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Pourquoi François Fillon est beaucoup moins mort qu’il n’en a l’air
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J'suis pas mort j'bouge encore

Devancé dans les sondages par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, François Fillon est toutefois loin d'avoir fait une croix sur ses ambitions présidentielles. L'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy a de nouveau douté de la tenue d'une primaire ouverte à l'ensemble des sympathisants de droite jeudi 16 octobre sur France Info.

Guillaume Tabard

Guillaume Tabard

Guillaume Tabard est rédacteur en chef et éditorialiste au Figaro. 

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Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : François Fillon connaît quelques difficultés depuis la campagne pour la présidence de l’UMP en 2012. En quoi peut-on dire que le député de Paris paye à la fois son déracinement de la Sarthe, ses déclarations sur le FN en septembre 2013 lorsqu’il appela à voter pour le candidat le "moins sectaire" en cas de duel PS / FN et ses critiques régulières contre Nicolas Sarkozy concernant la prochaine primaire à droite pour désigner le candidat à la présidentielle ?

Roland Hureaux : Peu de gens savent qu’il est député de Paris. François Fillon est une personnalité nationale. Ce n’est pas le genre de François Fillon de faire des déclarations qui provoquent une polémique nationale car il est prudent. Il a raison de l’être car ce genre de déclaration peut faire monter ou descendre dans les sondages une personnalité politique mais parmi ses handicaps cette discrétion en est un. Par ailleurs le peu qu’il a dit sur Nicolas Sarkozy ne me paraît pas être dans le domaine du scandale. La déclaration de François Fillon sur le FN avait le gros inconvénient d’être ambiguë. C’est le PS qui est toutefois monté au créneau comme s’il se reconnaissait comme étant le plus sectaire.Le principal souci qui se pose à François Fillon est qu’il incarnait jusqu’à très récemment le rôle d’opposant à Nicolas Sarkozy. Désormais ce rôle appartient à Alain Juppé qui l’a repris, mais est-ce que cela va durer ? Si la situation politique à droite devenait un face-à-face entre Alain Juppé et François Fillon et si ce dernier ne change pas sa ligne c’est-à-dire d’être ni trop à droite ni trop à gauche je pense qu’il pourrait prendre le devant sur Alain Juppé qui est marqué à la gauche de l’UMP ce qui n’est pas l’esprit du temps.

Guillaume Tabard : Le changement de circonscription n'est pas un problème en soi. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'il était le plus populaire. Ce n'est que 6 mois plus tard avec ses déclarations sur le FN qu'il commence à dévisser. Il voulait à l'époque sortir de l'image trop consensuelle, presque centriste, qu'il avait au sein de l'UMP. Par sa position sur le vote PS / FN, il ne voulait pas céder au politiquement correct. Mais sa déclaration n'était pas préparée, c'était confus, maladroit. Ensuite, il n'a pas assuré le SAV. Ses proches ont été déroutés et l'ont plus ou moins lâché à l'époque. Ils ne sont d'ailleurs revenus vers lui que quand il s'en est expliqué.

Se démarquer à ce point de Nicolas Sarkozy lui a été plus dommageable. Alain Juppé par exemple ne s'est jamais opposé frontalement à Nicolas Sarkozy. La vraie faiblesse de François Fillon est en réalité d'avoir cogné contre un président dont il a été le Premier ministre pendant 5 ans. Le message n'est pas passé auprès des électeurs.

Sur le fond, l’ancien gaulliste social proche de Philippe Séguin assume désormais une ligne libérale. En quoi l’histoire personnelle et politique de François Fillon contribue-t-elle à douter de la cohérence de sa ligne politique ?

Roland Hureaux : Quand on souhaite être candidat à la présidence de la République ce qui compte c’est d’abord la cohérence en matière de politique internationale et à ce sujet il l’est totalement. Je pense que Philippe Séguin ne dirait pas autre chose que lui sur la situation internationale actuelle. François Fillon a une vraie vision de la politique internationale et c’est assez rare sur la scène politique actuelle. Il a exprimé et pris ses distance à l’égard de la politique européenne vis-à-vis de la Russie et il est parti en Irak ce qui était un voyage courageux même s’il est passé inaperçu. Il est vrai toutefois que sur le plan intérieur beaucoup de ses soutiens sont surpris par ses évolutions libérales mais les questions économiques sont plus une affaire d’opportunité que de doctrine et les positionnements varient en fonction des circonstances. Le vrai sujet est de savoir si une ligne libérale permet de trouver les solutions pour résoudre les problèmes. En matière de ligne économique libérale il ne se distingue pas vraiment des autres et on a le sentiment que tous les responsables de droite sont globalement sur la même ligne. Il est toutefois vrai que par rapport à Philippe Séguin ans être en rupture on dans un démarquage. Je ne suis pas sûr que ça soit dans l’intérêt de François Fillon d’accentuer son côté libéral.

