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"Toutes les civilisations ne se valent pas" : retour sur les petites phrases de la présidentielle qui resteront...
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Un choc des civilisations ?

Du fédérateur "Yes, we can", formulé par Barack Obama, au visionnaire "rideau de fer" annoncé par Winston Churchill, Eric Keslassy vous propose de faire le tour des citations politiques les plus marquantes de ces 150 dernières années. "Citations politiques expliquées" offre ici un petit détour par la campagne présidentielle française (Extrait 2/2).

Eric Keslassy

Eric Keslassy

Eric Keslassy est politiste et sociologue. Il enseigne à Sciences Po Lille.

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"Une gauche molle"

Martine Aubry, 5 octobre 2011

Le « coup de tonnerre » venu de New York empêche Dominique Strauss-Kahn de se présenter à la primaire organisée par le Parti socialiste. Compte tenu du « pacte » qui existe entre eux, il semble logique que Martine Aubry prenne le relais. Apparemment hésitante, la première secrétaire du PS est perçue comme une candidate de substitution. Le nouveau favori des sondages, François Hollande, n’hésite d’ailleurs pas à en jouer le 15 septembre 2011, lors du premier débat télévisé de la primaire : « J’avais pris ma décision avant » le retrait de DSK, rappelle-t-il.

En retard dans les intentions de vote, Aubry se doit d’être plus offensive. Lors du troisième débat télévisé, le 5 octobre, elle durcit le ton : « Ma conviction profonde c’est qu’on ne pourra battre une droite dure (…) si on est une gauche molle. » L’attaque est à peine voilée. Sans être cité, Hollande est directement visé. L’expression « gauche molle » désigne l’homme des compromis, celui qui préfère accompagner le système plutôt que de le « changer ». Celui aussi qui a toujours privilégié la synthèse lorsqu’il était à la tête du PS, qui refusait de trancher dans le vif au risque de passer pour un indécis. Les deux adversaires n’ont pas les mêmes impératifs : Hollande, qui souhaite ne pas perdre son avance, fait mine de ne pas comprendre et déclare qu’il faut avant tout une « bonne gauche » – c’est-à-dire une gauche « efficace ». Le premier tour livre son verdict le 9 octobre : Hollande (39,7 %) devance Aubry (30,42 %). Le débat diffusé le 12 octobre par France 2 permet à Hollande de trouver la parade : « Je ne veux pas d’une gauche sectaire », assène-t-il. Le coup est rude pour celle qui passe pour être très rigide. Dès le lendemain, Aubry réfute l’accusation de sectarisme et précise n’avoir pas « aimé » qu’un homme de gauche « reprenne les mots de la droite ». Et de porter une nouvelle attaque en reprochant à son concurrent d’avoir esquivé ses demandes d’éclaircissements. « Ma grand-mère disait : “Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.” » Aubry est assez largement battue (43,43 %) et elle a indiscutablement offert des munitions précieuses à la droite…

"Toutes les civilisations ne se valent pas"

Claude Guéant, 4 février 2012

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », explique Nicolas Sarkozy, à Dakar, le 26 juillet 2007.

Cette affirmation déclenche une immense polémique : certains dirigeants africains l’approuvent alors qu’elle apparaît, aux yeux du plus grand nombre, comme une forme moderne de racisme, ou au moins comme une nouvelle approche néo-colonialiste. Presque cinq ans plus tard, le ministre de l’Intérieur braque à nouveau les projecteurs sur cette question, suscitant à son tour de très vives critiques. Le 4 février 2012, à l’Assemblée nationale, au cours d’un colloque organisé par l’UNI (Union nationale inter-universitaire) – l’association étudiante liée à l’UMP –, Claude Guéant avance en effet que « toutes les civilisations ne se valent pas » tout en précisant qu’il convient de « protéger notre civilisation ».

En voulant dénoncer « l’idéologie relativiste de gauche », son propos tombe clairement du côté de l’ethnocentrisme défini par Claude Lévi- Strauss (considérer que son système de valeurs est supérieur à celui des autres). Pourtant, le ministre de l’Intérieur maintient ses propos et refuse de s’excuser. Il est soutenu assez fermement par l’UMP – même si certaines figures de la majorité regrettent l’emploi du mot « civilisation ». L’opposition, elle, se montre scandalisée : le 7 février, lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, le député apparenté PS de la Martinique Serge Letchimy joue lui aussi la provocation en expliquant que Guéant épouse « l’idéologie européenne qui a donné naissance aux camps de concentration » et en évoquant le « régime nazi ». Le piège s’est refermé ! Non seulement l’appel aux électeurs du Front national a été parfaitement entendu mais la polémique permet de faire disparaître le débat sur les questions économiques et financières – sur lesquelles les politiques savent avoir de moins en moins de prise. Pendant plusieurs jours, la campagne présidentielle est occupée par cet « échange » autour du prétendu « choc des civilisations ». Et pendant ce temps, les « vrais » problèmes peuvent être laissés de côté. L’opération électoraliste et politique a parfaitement fonctionné…

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Extrait de Citations politiques expliquées - Eyrolles (20 avril 2012)

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