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Pour en finir avec une bureaucratie sanitaire autoritaire et inefficace
©SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

L'exigence sanitaire

Les périodes de crise et tout particulièrement le danger sanitaire sont propices on le sait, à laisser libre cours à l’autoritarisme.

Renée Fregosi

Renée Fregosi

Renée Fregosi est maître de conférences et directeur de recherches en science politique à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine (Université paris 3 Sorbonne-Nouvelle).

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Imposer des mesures sans concertation et sans argumentation solide, mépriser les avis divergents et les suggestions pragmatiques, se montrer cyniques et condescendants en ignorant la capacité des citoyens à prendre leur responsabilités, faire fi des incohérences dans les discours et les pratiques alors qu’elles sapent la confiance au sein des populations, utiliser massivement  les « aides sociales » pour colmater ces brèches de confiance sans souci des conséquences budgétaires à terme plutôt que de faire preuve de finesse et d’inventivité. Telles sont les caractéristiques de la technocratie à l’œuvre dans la crise sanitaire du covid : un pouvoir bureaucratique, en même temps autoritaire et assistantiel-paternaliste, in fine inefficace. Car les périodes de crise et tout particulièrement le danger sanitaire sont propices on le sait, à laisser libre cours à l’autoritarisme. Pourtant, bien que contre-intuitive, une constante historique montre que la rigidité dictatoriale se révèle à plus ou moins brève échéance, moins efficace que la souplesse adaptative de la démocratie. 

Il n’existe jamais en effet de recettes universelles toutes prêtes aussi drastiques soient-elles. En l’occurrence, dans la crise actuelle du covid, même si l’expérience des crises antérieures doit être impérativement prise en compte, des incertitudes demeurent quant à la nature du virus, à ses types de mutation, à ses comportements en fonction des variations climatiques et des différences physiologiques des humains auxquels il s’attaque. Toutefois quelques éléments semblent acquis. D’abord, tant que ni remède éprouvé ni vaccin ne seront disponibles, nous devrons « vivre avec le virus » tout le monde en convient. Cela implique nécessairement de concilier exigence sanitaire et survie économique et sociale, c’est également devenu une évidence pour tous. Chacun pourrait donc être utilement responsabilisé et mobilisé.

L’exigence sanitaire impose de limiter au maximum la formation de « chaînes de contamination », c’est-à-dire de maintenir une circulation endémique du virus sans que des accélérations exponentielles de contamination ne se produisent.  La première piste consiste à mettre en place une stratégie de tests cohérente. Pour ce faire il faut d’abord définir la cible prioritaire des tests, à savoir les porteurs contagieux. Car ce sont les contaminés à charge virale importante (contaminateurs potentiels) qu’il faut détecter pour les isoler afin qu’ils n’infectent pas les non contaminés et notamment « les plus fragiles ». Pour que cette stratégie soit efficace il faut qu’elle soit massive en population générale et que le résultat des tests soit délivré très rapidement car on sait maintenant que les personnes infectées non symptomatiques sont très contagieuses. Tester en priorité les malades quasiment avérés par leurs symptômes et surtout ceux présentant déjà des formes graves de la maladie est absurde si on laisse par ailleurs filer les asymptomatiques.

Mais la stratégie de testing massif des contaminants (et pas forcément des contaminés à charge virale faible pas ou peu contagieux) n’est réalisable que, d’une part, si l’on a des tests simples et rapides. Ce qui serait le cas avec les tests salivaires validés depuis juin dernier (ne nécessitant pas de personnel spécialisé pour le prélèvement, étant indolores et au résultat donné en quelques minutes) dont on peut se demander pourquoi ils ne sont pas promus vigoureusement par le ministère de la santé, sinon que les « autorités » politiques et sanitaires ne souhaitent pas donner à tout un chacun la maîtrise individuelle de sa propre santé. D’autre part, la stratégie du test de masse implique des capacités à isoler rapidement les contaminants, ce qui nécessite une logistique lourde à mettre en place, et qui n’est pas non plus envisagée hélas actuellement par le gouvernement.  

Faute de l’option « tester-isoler », un autre dispositif prophylactique doit donc être mis en place, et il passe nécessairement par des restrictions aux interactions entre individus potentiellement contagieux d’un côté et possiblement non contaminés de l’autre. Dans ce cadre, d’une part, les « gestes barrières » constituent un élément essentiel : les masques empêchent la diffusion des « gouttelettes », le lavage des mains celle sur les surfaces inertes, l’aération celle par aérosols, la distanciation physique celle des « gouttelettes » et des aérosols. D’autre part, les lieux et les situations d’interactions entre individus doivent être distingués en fonction de la possibilité d’y pratiquer les gestes barrières : partout où les masques sont portés et les mains désinfectées, et/ou partout où la distanciation physique est respectée, on doit pouvoir se mouvoir librement. Ailleurs, les regroupements doivent être réduits drastiquement quantitativement (nombre de personnes interagissant dans un même lieu clos ou en promiscuité) et qualitativement (les petits groupes de personnes se fréquentant en promiscuité ne doivent pas se mélanger entre eux).

Compte tenu de ces données objectives soutenues par une logique simple compréhensible de tous (et pas nécessairement contre-prouvées immédiatement par des études savantes rigoureuses à grande échelle, au demeurant fort utiles pour la communauté scientifique), les contours des mesures de confinement se dessinent assez clairement. Les prises de repas et de boissons en commun (obligeant à enlever les masques) et les réunions festives notamment dansantes et chantantes ainsi que les échanges sexuels multiples, pratiqués sans masques ni mesures de désinfection stricte, sont à proscrire au maximum. C’est pourquoi les restaurants et cantines, les bars, discothèques et clubs libertins doivent être fermées pendant les périodes de montée des contaminations, et les réunions privées limitées par des mesures de couvre-feu. Quant au cercle intime le plus restreint, chacun doit y mesurer le risque sanitaire en adaptant la distanciation physique aux parcours individuels.

Pour le reste des activités économiques et sociales, la production, les commerces, la scolarité, la pratique musicale ou sportive, les visites médicales, elles doivent être maintenues dans le respect des gestes barrières et de la réduction de la densité de population dans un espace donné, et en y développant donc au maximum le travail à distance. Plutôt que de suivre le précepte égalitariste imbécile selon lequel il faudrait que tout le monde souffre et de fermer les rayons « non essentiels » des grandes surfaces au motif que les petits commerçants sont fermés, laissons fonctionner tous les commerces en veillant à ce que les gestes barrières et la densité limitée de la clientèle y soient respectés partout. Plutôt que de dépenser en « aides » à des petits commerçants et libéraux des sommes globalement astronomiques mais cependant trop souvent individuellement insuffisantes pour les maintenir à flot, laissons les produire, commercer et faire circuler ce pouvoir d’achat congelé dans une épargne dont se plaint par ailleurs le gouvernement.

Certes, jusque là nos gouvernements ont fait peu de cas du facteur de confiance indispensable à l’efficacité de toute politique publique, et ils n’ont pas même envisagé de stratégie intégrant une véritable responsabilisation des citoyens. Mais bien que tardive, il est indispensable qu’une telle prise de conscience se manifeste chez nos « autorités » politiques et sanitaires. Il est urgent de changer de perspective pour faire reculer le virus en attendant de le terrasser grâce à la recherche scientifique qui avance à pas de géant dans la conception de vaccins et la définition de traitements efficaces. Toutefois, pour être crédible, ce changement de paradigme devrait être porté par une équipe gouvernementale au moins partiellement renouvelée.

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