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Post Trump : ces leçons venues des Etats-Unis que pourrait méditer la droite française
©Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Conservatisme populaire

La droite française doit tirer trois grandes leçons des élections américaines de 2020 : ne pas sous-estimer son adversaire progressiste, ne pas faire la fine bouche face au bilan de Donald Trump, comprendre que la démocratie est le meilleur levier pour la droite.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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En ce 8 novembre 2020, personne ne sait quelle sera l’issue de l’élection américaine. Beaucoup pensent, parce que les médias américains l’ont proclamé ce samedi 7 novembre, que Joe Biden est le nouveau président des Etats-Unis. mais une bataille judiciaire et institutionnelle commence, à l’issue très probable... sur le papier - elle aboutirait quasi-certainement à la confirmation de Donald Trump si nous n’avions pas affaire à une véritable déferlante médiatique permanente pour imposer Biden, à de la censure fréquente sur les réseaux sociaux pour ceux qui parlent positivement de Donald Trump, au spectre de la guerre civile, qui fera sans doute reculer des hommes politiques républicains lorsqu’il s’agit de savoir si l’on soutient Donald Trump jusqu’au bout. 

Nous voilà soudain au coeur du sujet, que je voudrais brièvement aborder ici. Il y a trois leçons pour la droite française que, je pense, nous devrions tirer des élections américaines de 2020.

1. La droite sous-estime toujours son adversaire progressiste

Pour ceux qui ont voté François Fillon en 2017, ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis a un parfum de déjà vu. Rappelons-nous comment le candidat favori a été, en quelques semaines, en quelques jours même, déstabilisé par une campagne médiatique, secondée par une partie du Léviathan français. Comme Donald Trump, François Fillon était le meilleur candidat et comme le président américain sortant, il est devenu la cible d’un déchaînement médiatique apparemment impossible à inverser, sur fond de critique de son programme conservateur (plaidoyer pour une bonne gestion des finances publiques, hostilité aux réformes sociétales, dénonciation de l’islamisme comme un totalitarisme). Comme Donald Trump, on a senti son parti hésitant à le soutenir. Le président américain a en fait été une cible permanente des médias depuis son élection en 2016. Il en aurait été de même de François Fillon, il en sera de même de tout candidat de droite élu à l’avenir qui voudrait tenir une ligne de droite ! 

Pour ceux qui ont voté Marine Le Pen en 2017 - Donald Trump ayant réussi à rassembler la tendance « Fillon » et la tendance « Le Pen » des Républicains américains si je peux m’exprimer ainsi - il y a une leçon non moins évidente. Un candidat de droite est toujours considéré comme illégitime par les médias et la plus grande partie de l’establishment. Soit il donne des gages à la gauche, comme VGE, Chirac ou Sarkozy après leur élection. Soit il s’expose à une difficile installation au pouvoir, à laquelle il n’est pas préparé. Si le cas improbable de l’élection de Marine Le Pen s’était réalisé en 2017, on imagine facilement le scénario qui aurait pu la déstabiliser: l’organisation d’émeutes dans les banlieues, le maintien au pouvoir au-delà du terme du mandat de François Hollande au nom de la protection des institutions etc... Nul ne sait comment les choses tourneront si le respect de l’état de droit donne la victoire à Trump dans quelques semaines. 

En tout cas, la droite n’est jamais assez préparée ni assez solidaire. Je frémis quand je vois le calcul de ces Républicains américains qui se disent qu’on pourrait bien faire un compromis avec les Démocrates, lâcher Trump et s’appuyer sur la perspective d’une majorité au Sénat et à la Cour suprême. D’abord, la majorité au Sénat n’est pas assurée (deux élections sénatoriales sont contestées par les Démocrates devant la justice et, en cas d’égalité entre Démocrates et Républicains, ce serait la voix de Kamala Harris vice-présidente qui serait prépondérante). Ensuite, parce que les Démocrates ne feront, s’ils peuvent s’en passer, aucun compromis dans l’exercice du pouvoir. Enfin, parce que l’on peut sérieusement se demander si le parti républicain américain saurait faire vivre le trumpisme après Trump si la trajectoire de ce dernier devait être brutalement interrompue. 

2. Le trumpisme, ce conservatisme républicain populaire

La droite française a souvent fait la fine bouche concernant Trump. Je ne parle pas tant de ces responsables LR qui se sont empressés, samedi, de féliciter un Joe Biden auto-proclamé président. Mais de tous les conservateurs qui hésitent à soutenir un homme qui nous paraît si éloigné de notre façon de faire de la politique. Et pourtant: quel extraordinaire bilan que celui du mandat de Donald Trump ! Le président américain apporte la preuve que l’on peut réaliser énormément en très peu de temps. Il nous dit ce qu’aurait pu être le mandat de Nicolas Sarkozy si celui-ci avait accepté d’être jusqu’au bout le mal-aimé de l’establishment. Trump a interrompu l’immigration illégale en construisant la frontière renforcée avec le Mexique (réalisée à 60%). Il a interdit l’immigration aux pays abritant potentiellement des terroristes islamistes. Il avait ramené le chômage à moins de 4% avant la crise du COVID et a réussi à le faire redescendre à nouveau à 6% depuis la la crise du COVID. Le niveau de vie des Noirs et des Hispaniques n’avait jamais autant progressé. En général, une partie de la richesse a été redistribuée vers les classes populaires - l’étude de la Trumponomics ne fait que commencer. 600 000 emplois industriels ont été relocalisés, en particulier grâce à une fiscalité favorable pour les entreprises. Le président américain a tenu parole en matière de renégociations des accords commerciaux. Il a aussi développé une politique étrangère cohérente. Il est le président qui a le plus soutenu Israël - plus encore que Reagan. Il a inversé le rapport de force avec la Chine. Plus généralement, en forçant ses alliés européens a dépenser plus pour leur défense, en esquissant une relation plus étroite avec l’Inde, il a posé les bases d’une alliance des démocraties renouvelée. Sur le plan dit sociétal, Trump a été le président le plus « pro-vie » de l’histoire américaine. Il s’est attaqué au coeur du système qui verrouillait le pouvoir progressiste en faisant nommer 300 juges d’option conservatrice. 

On peut difficilement imaginer un président qui réalise autant en si peu de temps. Ce n’est pas seulement l’efficacité de l’entrepreneur qui s’est révélée. C’est aussi le courage de celui qui avait promis de mettre fin au verrouillage du système par l’alliance des néo-conservateurs et des progressistes. Il faut se rendre compte de ce que signifie une participation de 67% d’Américains au vote ! Trump a réveillé les Démocrates comme les Républicains. Il avait promis d’être le candidat du peuple et il a réussi ce que David Goodhart, dans « The Road to Somewhere » appelle le « pacte conservateur », entre une partie des élites et les classes populaires. Le parti républicain, que la politique étrangère de Bush avait profondément démoralisé, est redevenu une force politique enracinée dans la société. Je propose d’appeler « conservatisme républicain populaire » le trumpisme. Il est certain qu’il peut faire école en France. 

3. La démocratie est le meilleur levier pour la droite

Ce n’est pas seulement le taux de participation qui est en jeu. Donald Trump a cruellement démasqué l’indifférence à la démocratie... des Démocrates. D’abord à son corps défendant: aucun président n’aura été autant la cible de déstabilisations permanentes par ses adversaires politiques. Et beaucoup espèrent que l’élection présidentielle de 2020 lui sera fatale.  Mais le prétendu Russiagate, l’impeachment qui a fait pschitt, comme aurait dit un président français et toutes les autres attaques sont bien connues. Le sujet important est ailleurs. Comment Donald Trump a-t-il gagné en 2016, contre tous les pronostics? En assumant une campagne en partie populiste. Comment a-t-il réussi à rassembler 70 millions d’Américains en 2020? En refusant de tomber dans le piège de la racialisation du débat par les Démocrates. L’une des grandes leçons du scrutin, c’est le fait que 20% des électeurs noirs et 45% des électeurs hispaniques ont voté Trump. Ce président républicain a assumé le fait que le vrai clivage d’aujourd’hui est social, non « racial ». Il a su donner une voix à l’immense centre géographique américain, situé entre ces deux côtes où l’on vote majoritairement démocrate. Pour parler dans les termes de Christophe Guilluy, il a réussi à constituer une coalition issue de l’Amérique socialement périphérique et des élites républicaines. 

Lorsque la droite française se demande comment elle pourra se construire une majorité électorale, elle peut comprendre, en regardant l’exemple de Trump, qu’il ne s’agit pas seulement d’union des droites. Il s’agit de donner à la « droite d’en haut » la capacité à toucher le coeur de ces catégories populaires souvent de »venues abstentionnistes ou révoltées. Trump est un président qui est allé chercher un par un les cousins américains des « Gilets Jaunes » en 2016, pour en faire une coalition politique; qui a réalisé le programme économique qu’il leur avait promis. Et qui, en 2020, a réveillé, grâce à cela le débat politique américain dans des proportions qu’il n’avait plus connues depuis la défaite des populistes et de leur échec à défendre l’étalon-argent à la fin du XIXè siècle.  

En fait, Donald Trump a rappelé à la droite ce que les conservateurs du XIXè siècle (Bismarck, Disraeli) et que le Général de Gaulle a réalisé pendant une décennie au XXè siècle savaient bien: la seule manière de casser le verrouillage du pouvoir par les progressistes est de faire appel au peuple. Mais cela ne peut marcher que si ce peuple voit ses intérêts défendus par des chefs bien organisés. C’est tout le défi qui attend le parti républicain aujourd’hui: saura-t-il aider Donald Trump a faire valoir son bon droit face à la fraude électorale pratiquée par les Démocrates? Saurait-il survivre politiquement à une défaite de Donald Trump. Le défi est énorme pour les Républicains américains à l’heure où nous écrivons. Et nous autres conservateurs français ne pouvons pas rester indifférents à ce qui se joue de l’autre côté de l’Atlantique. 

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