Pourquoi cette étude confirme l'absence de lien entre vaccination et sclérose en plaques (mais ne suffira probablement pas à recréer la confiance)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Pourquoi cette étude confirme l'absence de lien entre vaccination et sclérose en plaques (mais ne suffira probablement pas à recréer la confiance)
©Pixabay

Sclérose en plaques

Une étude publiée dans la revue Neurology montre qu'il n'y a apparemment aucun lien entre la vaccination contre l'Hépatite B et l'apparition de la sclérose en plaques.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

Voir la bio »

Atlantico : Une étude publiée dans la revue Neurology le 30 juillet dernier a montré qu'il n'y avait apparemment aucun lien entre la vaccination et l'apparition de la sclérose en plaques. Comment l'étude a été menée ? Qu'est-ce que prouvent ces résultats ?

Stéphane Gayet : C'est une étude épidémiologique qui a été menée dans le Sud-Est de l'Allemagne, dans le plus grand des 16 États fédéraux ou « régions » (land : pays), la Bavière. C'est une vaste étude rétrospective qui a porté sur 13 années, soit de 2005 à 2017. Elle a consisté à réaliser une analyse statistique d'une gigantesque base de données (« big data »), issue de l'assurance maladie. La méthode d'étude est dite « cas-témoins » : le principe est de comparer les « cas », en l'occurrence toutes les personnes qui ont développé une sclérose en plaques ou SEP, pendant la période d'observation rétrospective, aux « témoins », en l'occurrence toutes celles qui n'ont pas développé de SEP pendant la période et qui, soit n'étaient atteintes d'aucune autre maladie auto-immune (la SEP est en effet une maladie auto-immune), soit étaient atteintes d'une maladie auto-immune autre que la SEP (en l'occurrence, une maladie de Crohn ou bien un psoriasis, car ce sont là deux maladies également auto-immunes et qui partagent certains facteurs de risque génétiques avec la SEP).

Pour chaque cas de sclérose en plaques ou SEP, on a pris en compte toutes les vaccinations qui avaient été effectuées au cours de la période de cinq années précédant le diagnostic.

Ensuite, on a calculé et comparé les probabilités suivantes :

1. Quand on développe une sclérose en plaques au cours de la période d'observation, quel est le profil le plus probable : (A) avoir été vacciné ou bien (B) ne pas avoir été vacciné et n'être atteint d'aucune maladie auto-immune ? : la réponse est B.

2. Quand on développe une sclérose en plaques au cours de la période d'observation, quel est le profil le plus probable : (A) avoir été vacciné ou bien (B) être atteint d'une maladie de Crohn ? : la réponse est B.

3. Quand on développe une sclérose en plaques au cours de la période d'observation, quel est le profil le plus probable : (A) avoir été vacciné ou bien (B) être atteint d'un psoriasis ? : la réponse est B.

Cela signifie que le psoriasis, la maladie de Crohn et la non vaccination sont des facteurs de risque de sclérose en plaques plus probables que la vaccination.

Cette étude épidémiologique a donc conclu au fait que la vaccination (en général) ne constituait pas un facteur de risque (au sens probabiliste du terme) de survenue d'une sclérose en plaques ou SEP, au moins dans les cinq années suivantes. De surcroît, elle a au contraire montré que la vaccination paraissait protéger de la SEP (dans les cinq années qui la suivent).

Comment expliquer les origines de cette controverse sur la vaccination contre l'hépatite B ? Y a-t-il eu une erreur d'information sur les cas de sclérose en plaques apparus après une vaccination ou une erreur d'interprétation ?

Les autorités de santé françaises restent encore aujourd'hui, et pour des années sans doute, traumatisées par les scandales sanitaires dont elles ont eu à rendre compte. Qu'il s'agisse de l'affaire du sang contaminé par le VIH, de celle de l'hormone de croissance contaminée par le prion, de celle de la « Clinique du sport » (contamination des opérés par une bactérie qui venait de l'eau du réseau), etc., une défiance s'est constituée dans l'esprit français vis-à-vis des thérapeutiques médicales.

Depuis lors, les autorités sanitaires sont sur la sellette et donc sur le qui-vive. Le moindre faux pas peut leur être fatal.

Dans les années 1990, une étude épidémiologique (sans puissance, évidemment) a laissé entrevoir qu'il y aurait peut-être une relation entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une sclérose en plaques dans les années qui suivent. Dès que le ministère de la santé a eu vent de cette information - et sachant que la vaccination contre l'hépatite B venait de surcroît d'être systématisée chez les enfants -, il a pris peur et a cessé de systématiser cette vaccination. Cela a fait l'effet d'un pavé dans la mare. Les démentis qui ont suivi n'y ont rien fait : une forte suspicion concernant la vaccination contre l'hépatite B s'était installée dans la population, rapidement élargie en suspicion contre les vaccins dans leur ensemble.

Cette malheureuse et très préjudiciable affaire a eu pour causes une information légère, sans puissance et qui s'est avérée finalement erronée, un affolement consécutif et des erreurs de communication fatales. C'est à cette occasion que l'on a perçu les dégâts que pouvaient faire une communication hâtive et non maîtrisée, surtout à l'échelon d'un ministère.

Evidemment, il est toujours facile de dénoncer les erreurs a posteriori. Toujours est-il que de nouvelles erreurs ont été commises lors de la « pandémie grippale » de 2009, déclenchant un vent de panique vis-à-vis du vaccin antigrippal.

Pour en revenir au vaccin contre l'hépatite B, on a naïvement confondu séquence et conséquence. Si l'on constate qu'une sclérose en plaques se développe dans les suites d'une vaccination, c'est une séquence, un enchaînement d'événements. Il ne faut pas en déduire que le second événement est la conséquence du premier, alors que c'est une fréquente tentation.

Seulement 2/3 des parents d'enfants nés entre 2017 et 2018 ont déclaré être favorables à l'obligation vaccinale dans une étude publiée par Santé Publique France en avril 2017. Ce chiffre paraît relativement peu élevé si on le compare à l'objectif de couverture vaccinale (90%) notamment pour l'Hépatite B. L'obligation est-elle une bonne méthode pour rétablir la confiance dans les vaccins ? Quelles sont les bonnes solutions selon vous ?

Tout compte fait, l'obligation est une mesure pertinente. Les Français ne sont pas les champions de la discipline et dans notre pays les obligations sont souvent rejetées de prime abord, dans une revendication de liberté et de libre-arbitre.

Mais sachant tout ce qui s'est passé en France en matière de vaccination depuis les années 1990, attendre que le peuple devienne mature et admette enfin l'intérêt des vaccins demanderait des années.

Le fait de rendre certaines vaccinations obligatoires est une mesure courageuse, responsable et forte du ministère chargé de la santé et c'est ce qui a été fait ; c'était la sage décision à prendre.

Pourquoi ? Parce que la prise de cette décision implique une très grande confiance en les vaccins de la part de l'autorité de santé. Car il est évident que cette même autorité devra prendre en compte tous les accidents de vaccination et dans les cas où le produit aura été rendu coupable d'effets secondaires graves, une indemnisation s'imposera d'autant plus que l'acte en cause était une obligation. Il y a donc une prise de risque non négligeable de la part du ministère. Elle est parfaitement justifiée étant donné que, à l'échelle de la santé publique, le rapport bénéfices sur risques de la vaccination en général et surtout des vaccinations rendues obligatoires, est plus qu'excellent et cela personne ne peut le contester.

On peut écouter ici l'argumentaire du professeur Alain Fischer en faveur du caractère obligatoire des 11 vaccinations : https://vimeo.com/228555353

C'est pourquoi les bonnes solutions sont le caractère obligatoire conjugué à des informations factuelles, honnêtes, simples et non infantilisantes. D'autres pays y sont arrivés, pourquoi pas la France ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !