Pourquoi être trop optimiste peut vous conduire à l'échec <!-- --> | Atlantico.fr
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On s'imagine heureux, accompli, on visualise nos plus grandes victoires, et celles-ci finiront par se matérialiser ? Malheureusement, cette bonne fortune ne viendra pas toute seule.
On s'imagine heureux, accompli, on visualise nos plus grandes victoires, et celles-ci finiront par se matérialiser ? Malheureusement, cette bonne fortune ne viendra pas toute seule.
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Tout va bien dans le meilleur des mondes

La pensée positive est un concept très en vogue selon lequel voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide conduit à un plus grand épanouissement dans la vie de tous les jours. Pourtant, certains scientifiques estiment qu'au contraire, un optimisme de tous les instants nous mène droit dans le mur.

Pensez positif ! Ces pensées deviendront des idées, avant de se décliner en paroles positives. Enfin, vos actes le seront également, et cela vous mènera vers l'épanouissement, le bonheur. Grossièrement, ce schéma est celui sur lequel se basent ces adeptes de la pensée positive. L'optimisme est devenu plus qu'un état d'esprit : un véritable mode de vie. Dans une période où les journaux télévisés énumèrent les horreurs du monde et où se faire une place sur le marché du travail relève de l'odyssée, l'école de la pensée positive remplit ses bancs. Qu'il est facile de se dire que les difficultés que l'on rencontre ne sont que des obstacles qui, si on les toise le sourire aux lèvres, s'écarteront du chemin de la réussite.

École du positivisme

Il faut dire que le bonheur n'est plus, comme il devrait l'être, quelque chose que l'on savoure quand il est là, mais un véritable objectif de vie derrière lequel nous courrons tous avidement. Heureux, celui qui accède au bonheur ! Celui-ci vivra plus longtemps, en meilleure santé, et aura plus de chance de mener une vie faite de succès. C'est en tout cas ce que nous disent ces scientifiques et études acquis à la cause de l'optimisme. Souriez à la vie, qu'ils disent. Elle vous le rendra. Le succès des best-sellers Think and Grow Richde Napoleon Hill et The Power of Positive Thinkingde Norman Vincent Peale – le second s'est vendu 21 millions d'exemplaires dans le monde entier – ont participé à l'émergence de cet optimisme presque forcé.  

Alors ce serait aussi simple que ça ? On s'imagine heureux, accompli, on visualise nos plus grandes victoires, et celles-ci finiront par se matérialiser ? Malheureusement, cette bonne fortune ne viendra pas toute seule. Si l'optimisme est essentiel pour entretenir l'espoir qui habite chacun de nous de manière innée – vous le verrez plus loin dans l'article –, il ne faut pas en abuser, au risque de se plonger dans un rêve trop éloigné de la réalité. C'est en tout cas la conclusion des scientifiques et psychologues interrogés dans un article de la BBC.

Être optimiste : se voiler la face ?

"La pensée positive est dans l'ADN de la plupart des entrepreneurs. Si vous ne pensez pas de manière positive, vous ne démarrerez jamais votre business", déclare l'entrepreneur Michael Stausholm. Et pourtant, son amère expérience montre que la bonne volonté ne suffit pas toujours. Malgré son optimisme, son entreprise de vente fabrications de stylos a coulé. Son erreur ? Se dire que tout finirait par rentrer dans l'ordre, sans revoir son modèle de vente. Après tout, il était si confiant. "Être positif et heureux en attendant que la chance vous sourie ne suffit pas – cet optimisme doit être couplé de réalisme", concède l'entrepreneur dans les colonnes de la BBC. Il apparaît en revanche qu'il nous faut revoir la façon dont nous considérons cet optimisme féroce. C'est notamment le sujet du livre Rethinking Positive Thinking : Inside the New Science of Motivation, dont la psychologue Gabriele Ottingen est l'auteur. Elle énumère quelques-uns des inconvénients qui découlent d'un trop-plein de positivisme. "Le problème est que ces personnes n'utilisent pas leur énergie pour concrétiser leurs souhaits. Ils fantasment seulement sur leur idée de réussite, et se sentent alors accomplis et relaxés", indique-t-elle. Après prévisualisation de ces agréables perspectives, ce sentiment d'être comblé mine la motivation à les accomplir réellement. De doux rêveurs qui ne se donnent pas les moyens d'agir, donc. Un modèle qui se révèle particulièrement peu viable en entreprise, illustreForbes.

