Pourquoi baisser de 10km/h la vitesse sur les routes nationales n'aura que peu d'impact sur le nombre de morts<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Pourquoi baisser de 10km/h la vitesse sur les routes nationales n'aura que peu d'impact sur le nombre de morts
©

Décélération

Le ministre de l'Intérieur entend expérimenter dans plusieurs départements la limitation de 90 à 80 km/h de la vitesse sur le réseau secondaire. Mais le levier de vitesse n'est pas le seul à influer sur le nombre d'accidents sur la route.

Pierre Chasseray

Pierre Chasseray

Pierre Chasseray est délégué Général de l'association 40 Millions d'automobilistes.

Voir la bio »

Atlantico : Réduire la vitesse sur les routes nationales peut-elle permettre d'éviter des accidents ou au contraire, ces comportements peuvent-ils se révéler paradoxalement dangereux sur les routes ?

Pierre Chasseray : Ni l'un ni l'autre. Abaisser les limitations de vitesse alors que l'on a trouvé aujourd'hui un équilibre à 90 km/h n'a pas de sens. Lorsque l'on regarde ce qui se pratique dans les autres pays, en Angleterre par exemple qui est le leader européen en matière de sécurité routière, on s'aperçoit que la vitesse maximale autorisée est de 97 km/h, miles oblige. C'est bien la preuve que l'on ne peut pas aussi facilement établir une corrélation entre la baisse des limitations vitesse et celle des accidents. Je rappelle que la baisse de l'accidentalité de 13% atteinte en 2013 a été obtenue avec la limitation de vitesse actuelle de 90 km/heure. Il faut donc continuer à travailler sur l'équilibre actuel, trouver un équilibre entre vitesse respectable et acceptable. Un déplacement automobile implique nécessairement que l'on roule à une certaine vitesse. Sinon, si on veut qu'il y ait zéro accident, il faut purement et supprimer les voitures.

Mais à l'inverse, il n'existe pas non plus à ma connaissance d'étude qui montre que rouler trop lentement est dangereux. En revanche, la somnolence au volant est tout de même liée à 25% des accidents mortels. Alors, est-ce que réduire la vitesse risque d'accroitre ce phénomène, je ne sais pas. En tout cas, je remarque que l'on ne parle que de la vitesse comme cause d'accidents en oubliant les autres facteurs  comme l'alcool ou la somnolence. Alors c'est vrai que l'on n'a pas encore inventé de radar qui détecte la somnolence…

Quelle proportion des accidents de la route est imputable à la vitesse ? Comment peut-on évaluer quelle diminution résultera d'une baisse de 10 km/h ?

Dire qu'un accident est imputable à la vitesse est la preuve d'une méconnaissance totale de ces sujets. Car en matière de sécurité routière, il faut plutôt parler de vitesse inadaptée, par rapport à la courbe d'un virage par exemple. De manière générale, la sécurité routière ne répond pas à des formules mathématiques mais repose sur des comportements. D'où l'importance de travailler sur des véhicules plus fiables ou des infrastructures plus adaptées plutôt que de limiter arbitrairement la vitesse.

Lorsque l'on entend que diminuer de 10% la vitesse permet de réduire de 50% le nombre d'accidents, c'est absolument faux ! Il suffit pour s'en convaincre de regarder les chiffres de la sécurité routière en 2012 : alors que les vitesses moyennes ont augmenté de près de 2%, les accidents mortels ont de leur côté diminué de 8%.

Quand à une éventuelle estimation des baisses d'accident en fonction d'une diminution de 10% de la vitesse, ce rapport est encore moins évaluable. J'en prends encore pour exemple l'Angleterre qui compte moins de morts sur la route que la France, malgré une vitesse autorisée supérieure sur son réseau secondaire. Mais en France, on a l'impression que le discours politique tente à tout prix de sauver "le soldat radar" !

Existe-t-il d'autres exemples à l'étranger qui accréditent la relation entre réduction de la vitesse et moindre mortalité routière ?

Au contraire ! Comparons-nous aux pays dont les résultats en matière de sécurité routière sont meilleurs que les nôtres. Revenons à l'Angleterre qui est le champion européen en la matière, alors que l'Allemagne figure dans le peloton de tête et que la France ne se situe que dans la moyenne haute. En Angleterre donc, non seulement la vitesse autorisée sur les axes secondaires est plus haute qu'en France mais en plus de cela, le pays est en train de désactiver ses radars ! Près de 10% des radars anglais ont déjà été retirés en deux ans, et près de la moitié du parc anglais est progressivement désactivé, c'est-à-dire qu'ils ne flashent plus et n'entrainent plus de sanctions pour les automobilistes. Conséquence ? Une baisse du nombre d'accident. C'est encore une preuve qu'il est temps de relâcher la pression sur les automobilistes.

Même constat en Allemagne où il y a également moins d'accident qu'en France : la vitesse maximale est limitée à 100 km/h sur les axes secondaires. Quand aux autres pays européens, la majorité d'entre eux a adopté le niveau homogène de 90 km/heure sur leurs réseaux secondaires.

Enfin, cerise sur le gâteau, le secrétaire d'Etat aux transports anglais souhaite même augmenter la vitesse sur les axes principaux, tout comme l'Espagne vient de le faire sur ses autoroutes au même niveau de la France.

Quelles mesures préconisez-vous pour passer sous la barre des 2.000 tués sur les routes à l'horizon 2020, objectif que s'est lui-même fixé le ministre de l'Intérieur ?

Nous avons pour cela lancé une opération cet été, intitulée Raconte moi la route de tes vacances avec laquelle les automobilistes pouvaient eux-mêmes proposer leurs propres initiatives en matière de sécurité routière. Ce guide répertorie un certain nombre de mesures de bon sens qui permettraient de réduire significativement le nombre de mort sur la route. Les automobilistes proposent par exemple d'installer des herses anti-retour sur les voies d'insertions d'autoroute afin d'empêcher les contresens qui font plusieurs dizaines de mort chaque année, promouvoir des outils d'aide à la conduite calculant les distances de sécurité, d'équiper les véhicules d'éthylotests anti-démarrage ou encore d'améliorer les marquages et les éclairages dans certaines agglomérations.

Propos recueillis par Pierre Havez

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !