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Pourquoi aller à Damas serait-il plus une faute morale qu’aller à Riyad ou à Doha ?
©Reuters

Bal des hypocrites

Quatre parlementaires français se sont rendu à Damas pour rencontrer pendant une heure Bachar el-Assad. Une visite vivement critiquée par la gauche, qui oublie cependant de se demander dans quelles circonstances et avec quel financement le voyage a été organisé.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : Après la visite de deux députés et deux sénateurs français, réalisée en toute discrétion mercredi 25 février, le Premier ministre Manuel Valls a estimé qu'il s'agissait d'une "faute morale". Pourquoi aller à Damas relèverait-il davantage d'une faute morale qu’aller à Riyad ou Doha ?

Gil Mihaely : Je pense que le terme de faute morale n'est effectivement pas approprié. Néanmoins, je pense que l'exécutif a le droit de qualifier cette initiative de faute politique. Car la France en matière de politique étrangère doit s'exprimer d'une seule voix. Et dans le cadre de la Syrie, il est possible de résumer la position de la France au fait qu'il y a 18 mois, elle était à la veille d'une guerre contre Assad. Cette position a le mérite d'être très claire. Dans ce contexte, effectivement le déplacement de ces quatre parlementaires pose problème. Car même si tout le monde le nie avec plus ou moins d'énergie ou de conviction, tout le monde voit cette initiative comme quelque chose qui est, de près ou de loin, cautionné par la France.

Pour vous, il est donc légitime de qualifier cet acte de "faute" mais pas de "faute morale" ?

Que ce soit en matière de politique - intérieure comme étrangère - il y a une sorte de tradition : les débats s'arrêtent lorsque l'on quitte la France. Que des députés ou n'importe quel autre citoyen mettent en doute la logique qui guide la politique étrangère de la France, notamment sur le dossier syrien, rien n'est plus légitime. Mais là il s’agit d’un acte. Se rendre à Damas dans le contexte actuel, tout le monde le sait, est forcément compris comme semi-officiel. Cela donne l'impression qu'en France, il y a deux politiques étrangères.

Comment expliquer alors que l'exécutif y mêle la morale ?

C'est un argument très fort dans une démocratie libérale. Il existe une sorte de fantasme qui voudrait que la politique ne soit guidée que par nos convictions et nos valeurs. Sauf que l'on sait que c’est aussi voire surtout une affaire d’intérêts et les deux – intérêts et valeurs – ne vont pas toujours ensemble. On ne peut avoir des relations uniquement avec des régimes qui nous plaisent. La France est obligée d'avoir des relations avec des grands acteurs de la scène internationale. Les tensions entre les intérêts et les valeurs sont inhérentes au système international et toute politique étrangère est un compromis entre ces deux dimensions. Dans le cas de la Syrie les questions les plus intéressantes sont : que veut la France, quels sont ses objectifs et comment faire pour les atteindre ?

Comment expliquer cette "morale" à géométrie variable ?

Cela s’appelle la réalité… une bonne politique étrangère a pour point de départ les intérêts du pays. Ensuite il faut prendre en compte les moyens économiques militaires, les alliances et finalement aussi ce qu’on appelle morale car les opinions publiques y sont très sensibles. Pas simple…

Peut-on parler d'hypocrisie?

Bien sûr ! et recourir au 49-3 quand on est au pouvoir après l’avoir sévèrement critiqué et fustigé quand on était à l’opposition, c’est quoi ? Je suis surpris de l’étonnement. La véritable question posée par la visite des quatre députés concerne la légitimité d'une telle initiative qui, quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, engage en quelque sorte la France. Personne ne croira qu'il n'y avait pas au moins un accord tacite.

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