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PLF 2020 : Macron en voie de Hollandisation accélérée
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Hollandisation ?

Retour vers L'ancien monde pour Emmanuel Macron. Rien ne peut le dire plus clairement qu’un budget et celui qui se profile pour 2020 nous enferre inéluctablement dans la spirale « dépenses impôts dette » si caractéristique de l’exception française !

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2020 sera présenté en Conseil des Ministres le 25 septembre prochain. J’aurai certainement l’occasion d’en reparler lorsqu’il sera officiellement dévoilé, mais ce ne sera jamais que pour préciser des chiffres dont on sait déjà qu’ils consistent à enterrer définitivement tous les engagements de campagne du candidat Macron qui auraient pu avoir un effet structurel appréciable alors que la conjoncture économique mondiale s’annonce morose.

D’après les éléments de langage du gouvernement, il semblerait que la France vienne de vivre un « Acte I » du quinquennat qui aurait été marqué par une ébouriffante « libéralisation » des forces vives de la nation. Mais j’ai beau chercher, je ne trouve que la fin des recrutements de la SNCF au statut de cheminot à partir de 2020 pour donner un semblant de consistance à cette assertion. Et encore faut-il remarquer que c’est uniquement sous la pression de l’ouverture du transport ferroviaire de passagers à la concurrence en 2021 que la France s’est enfin résolue à pareille extrémité.

Oh bien sûr, mes contradicteurs me citent le code du travail, les réformes du chômage et de la formation, et maintenant la réforme des retraites. Il est vrai que ces sujets occupent fréquemment les unes de nos journaux et provoquent même un certain nombre d’éruptions syndicales.

Mais de là à parler de réformes structurelles… Les retraites sont typiques du mode d’action du gouvernement : se saisir d’un sujet en fanfaronnant d’avance qu’on va voir ce qu’on va voir, modifier deux-trois paramètres pour dégager quelques marges de manoeuvre budgétaires à court terme, rajouter 1/8 de trimestre par-ci, mettre un bonus-malus par-là, et se dépêcher de passer à autre chose. Autant dire rien.

De son côté, le gouvernement assure que toutes ces réformes, ainsi que de nombreuses autres (logement, audiovisuel…) sont lancées et qu’elles « permettent de réaliser d’importantes économies budgétaires » (Darmanin).

Il n’en demeure pas moins qu’il n’est plus du tout question de la fameuse « Action publique 2022 » qui devait permettre à l’État central -les comptes publics se décomposent en 3 parties : l’État central et ses agences (tableau cité), les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale- de faire des coupes aussi fabuleuses que pifométriques dans ses dépenses.

À ce sujet, je résiste difficilement au plaisir un peu narquois de remettre ci-contre l’incroyable tableau qui figurait dans le premier budget de l’ère Macron (PLF 2018).

Selon les quelques éléments déjà divulgués, les dépenses pilotables de l’État seraient de 268 milliards d’euros dans le PLF 2020 et non 260 milliards comme annoncé au début du quinquennat grâce à ces miraculeux 4,5 milliards d’économie si opportunément déduits dans la colonne 2020 (cercle rouge de mon fait).

Dans les faits, alors que les perspectives de croissance ont été ramenées de 1,7 % à 1,4 % pour 2019 et 2020, toutes les grandeurs des comptes publics dérapent et tous les engagements pris sont reportés, rappelant irrésistiblement la promesse repoussée d’année en année de François Hollande de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB. Elu en 2012, il s’y engageait dès 2013, puis en 2015, puis en 2017.

C’est ainsi qu’en 2017, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin faisaient la judicieuse constatation suivante :

"Si la dépense publique était la réponse à tout, nous devrions donc avoir le chômage le plus bas et le taux de croissance le plus élevé en Europe. Nous en sommes loin (…)".

On ne peut qu’applaudir. On connait en effet les 3 graphiques de la France qui tombe : dépenses publiques, prélèvements obligatoires, chômage – la France est au top ou presque dans les trois dimensions. Comme c’est bizarre !

Darmanin et Le Maire proposaient donc la trajectoire suivante « de redressement » des comptes publics (toujours dans le PLF 2018) :

Si le déficit public (première ligne du tableau) s’est fixé à 2,8 % et 2,5 % pour 2017 et 2018, et s’il devrait se situer à 3,1 ou 3,2 % pour l’année 2019 en cours, ce qui ne semble pas trop divergent des 3 % prévus initialement, il faut savoir que dans le PLF 2019 (élaboré en septembre 2018), il était budgété à 2,8 %.

Mais la séquence Gilets jaunes a changé tout cela, et continue à changer tout cela.

Les 1,5 % de déficit inscrits ci-dessus pour 2020 sont définitivement caducs ; il faut plutôt tabler sur du 2,1 % – et encore faudrait-il que des économies « documentées » (comme dirait la Cour des Comptes) se concrétisent. Un mieux apparent par rapport à 2019, mais pas si spectaculaire que cela en raison du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (le CICE de Hollande) qui impacte les comptes 2019 du fait de sa transformation en réduction de charges. