Pour Axel Kahn, l’Humain non raisonnable<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écrivain et scientifique français Axel Kahn, photographié en avril 2015.
L'écrivain et scientifique français Axel Kahn, photographié en avril 2015.
©Eric Feferberg / AFP

Tribune

Atteint d’un cancer, Axel Kahn a annoncé qu’il quittait la présidence de la Ligue nationale contre le cancer, moins de deux ans après son élection.

Philippe Froguel

Philippe Froguel

Philippe Froguel est diabétologue et généticien à la tête d'un laboratoire de recherche du CHRU de Lille.

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Depuis que le Prof Axel Kahn a fait son « coming out » de malade incurable du cancer, je me suis demandé comment lui rendre hommage. Que puis-je lui offrir de mieux qu’une tribune nécrologique qu’il pourra lire bien vivant et ceci j’espère le plus longtemps possible ?

Je connais Axel Kahn depuis 35 ans. Nous ne sommes pas amis car je ne connais pas sa jument préférée mais on s’est souvent croisé. Au siècle dernier, jeune médecin hospitalier il m’a proposé de monter un laboratoire au célèbre Institut Cochin à Paris qu’il avait créé. Hélas un obscur Doyen de la Faculté de Médecine s’y est opposé. Il m’a alors dit « Philippe tu dois apprendre à te faire aimer ». Conseil incongru pour un jeune médecin d’origine juive issu du Sentier qui se prenait pour le Messie de la recherche médicale pourfendant les mandarins obtus du Temple hospitalo-universitaire parisien. D’une certaine façon il m’a donné son célèbre conseil paternel « sois raisonnable et humain » que j’ai essayé de suivre à sa manière à lui : j’ai construit ma vie avec le plus d’humanité possible et de la façon la moins raisonnable possible. Car Axel Kahn a non seulement été un biologiste moléculaire respecté, mais aussi un bâtisseur de grands  centres scientifiques, un président d’université compétent, un président d’association contre le cancer combatif, un éthicien écouté, un écrivain de grand talent, un débateur redouté, un marcheur quasi professionnel (au sens propre rien à voir avec un parti politique actuel), un amoureux du langage et des fleurs, un cavalier d’exception, bref comme on disait dans ma famille un « mensch » c’est-à-dire un homme bien et une belle âme. Rien de raisonnable derrière cette vie d’exception tellement humaine.

Certes il m’a souvent exaspéré quand on le présentait comme un généticien clinique (qu’il n’était pas selon moi), quand il savait réellement tout sur tout, quand en 2011 la veille des résultats du concours des laboratoires d’excellence, lors d’un dîner parisien il m’a annoncé que mon projet sur le diabète ne passerait jamais car trop riquiqui. Comme le lendemain la fortune a plus souri aux lillois qu’au parisiens de la rive gauche je me suis ensuite moqué de lui dans la presse ce qui je l’avoue était injuste ce qu’il m’a d’ailleurs expliqué peu après. On s’est même fâché 15 jours le printemps dernier lors des combats épiques sur la chloroquine car je lui ai reproché de défendre des gens peu recommandables même si sur le fond il avait raison. Récemment j’ai apprécié ces explications bloggeuses précises sur les variants viraux et ses mises en gardes contre des déconfinements mal préparés. Bref je suis un fan de ses interventions.

Quand je l’ai écouté raconter avec une dignité et une justesse extraordinaire sa fin proche chez Léa Salamé, j’ai été bouleversé et je lui ai écrit sur Messenger ne sachant pas trop quoi lui dire à part que je pensais à lui. Il m’a répondu simplement « merci, cher Philippe, j’ai aimé de te connaître ». Moi aussi, cher Axel j’ai été honoré que nos routes se sont parfois croisées et comme beaucoup d’autres français nous ne t’oublierons pas, ce qui sera ta forme d’immortalité car comme dans le poème d’Aragon la Rose et le Réséda tu es celui qui ne croit pas au ciel.

Prof. Philippe Froguel

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