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Pourquoi Google n'est plus le géant hors de portée du moindre concurrent
©Reuters

Colosse aux pieds d'argile ?

Le mastodonte Google continue d'afficher des performances financières satisfaisantes. Pourtant, la firme semble moins hégémonique qu'auparavant et, malgré son image de modernité, commence à être doucement distancée dans certains domaines.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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Atlantico : Les bénéfices de Google ont eu beau augmenter en 2014, ses  résultats sont moins bons qu'attendu. En effet le bénéfice trimestriel par action, qui sert de référence à Wall Street, est venu se fixer à 6,88 dollars au lieu de 7,11 dollars. A quoi cette perte d'élan est-elle due ?

Frédéric Fréry : Le bénéfice par action est inférieur à ce qui était attendu car la croissance a été moindre que prévue. Il faut toujours se rappeler que la valeur d'une action est une anticipation des résultats futurs, actualisée avec le taux de croissance attendu. Par conséquent, lorsque la croissance est inférieure à ce qui était prévu, mécaniquement la valeur de l'action diminue. Soulignons tout de même qu'au dernier trimestre de 2014, la croissance du bénéfice net de Google a été de 41%. La baisse implique donc que le marché attendait encore plus, ce qui est tout de même particulièrement gourmand.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Google croît moins que prévu. En 2012, la cotation du titre a même été suspendue car la capitalisation boursière s'était effondrée de 24 milliards de dollars en seulement deux jours, suite à l'annonce d'une baisse de 15 % du montant que les annonceurs étaient disposés à payer pour chaque clic. A l'époque, le résultat trimestriel avait diminué de 20 %. Cette année, nous sommes dans une configuration beaucoup moins brutale. Comme l'a souligné le directeur financier de Google, la croissance moins vive que prévue s'explique notamment par la hausse du dollar.

Les publicités ciblées ne représentent plus que 50% des revenus de Google, selon une étude de Baird Equity Research. D'après les projections du cabinet d'expertise, les revenus devraient baisser de manière continue jusqu'en 2016. Chez Facebook, c'est exactement l'inverse qui se produit au niveau de la publicité. La concurrence devient-elle plus forte, ou bien Google est-il en train de faire évoluer  son modèle ?

C'est une des questions essentielles qui restent posées : les annonceurs vont-ils toujours accepter de payer pour des clics de moins en moins rentables ? Parallèlement, alors que Facebook réalise désormais 70% de son chiffre d'affaires sur mobile, Google, né à une époque où le smartphone et la tablette n'existaient pas, n'a pas encore totalement démontré sa capacité à y gagner l'essentiel de ses revenus. Fondamentalement, par-delà ses projets enthousiasmants et ses services du quotidien, par delà son projet de rendre accessible toute l'information du monde, par-delà YouTube et Android, Google reste une entreprise de publicité, qui vit de la vente de clics. C'est d'ailleurs un des paradoxes de Google : beaucoup de jeunes diplômés la rejoignent, attirés par son extraordinaire aura de modernité et d'élitisme, mais beaucoup la quittent, déçus par la banalité de son activité quotidienne : vendre des clics à des annonceurs. En dehors des ingénieurs chargés de développer les nouveaux projet en Californie, la réalité du travail chez Google est moins flatteuse que son image.

Facebook est en train de développer son propre système de vidéos, parallèlement à  Youtube, qui appartient à Google. Amazon, Apple et Microsoft rachète par ailleurs de nombreuses start-up dans la très haute technologie. Google est-il toujours ce géant absolument inatteignable par ses concurrents ?

S'il est bien une chose que nous apprend l'histoire des entreprises, c'est que personne n'est inatteignable. Des géants supposés éternels comme TWA, Panam ou Kodak ont disparu, et même General Motors n'a dû son salut qu'à l'intervention massive du gouvernement américain. Comme on dit souvent, l'affirmation "Nous n'avons pas de concurrents" est une épitaphe : ceux qui l'affichent sont déjà virtuellement morts.

Il est donc tout à fait normal que Facebook cherche à concurrencer Google sur la vidéo, tout comme le font Amazon sur les services web, Apple sur les systèmes d'exploitation ou Microsoft sur les moteurs de recherche. Sur le cas spécifique de Facebook, l'archétype du réseaux social, on peut souligner que Google, qui est né à l'époque du Web 1.0, n'a jamais réussi à imposer une offre crédible de réseau social, avec les échecs successifs de Wave, Jaiku, Buzz et Google+.

En termes de parcours, peut-on dire que Google est le Microsoft des années 90 ?

Le parallèle est intéressant : un leader mondial, disposant d'un quasi monopole et menacé par sa propre supériorité, c'est un portrait qui s'applique à la fois à Microsoft il y a vingt ans et à Google aujourd'hui. Cela dit, n'oublions pas que même s'il est de bon ton de railler Microsoft et d'annoncer son épuisement, c'est faire preuve de bien peu de réalisme. La puissance et la rentabilité de Microsoft sont en effet encore stupéfiantes: en 2014, son résultat net a été 22 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 86,8 milliards, soit par exemple plus du double du taux de rentabilité de LVMH et de quoi faire rêver n'importe quelle société du CAC40. Etre comparé à Microsoft, c'est flatteur Plus largement, dans l'histoire de l'informatique, on a vu des générations se succéder et les champions de chacune ont souvent peiné à passer à la suivante : Microsoft n'est pas encore devenu une société Internet, Google n'est pas devenu un réseau social, Facebook a failli rater le passage au mobile. Cependant, rien n'est écrit et la grande question pour Google est certainement de savoir, parmi les multiples projets en cours (voiture autonome, réseau Internet par ballons, santé, etc.) lequel constituera un véritable relai de croissance pour les dix prochaines années.

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