Guillaume Tabard : Pour l'électeur aujourd'hui, cette étiquette n'a pas d'impact réel. La référence des électeurs aujourd'hui, c'est lorsqu'il occupait ses fonctions de Premier ministre. Son histoire, ses prises de positions passées sont intéressantes sur le plan de la traçabilité, mais le monde a changé. Philippe Séguin lui-même qui était contre l'euro s'est finalement rallié à la monnaie unique lorsqu'il est devenu président du RPR.

Même si François Fillon est devancé par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, il reste tout même l’un des trois principaux leaders de la droite. Quels sont les atouts de l’ancien Premier ministre ? En quoi peut-on dire qu’il conserve  des réseaux et des soutiens politiques importants, aussi bien à l’UMP qu’au Parlement même si quelques-uns des 73 députés qui le soutenaient lors de l’ancien mort-né RUMP sont désormais partis vers d’autres cieux ?

Roland Hureaux : Il a certainement à l’UMP le meilleur réseau de soutiens au sein Parlement, aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat. Cette donnée n’a pas été bouleversée. Il semble que la défaite de Jean-Pierre Raffarin soit liée au fait qu’il est apparu comme l’homme de Nicolas Sarkozy, et uniquement ça. L’élection du président du Sénat est un succès pour Fillon même si Gérard Larcher n’est pas inféodé à lui. Gérard Larcher reste proche de François Fillon même s’il a reçu Nicolas Sarkozy lors du récent meeting dans les Yvelines. L’appareil du parti et les militants penchent en revanche pour Nicolas Sarkozy.

Guillaume Tabard : Il dispose de trois atouts. Le premier, c'est qu'il a préservé un réseau d'élus important. Ils sont dubitatifs parfois, mais présents. Après l'élection à la présidence du Sénat, il sort renforcé. Il y a une espèce de fidélité personnelle autour de lui, même pour ceux comme François Baroin qui font d'autres choix au sein du parti. Ils l'accompagnent dans son travail de réflexion. 

En second, il a installé l'idée qu'il disposait du projet le plus travaillé, le plus réfléchi et le plus abouti, en phase avec les attentes de réformes de l'électorat de droite. Bien plus que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Ce dernier étant même jugé comme trop timoré. Son bilan de Premier ministre joue d'ailleurs en sa faveur. Il dispose d'un temps d'avance. Cela pourrait lui permettre de rebondir plus facilement.

En quoi peut-on aussi dire que le député de Paris conserve une force et des relais médiatiques non négligeables ?

Roland Hureaux : Pour se faire connaître et remarquer il faut parfois faire des petites phrases voire commettre des dérapages et des erreurs. Pour se faire entendre dans les médias il faut donc parfois dire quelques conneries de temps en temps avec le risque de se discréditer car si on dit des choses trop raisonnables on a peu de relais médiatiques. François Fillon a pris le parti d’être prudent dans tout ce qu’il dit. Il a du mal à faire des éclats et à se faire entendre.

Guillaume Tabard : Le décrochage de François Fillon est manifeste. Il n'a pas vu venir Alain Juppé. Tout le monde pensait que ce dernier se déclarerait plus tard. Personne ne s'y attendait au mois d'août. Mais de fait, il a préempté la position de challenger de Nicolas Sarkozy à ce moment-là. François Fillon a été écarté à ce moment-là. Aujourd'hui, il n' y a en effet pas de place à l'UMP pour une offre plurielle, le binaire suffit.

François Fillon poursuit un travail méthodique sur le fond et le projet, ce qui explique aussi pourquoi il n'a pas vu venir le coup tactique d'Alain Juppé. Le succès appelant le succès et l'oubli appelant l'oubli, Juppé sort vainqueur de son émission, il s'installe et François Fillon est relégué.

Si François Fillon ne part pas favori pour la désignation du candidat à la présidentielle lors de la prochaine primaire de droite, ce statut d’outsider à deux ans du scrutin n’est-il pas aussi finalement une bonne nouvelle pour lui alors que les favoris déclarés longtemps à l’avance ne sont pas toujours les vainqueurs au final ?

Roland Hureaux : Je dirais plutôt qu’il n’y a pas de favori. François Fillon apparaît comme le troisième homme derrière Alain Juppé et Nicolas Sarkozy et je suppose qu’il a les nerfs solides pour supporter une baisse dans les sondages. Aujourd’hui il y a des outsiders comme Bruno Le Maire et Xavier Bertrand par exemple. François Fillon est amateur de courses automobiles. On ne peut pas dire qu’il parte en pole position et le départ de la course a déjà commencé depuis plusieurs mois. Il y a encore deux ans et demi avant l’élection présidentielle et considérer qu’il a échoué, c’est trop tôt. D’autres problèmes se profilent à l’horizon pour l’UMP, liés à l’affaire Bygmalion. Il n’est pas certain que le prochain président de l’UMP sera forcément élu à la présidence de la république compte tenu de la crise qui traverse le parti.

Guillaume Tabard : Il y aura des phases successives d'ici à la primaire. Le temps de Nicolas Sarkozy est venu, il y a eu un effet transitoire Juppé, puis les médias se dirigeront vers les autres candidats. Et là, le temps de François Fillon viendra. Le story telling médiatique s'intéressera à lui.  

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