Popularité : Macron-Jupiter bientôt enchaîné ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Popularité : Macron-Jupiter bientôt enchaîné ?
©Elysee

Titan

Le 24 mai dernier, quinze jours après l’élection d’Emmanuel Macron, nous nous demandions dans l’un de nos billets s’il pourrait échapper à la « passion triste » des Français pour l’impopularité de leurs élites et dirigeants politiques. Nous observions alors que « six mois après leurs élections, François Hollande et Nicolas Sarkozy n’obtenaient plus que 44% et 55% de popularité respectivement ».

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

Voir la bio »

La séquence qui s’est ouverte pour Emmanuel Macron, dans la foulée de son discours devant le Congrès réuni à Versailles semble progressivement installer les premiers éléments de cette « passion triste ». Des signes, qui pour le moment ne sont que des signaux faibles, traduisent ce que les spécialistes de l’analyse des cotes de popularité connaissent bien : l’installation des premiers doutes.

On peut se demander si les premières difficultés que rencontre Emmanuel Macron dans l’Opinion s’expliquent par un élément déclencheur en particulier. Beaucoup d’observateurs ont attribué à la courte crise avec le chef d’Etat-major des armées un rôle. Mais cette crise au sommet n’est sans doute pas l’élément déclencheur des premières difficultés qui apparaissent à la base.

L’élément déclencheur est à rechercher du côté du début de la séquence : la succession en quelques jours du discours du président devant le Congrès réuni à Versailles (3 juillet), de celui de son Premier ministre (4 juillet) et d’une communication qui dans les heures qui ont suivi a laissé un sentiment de flou.

L’écart relatif entre le discours très général et axé sur la modernisation de notre vie politique du président et le discours plus précis mais dramatisant du Premier ministre, annonçant que les temps sont durs et qu’il faut serrer les boulons des dépenses publiques, suivi quelques heures plus tard d’une confirmation que des mesures comme la réforme de l’ISF et celle de la taxe d’habitation seraient bien mises en œuvre dès 2018, a laissé une impression d’impréparation alors même qu’Emmanuel Macron était encore à Bercy un an avant…

L’annonce ultérieure d’une baisse modeste mais significative de l’APL portant sur tous les étudiants (alors que seuls ceux qui avaient du patrimoine ou du capital auraient été touchés par la réforme qui était en cours) ne pouvait que renforcer les premiers doutes : si nous en sommes à ce point-là, alors pourquoi exonérer massivement de la taxe d’habitation puisque l’Etat devra, évidemment, compenser cette importante perte de recettes des mairies ?

Et pourquoi réformer l’ISF et créer une « flat tax » à la française ? On voit ici comment la dynamique négative de l’impopularité pourrait éventuellement se mettre en route. Dans un premier temps, ce n’est pas vraiment d’impopularité que l’on doit parler, mais plutôt d’incompréhensions qui peuvent à brève échéance venir nourrir la spirale de l’impopularité et son mécanisme fatal, celui de la rupture de confiance. 

Cette séquence nous rappelle en fait que l’élection présidentielle est simplement venue euphémiser la mécanique fatale de la « passion triste » pour l’impopularité, et ne l’a pas fait disparaître. Dans un magnifique livre fort savant paru aux Etats-Unis, deux politistes américains, Chris. Achen et Larry Bartels (Democracy for Realists: Why Elections Do Not Produce Responsive Government, 2016) nous encouragent d’ailleurs à tourner le dos à l’un des grands mythes politiques : selon eux, les électeurs ne se décident pas d'abord sur la base d'un jugement sur les politiques suivies ou promises mais sur la base du jugement qu'ils se forment sur les candidats, leurs récits et sur la façon dont ils sont délivrés.

Et c’est bien là que vient ou peut venir se nicher la spirale diabolique des incompréhensions et de la rupture de la confiance : des segments entiers de l’électorat n’ont pas voté pour Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle ; or le premier tour, c’est bien celui de la « vérité des prix ».

Nos dirigeants, y compris les plus conscients des imperfections de notre système politique comme l’est sans doute Emmanuel Macron, ont tendance à se laisser bercer de l’illusion qu’une majorité a choisi leur programme au second tour : mais peut-on sérieusement penser que les 2/3 des Français adhèrent aux mesures annoncées le 4 juillet ?

On ne peut donc que s’attendre à voir les incompréhensions se développer et notamment dans certains segments de l’électorat. Il ne faudrait pas que Jupiter s’endorme sur ses lauriers car il risquerait à son réveil d’être enchaîné, comme Gulliver…

Rendez-vous cet automne…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !