Post Brexit : Les OGM, ce conflit en préparation que personne n’attendait entre le Royaume-Uni et l’UE<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre britannique Boris Johnson lors d'une visite de la société QuantuMDx Biotechnology.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson lors d'une visite de la société QuantuMDx Biotechnology.
©IAN FORSYTH / POOL / AFP

Deuxième effet kiss cool

Grâce au Brexit, les entreprises de biotechnologie britanniques seront libérées de certaines règles contraignantes de l’UE. D'après Science Magazine, l’assouplissement des règles permettant à l’industrie des biotechnologies de tester et de commercialiser plus facilement des cultures génétiquement modifiées devrait être annoncé et confirmé la semaine prochaine au Royaume-Uni.

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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Atlantico : Selon le Science Magazine, l’assouplissement des règles permettant à l’industrie des biotechnologies de tester et de commercialiser plus facilement des cultures génétiquement modifiées sera annoncé la semaine prochaine au gouvernement britannique. Ouvrons-nous la boîte de Pandore biologique ? Quels risques pour l’environnement et les pays voisins (de l’UE) sont associés à des éditions de gène d’espèces végétales ?

Marcel Kuntz : Toute la réglementation européenne cible la méthode d'obtention et non les propriétés de la plante. La législation date de 1990. A l'époque, c'est la transgénèse qui était ciblée. L'OGM est une catégorie juridique : la directive explique ce qui dans la loi est considéré comme un OGM, ce qui ne l'est pas, ce qui l'est mais est dispensé des obligations réglementaires... A partir du moment où vous tombez dans cette catégorie juridique parce que vous utilisez la transgénèse, vous êtes soumis à toutes ces obligations. Cette forte réglementation est en partie à l’origine d’une forte opposition politique et d’une diabolisation de la technique, principalement pour des raisons uniquement idéologiques.

Aujourd’hui avec les nouvelles technologies (gene editing), c'est un peu le même problème qui se pose. Dès lors que vous utilisez cet outil, vous tombez dans le gouffre réglementaire qui coûte très cher. Au final, ce ne sont pas les propriétés qui vont définir le niveau d'évaluation des risques alors que celui peut être très différent selon les produits. 

Selon moi ce n'est pas la méthode d'obtention qui est cruciale, ce sont les propriétés. Ces propriétés peuvent être obtenues par différents outils mais seulement quelques-uns sont réglementés en Europe. On peut très bien utiliser une méthode plus ancienne, non réglementée, mais qui obtiendra les mêmes propriétés et donc la balance risques/bénéfices va être exactement la même. Au Canada, c'est le caractère génétique que l'on examine.

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L’abaissement des exigences et des examens préalables avant tout essai sur le terrain rendra-t-il les biotechnologies plus attractives sur un plan commercial au Royaume-Uni ? Quel effet pour la concurrence et la recherche en Europe ?

Le poids réglementaire sur l'évaluation du risque environnemental ou sanitaire a un coût faramineux. Aux Etats-Unis, le producteur envoie aux autorités les propriétés de sa variété et la façon avec laquelle il l’a obtenue pour demander s’il doit une évaluation complète ou pas. Si la réponse est non car la variété ne représente pas des risques majeurs, pas besoin d'aller plus loin. Si c'est oui, il devra dépenser de l'argent dans l'évaluation des risques. Mais ça n'est pas systématique, on ne sort pas automatiquement la grosse artillerie réglementaire comme en Europe.

Côté anglais, ce sera forcément plus encourageant pour les laboratoires qu'ils soient publics ou privés. On a bien vu aux Etats-Unis un boom suite à la mise en place de cette réglementation simplifiée. Le processus est tout simplement plus rentable. Par contre, les Anglais pourront difficilement exporter vers l'UE car la règle européenne s'appliquera. Et si le marché apparaît fermé, ce sera peu encourageant pour les producteurs.

Atlantico : Sommes-nous face à un potentiel conflit entre la Grande Bretagne et l’UE ?

Marcel Kuntz : Je ne pense pas qu'il y aura de conflits d'ampleur. C'est un peu ce qu'il pourrait y avoir comme les conflits États-Unis et Europe, les règles sont claires de part et d'autre. Si l'agriculteur britannique produit, par exemple, une huile modifiée, ils savent très bien que s’ils veulent l'exporter dans l'Union européenne, ils n'ont pas l'autorisation de le faire, et ils le prendront en compte.

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De toute évidence, l'Europe ne pourra pas s'ingérer dans la façon dont l'environnement est géré en Grande Bretagne. Et là encore, ne perçois pas de danger immédiat pour l'écosystème Européen, une diffusion des espèces OGM est assez peu probable à moins d'exporter volontairement les graines génétiquement modifiées, ce qui n'a pas de raison d'arriver. On a des variétés qui ne sont pas biotechnologiques et qui existent déjà, je prends l'exemple du maïs, dont les variétés cultivées ne sont pas les mêmes en Allemagne, en France ou en Espagne. Ces variétés ne se sont jamais diffusées d'un pays à l'autre, pour ça, il faudrait que des graines se soit échappées du camion qui les transporte, et cela engagerait la responsabilité de la société qui les importe.

Le principal frein, aujourd'hui, c'est d'avoir l'autorisation de mise sur le marché. Si vous avez une huile qui n'est pas classée OGM, à ce moment-là vous pourrez la vendre sans aucune évaluation des risques, très facilement. Mais dès lors qu'elle tombe dans le "gouffre" OGM, vous serez obligé pour avoir une autorisation avant de la mettre sur le marché, et à effectuer l'évaluation des risques.

Atlantico : Dans le contexte politique actuel du Royaume-Uni,  la revanche sur le Brexit que nourrissent certains politiciens l'emportera-t-elle sur les considérations environnementales ?

Marcel Kuntz : Revanche du Brexit, ou blocage au niveau Européen de la politique OGM du Royaume-Uni ? Si les pays Européens empêchent la mise sur le marché des produits génétiquement modifiés et les exportations vers L'UE.

Comme je l'expliquais, il n'y a aucun produit (OGM) qui a été autorisé pour la culture en Europe, donc si les anglais développent une variété, elle ne sera pas produite en Europe. Jamais le parlement Européen donnera son aval pour l'autorisation de mise en culture.

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Après nous aurons peut-être un blocage à l'exportation du produit final. Revanche ? Peut-être. Plus encore : l'idéologie précautionniste Européenne, la maîtrise du risque prime sur les bénéfices.

Si vous êtes une puissance économique, vous n'allez pas vous bloquer sur des risques imaginaires, vous verrez les bénéfices à tirer en faisant la part des choses. Aujourd’hui, la Chine et les États-Unis sont dans ces logiques de puissance, le Royaume-Uni quitte l'UE dans cette logique de restauration de leur puissance propre.

Il ne faut pas se laisser obnubilé par les risques et il faut pondérer les bénéfices pour l'économie et la recherche. L'Union Européenne n'est pas une entité basée sur la puissance, c'est même le contraire, elle est là pour apaiser les tensions. Pour leur affichage de vertu, l'UE met le paquet sur les risques même s’il faut en inventer. Il faut absolument afficher qu'ils n'auront pris aucun risque pour l'environnement ! Aucun risque pour le consommateur ! Et au final, il n'y a pas de bénéfices, et ils s'en moquent, leur logique n'est pas économique.

La vision philosophique et juridictionnelle est totalement dissonante, et ici, effectivement, l'UE risque de bloquer le genome editing par idéologie.

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