Mais ce n'est pas tout. Que pensent les personnes qui, malgré leurs efforts à rester positifs, voient tout s'effondrer autour d'eux ? Considérant que les choses ne se passent pas comme prévu, celles-ci se reprochent alors d'avoir eu des pensées négatives, et en viennent à penser que le malheur qui leur arrive est mérité, voire pire : qu'il est de leur faute. Comme le précise la psychologue Nimita Shah, ces personnes ressentent alors de la frustration, remontées contre eux-mêmes. Que doivent penser ces malades du  cancer, à qui l'on dit que l'une des clés de la guérison n'est autre que la pensée positive ? La question est étudiée dans le livre Bright-Sided : How Positive Thinking is Undermining America. Que peuvent conclure ceux qui, parmi ces patients, n'ont pas réussi à se sortir de la maladie quand d'autres y arrivent ? Se blâmer de ne pas avoir pensé assez fort à une vie en bonne santé ? La chute n'en est qu'alors plus lourde.

Déconnectés de la réalité

La liste est encore longue. L'optimisme constant mène à fragiliser notre psychologie, du fait qu'en refusant de voir et considérer les mauvais aspects de la vie, nous nous plongeons dans une sorte d'apathie aux événements et n'agissons plus pour provoquer le changement. En nous voilant la face ainsi, nous perdons alors en flexibilité psychologique. Aussi, comme le formule le site Scientific American, les personnes les plus optimistes sont très vulnérables aux événements foncièrement malheureux et irréversibles, tels que la mort d'un proche. Forbes en rajoute même une couche : les études faisant le lien entre optimisme et santé ne sont que des corrélations, laissant entendre que c'est peut-être la santé qui fait l'optimisme. En revanche, les positivistes les plus convaincus peinent à entretenir une bonne hygiène de vie – ce qui demande parfois des efforts – puisque, de toute façon, ils garderont leur ligne, ou récupéreront leur sommeil plus tard, et tout rentrera dans l'ordre. Selon eux.

Enfin, cet optimisme peut être vicieux dans la mesure où il confère ce que les scientifiques appellent une illusion de contrôle. Ce phénomène s'illustre parfaitement par l'exemple des joueurs compulsifs. Ces personnes choisissent leurs numéros avec minutie, sélectionnent leurs jeux à gratter d'une manière qui laisse entendre que ces rituels permettent véritablement d'accroître les chances de gain. Enfin, les personnes trop optimistes ont tendance à être trop peu exigeantes envers elles-mêmes, à travailler moins, gagner moins, à moins économiser d'argent en prétextant vouloir se faire plaisir, et à terme à vivre de manière plus précaire.

Optimisme et espoir

"L'opposé du positif n'est pas le négatif, mais avoir un sens du réalisme de ce que tu peux achever et accomplir", conclut Michael Stausholm. En se fixant des objectifs et en considérant les difficultés qu'il faudrait surmonter, l'entrepreneur a fait repartir son entreprise, qui vend aujourd'hui quelque 450 000 stylos par mois à travers une soixantaine de pays. Bien évidemment, n'abandonnons pas tout optimisme et tout espoir dans le seul but de ne connaître que de bonnes surprises. De toute façon, nous en sommes incapables. C'est simple : l'optimisme est comme inné chez nous. La scientifique Tali Sharot peut témoigner. Dans une expérience, elle avait demandé aux sondés d'imaginer des situations futures pessimistes, telles que la perte d'un emploi ou une rupture amoureuse. Presque automatiquement, ceux-ci finissaient par modifier la fin de l'histoire, de manière à ce que la personne plongée dans son chagrin d'amour finisse par retrouver un nouveau partenaire. "Ils imaginent que le futur est meilleur que le passé", conclut-elle.

Et c'est bien vrai. L'homme est constamment tourné vers l'avenir. Trop, peut-être, nous diront les adeptes du carpe diem. Mais n'est pas cet espoir fou qui nous a toujours poussés à évoluer ? Il y a des erreurs de parcours, bien sûr.  Là-dessus, Theodore Roosevelt aurait répondu : "Dans les moments décisifs, la meilleure chose que vous puissiez faire, c'est de prendre la bonne décision ; en second lieu, c'est de prendre la mauvaise décision ; mais la pire chose, c'est de ne rien faire". Dans cette mesure, l'espoir est peut-être l'une des caractéristiques de l'être humain qui font son unicité. Mais bon, relativisons tout cela, ce serait trop optimiste.

Vous pouvez visionner la conférence menée par Tali Sharot sur le caractère résolument optimiste de l'homme dans cette vidéo :

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