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Pourquoi Alain Juppé persiste à parler d' "identité heureuse"
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Il ne lâche pas

Ce samedi, Alain Juppé a fait sa rentrée politique sur l'île de Chatou. Lors de son discours, le candidat à la primaire de la droite a réitéré ses propos tenus les semaines précédentes, montrant ainsi qu'il n'envisage pas de changer de stratégie face à son rival, Nicolas Sarkozy.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Dans une  campagne électorale, il existe une règle sacrée : ne pas changer de stratégie en cours de route. Et ce n'est pas Alain Juppé qui va y déroger. Candidat déclaré à la primaire de la droite et du dentre depuis deux ans, il a bâti la sienne autour du triptyque : "Rassembler, Apaiser, Réformer". Pour le démarrage, dans une ambiance mi-champêtre, mi-convention à l'américaine, de son entrée dans la véritable campagne en vue de cette primaire (qui se déroulera les 20 et 27 novembre prochains), le favori des sondages a mis l'accent sur le thème du rassemblement : rassembler plutôt que chercher à cliver ; rassembler plutôt que vouloir exclure ou stigmatiser ; rassembler plutôt que d’exciter les surenchères. Façon pour Alain Juppé de se démarquer et de s'opposer à Nicolas Sarkozy. Si dans son discours de Chatou le maire de Bordeaux n'a pas nommé l' ex-président - désormais son concurrent - il en a brossé un portrait en creux qui fait de son rival un "prophète de malheur". Alain Juppé a invité ses partisans à ne pas "se laisser abattre par leur défaitisme" ( ndlr: celui des prophètes de malheur) et les a invités à être "les pionniers d’une France qui va retrouver le chemin d’une identité heureuse. Chacun a compris que c’était mon objectif ! ", a-t-il lancé avant d'enfoncer le clou en déclarant : "Ne faisons pas du clivage la règle de la mobilisation. On ne gouverne pas avec la haine" !

A lire aussi sur notre site : Edouard Philippe : “C'est bien beau d'évoquer l'identité française, mais il faut la définir, et se poser la question de savoir ce que nous voulons construire.”

Si Alain Juppé n'a pas cité le nom de Nicolas Sarkozy dans son discours, il n'a pas davantage prononcé le mot de "burkini", aujourd'hui au centre de toutes les controverses politiques (il avait "évacué" la question dans son interview au Figaro où il se disait opposé à une "loi de circonstance au fil des polémiques médiatiques". Son entourage expliquait , de son coté, qu' "aucune loi ne peut cibler une seule communauté"). Cette ligne une fois tracée, Alain Juppé ne verse pas dans l'angélisme ; le candidat ne cède rien sur le fond et veut traiter la question de la religion musulmane dans sa globalité... et autorité.

Il rappelle sa "farouche détermination à combattre l’islamisme radical partout où il nous défie, sur notre sol comme sur les théâtres d’opérations extérieures"... et à lutter "contre la radicalisation à l'école, dans les prisons, sur les lieux de culte". Pour Alain Juppé, "la religion musulmane a sa place en France à condition que nos compatriotes qui la pratiquent respectent strictement les lois et les valeurs de la République", question qui pourrait se régler dans le cadre d'une adhésion à une Charte de la laïcité, et la signature d'un accord fixant "les règles relatives au recrutement et à la formation des ministres du culte musulman. Il est légitime de leur demander une connaissance des principes d’organisation de l’Etat républicain, et notamment de la laïcité à la française, connaissance attestée par un diplôme universitaire comme en délivrent déjà plusieurs universités françaises..."

Quant au regroupement familial que Nicolas Sarkozy propose d'interdire (ce qui est impossible du point de vue d'Alain Juppé), il souhaite le "conditionner à l’exercice d’un emploi, et donc à l’existence d’un revenu du travail pour le demandeur ". Enfin, pas question pour lui de placer les fichés S dans des centres de rétention, et de créer des Guantanamo à la française : s'ils sont dangereux, ils doivent être jugés. Tout au long de son propos, Alain Juppé s'est posé en homme de mesure : "Je n'ai sans doute pas fondamentalement changé, mais j'ai beaucoup appris", concède-t-il avant de prévenir qu'il ne va "pas dire à chacun ce qu'il a envie d'entendre pour mieux le séduire à court terme et mieux le décevoir ensuite". Suivez mon regard !

Alain Juppé ne jouera pas la carte du changement, on l'a compris. Il y est d'autant moins enclin qu'il est convaincu que son langage de vérité est un des facteurs de sa popularité. Peut être, mais comment cette popularité est-elle mesurée ? Le résultat des primaires est suspendu à une inconnue : combien d'électeurs vont-ils se déplacer en novembre ? Chez le maire de Bordeaux, on en espère un maximum, car "ce n'est pas la primaire des Républicains" martèle-t-on. Un maximum, c'est-à-dire un électorat qui va au-delà des militants LR, un électorat plus modéré, plus sensible au discours " crédible" d'Alain  Juppé qu'aux propos "maximalistes" de Nicolas Sarkozy. Les plus optimistes, à l'instar de Dominique Bussereau, pensent que, quoiqu'il arrive, l'avance d'Alain Juppé n'est plus rattrapable. Il est vrai que pour l'heure, l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy n'a pas produit de "blast"(effet de souffle), comme cela était espéré dans son camp. Par delà la publication de sondages défavorables pour lui (et  controversés), l'interview de l'ex-président n'a pas chamboulé l'audimat du 20h de TF1 où il était convié mercredi. "La base qui soutient Nicolas Sarkozy ne grandit pas", se réjouit un membre de l'équipe Juppé. Certes, mais la véritable compétition ne fait que commencer. Et si pour l'heure, elle est dominée par le match Juppé-Sarkozy, rien ne permet de croire qu'un troisième, voire un quatrième homme, ne viendra pas jouer un moment les trouble-fêtes dans ce match inédit.

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