il indique que le changement des hommes et des femmes à la Commission, à la Présidence du Conseil, au Haut Représentant doit être fait seulement après avoir défini ce que les dirigeants nationaux attendent vraiment de la politique européenne. S’il existe réellement un objectif commun de relance de l’économie européenne, il faudra alors trouver un moyen pour qu’elle soit financée par les marchés financiers mondiaux par un endettement européen commun, parce qu’il est probable qu’aucun Etat membre ne voudra plus augmenter son propre déficit public et son propre endettement.

Nicolas Goetzmann : Déjà comprendre la situation, et en prendre acte. Ensuite, il ne sert pas à grand-chose de critiquer Mario Draghi, il est à peu près au bout du bout de ce qu’il peut faire. Pour aller plus loin, il va falloir réviser les traités et acter, enfin, la révision du mandat monétaire européen et indiquer un objectif de croissance. Avec un tel mandat, et au regard de la situation européenne actuelle, Mario Draghi aura les moyens de faire un feu d’artifice. Avec une telle méthode le Royaume-Uni est en train de créer 100 000 emplois par mois.

La question politique est délicate. Parce qu’une telle décision serait une profonde modification du projet européen. L’Allemagne n’a accepté de rejoindre l’euro que parce que ce mandat respectait sa tradition monétaire. Le remettre en cause serait une remise en cause de la participation de l’Allemagne au projet. Le seul moyen me semble être de plaider l’intérêt général européen. Parce que si on considère l’Europe comme un ensemble indivisible et que l’on regarde les statistiques consolidées, il est tout à fait clair que la situation est intenable.

La fragilité politique de François Hollande au sein du Conseil européen n’aide pas beaucoup non plus pour une réforme d’une telle envergure, parce qu’il s’agit d’un bras de fer.

Plus largement, lors du dîner de bilan des Européennes organisé le 28 mai, les dirigeants européenns ont-ils pris des engagements à la mesure du péril qu'ils identifiaient ? Donnent-ils l'impression de vouloir donner à l'Europe les moyens de répondre vraiment aux attentes de prospérité formulés par les peuples ?

Christophe Bouillaud : Les échos que l’on a pu avoir de ce dîner dans la presse sont plutôt limités. On peut déjà constater que les dirigeants nationaux de l’Europe ont choisi de ne pas indiquer sans équivoque aucune que Jean-Claude Juncker allait être le prochain Président de la Commission. Ils ont préféré donner une mission exploratoire pour trouver la personne idoine au Président du Conseil européen van Rompuy. C’était là donner une preuve de l’existence au sein du Conseil d’une division sur ce point. Ce choix de ne pas choisir tout de suite peut être analysé de deux manières : d’une part, on peut simplement y voir la réticence britannique et celle de quelques autres Etats "souverainistes" qui ne veulent pas entendre parler d’une vraie "démocratie européenne" - ce n’est pas Juncker qui pose problème, mais le précédent qu’un tel choix "démocratisé" crée pour l’avenir : la Présidence de la Commission serait toujours attribué par la suite au parti européen qui arrive en tête des élections européennes au suffrage universel ; d’autre part, on peut y voir une crainte d’afficher avec la personnalité de Juncker le passé récent, pas très brillant, des politiques européennes d’austérité à marche forcée, c’est la réticence que la presse italienne prête à un Matteo Renzi qui voudrait une personnalité plus jeune qui incarne comme lui le renouveau de la politique. L’hésitation est dans le fond logique et légitime. Alexis Tsipras, le leader de Syriza, , vient d’indiquer, comme le gourou des Verts européens, Daniel Cohn-Bendit, qu’il préférait qu’on respecte la procédure "démocratisée" annoncée aux électeurs cette année et donc qu’il soutenait Juncker.

Pour ce qui est de la prise en compte des enjeux en matière de prospérité, à en croire leurs déclarations, les dirigeants en ont tous conscience, mais ils ne représentent pas des peuples dont les problèmes sont du même ordre. Certains pays ont globalement des populations satisfaites (Suède, Danemark, etc.), d’autres des populations très insatisfaites (Grèce, France, Italie, etc.). Il est donc difficile de partager exactement la même inquiétude, et de voir le niveau d’urgence des mesures à prendre de la même façon. 

Nicolas Goetzmann : Pour le moment, des mots. Les mêmes mots qui sont répétés un peu vainement depuis 2012, "la croissance et l’emploi". Du côté des mesures, il est cruel de la rappeler, mais il n’y pas eu grand-chose. Deux cent millions d’euros. Une paille à la hauteur d’un ensemble qui pèse 10 000 milliards. Le pacte de croissance de François Hollande c’’est 0.002% du PIB Européen. Il vaut mieux éviter d’en parler.

Il est probable que le prochain conseil européen du 26 juin accouchera de nouvelles mesures de même type, des "Project bonds" pour des montants infimes ou autres trouvailles du même type. Mais le fait est que la crise a déjà couté près de 20% de PIB (en nominal) à la zone euro.

Le moyen de réajuster le tir est de mettre le rôle de la BCE sur la table. Souhaite-t-on que l’autorité monétaire de la zone se contente de maîtriser les prix ou souhaite-t-on qu’elle se mette à mener une vraie politique monétaire, c’est-à-dire de donner un équilibre entre croissance, emploi, et inflation, à l’économie européenne ?  A partir de là, toutes les discussions sur les restrictions budgétaires sont possibles et envisageables parce qu’elles deviendront efficaces.

Les 28 semblent particulièrement préoccupés par l'identité du futur président de la Commission européenne. S'agit-il aujourd'hui d'une priorité ou faut-il y voir une fuite en avant de la part des dirigeants européens ?

Christophe Bouillaud : Le choix du futur Président de la Commission n’est pas une chose anodine, car le Président et son collège gardent l’initiative législative dans l’Union. En dehors des considérations liées à l’élection européenne qui a clairement selon les partis européens désigné Juncker pour diriger la Commission, il est  donc normal en un sens que les dirigeants nationaux réfléchissent un peu tout de même sur le choix à faire. En effet, depuis la fin de la Présidence Delors en 1995, les Présidents de la Commission ont plutôt été des personnages falots ou sans grande influence sur les événements. Est-ce qu’il est logique de continuer ainsi ? Veut-on continuer ainsi ? Juncker peut-il être l’homme du renouveau ? Si on ne choisit pas finalement Juncker, qui choisit-on  dans ce cas? Schulz ? Verhofstadt ? … Ou trouver une personnalité qui ait vraiment un poids ou qui puisse l’avoir ?  Ou simplement choisit-on un autre "Barroso" et entérine-t-on définitivement la prédominance du côté intergouvernemental de l’Union ? La discussion n’est pas une fuite en avant, destinée à résoudre les susceptibilités des uns et des autres, cela détermine aussi en partie l’avenir de l’Union européenne.

Nicolas Goetzmann : C’est un symbole. Lors de la rédaction de la Constitution européenne, qui a été ici reprise par le Traité de Lisbonne, le compromis était de laisser plus de pouvoir au Parlement dans le choix du Président de la commission. L’idée est que le Conseil, c’est-à-dire les chefs de gouvernements, nomme le Président en "tenant compte" du résultat de l’élection. Ce nouveau mode de désignation était une volonté des "fédéralistes" et qui permettait au Parlement d’assoir son pouvoir par rapport au Conseil. A partir de là, soit on estime que le résultat du vote est un appel au fédéralisme en Europe et on nomme Jean Claude Juncker soit on estime que c’est l’inverse et on le rejette. Le résultat n’est pas neutre, parce qu’un Président de la Commission légitimé de la sorte pourra s’emparer du pouvoir qui lui est donné. Pouvoir que Jose Manuel Barroso n’a jamais osé prendre puisqu’il n’était là que pour agir sur ordre du Conseil. Pour grossir le trait.

Aller vers plus de fédéralisme, c’est précisément ce qui fait peur à David Cameron, et voilà pourquoi il ne veut pas de Jean-Claude Juncker à la Commission. Le jeu devient dangereux sur ce point-là, parce que Cameron n’a pas l’air de plaisanter sur sa volonté d’organiser un référendum de sortie de l’UE plus rapidement que prévu. François Hollande n’a pas l’air de se préoccuper beaucoup de la question, qui est pourtant majeure.

Par leur attitude, les dirigeants européens sont-ils en train de mener l'Europe à sa propre perte ?

Christophe Bouillaud : Les dirigeants nationaux sont pris dans un univers de double contrainte, européenne et nationale. Ils essayent sans doute de faire au mieux, mais, dans une pareille situation de crise économique et politique, chacun hésite à affronter son opinion publique nationale. La solution aux maux de l’Europe (qui sont en fait essentiellement ceux de la zone Euro) est finalement simple : soit on fait machine arrière sur l’Euro - ce qui satisfera de nombreux économistes anglo-saxons ou européens  critiques de cette "monstruosité politique" ; soit on va de l’avant vers un fédéralisme de la zone euro. Le problème est que ces deux options soulèvent une forte objection populaire : les sondages montrent que la plupart des habitants de la zone euro veulent garder l’euro comme monnaie, y compris ceux qui en souffrent a priori le plus (Grecs, Portugais, Italiens, etc.) ; inversement, il est peu probable au vu du résultat des Européennes 2014 que les électeurs acceptent un vrai saut fédéral vers "l’Etat de l’Euroland", or, quoique la tentation existe sans doute,chez certains, on ne pas tout de même faire un tel Etat sans leur demander du tout leur avis, d’autant plus que la Cour constitutionnelle allemande a souligné en juin 2009 qu’il faudrait dans ce cas au moins consulter le peuple allemand. Donc, ce ne sont pas seulement les dirigeants qui mènent l’Europe à sa perte, mais aussi les citoyens européens qui ne savent pas ce qu’ils veulent vraiment. Il faut dire à la décharge des citoyens que les dirigeants européens ont préféré rester dans le flou sur le but final de la construction européenne, et que le traitement de la crise économique par l’Union n’a rien arrangé.

Nicolas Goetzmann : Il y a actuellement une sorte de convergence du pire dans l’Union et dans la zone euro. Les élections ont bien entendu fragilisé l’ensemble. Le Parlement veut plus de pouvoir, le Conseil n’a pas l’air disposé à lui donner, et le conseil est de toute façon lui-même fortement divisé. Il y a un sentiment de flottement général. Pendant ce temps, la BCE se retrouve dans une situation de quasi impuissance. Du côté de l’Allemagne on trouve qu’elle en fait trop, et cela risque de devenir une source de véritable tension. Parce qu’il est clair que les actions de la BCE de ce jour ne suffiront pas, et qu’il faudra agir plus pour donner de l’air à la zone euro. Le fait d’agir toujours trop tard et toujours trop peu suscite une tension croissante entre une Allemagne attachée au strict respect du mandat et d’autres pays européens. En début de semaine, la France a aussi été rappelé à l’ordre pour son déficit budgétaire et ses prévisions un peu trop optimistes. Tout va bien et en attendant, 11.7% de la population active est au chômage.

Est-ce pour autant une fatalité ? De quels moyens disposent concrètement les dirigeants européens pour refaire du cadre institutionnel un outil efficace ?

Christophe Bouillaud :Tous les moyens légaux d’une action résolue existent déjà, ou bien les moyens de modifier les institutions pour qu’elles donnent les moyens légaux nécessaires à une action résolue (procédure de révision simplifiée des Traités par exemple). Il n’y a pas besoin de changer les institutions pour dire que demain toutes les entreprises opérant dans au moins deux pays européens sont soumis au même système de taxation afin de mettre fin à la concurrence fiscale favorable aux multinationales. Il n’y a pas besoin de changer les institutions pour faire de l’Europe une économie en voie de "décarbonisation" rapide. L’exemple du TSCG montre d’ailleurs qu’on peut aller de l’avant rapidement (en l’occurrence en moins de deux ans) sur un sujet précis  s’il existe une volonté presque unanime sur un sujet. On pourrait donc déjà avancer dans le cadre institutionnel actuel si une direction consensuelle se faisait jour. Il n’y a pas de fatalité, il y a simplement des rapports de force et des choix que l’on fait ou non. Il faudrait avant tout que les dirigeants nationaux s’attèlent à définir vraiment ce qu’est l’"intérêt général européen" et à l’officialiser devant les citoyens : avoir des dizaines de millions de chômeurs en fait-il partie ?

Nicolas Goetzmann : Il y a deux points à régler. Le premier est de clarifier le pouvoir entre Conseil et Parlement. Pour le moment c’est le Conseil qui détient ce pouvoir, mais il doit alors s’en emparer et proposer quelque chose pour sortir de la crise. Cela nécessite une prise de conscience de la part du Président Français pour qu’il puisse apporter une contradiction à Angela Merkel, c’est de cette façon que l’Europe avance. Pour le moment, l’impression est que l’ensemble est en roue libre.

Le deuxième point est la réforme de la BCE. On peut joindre les deux, et espérer que le Conseil se décide un jour à modifier les traités après une discussion "franche et amicale" entre les différents partenaires européens.

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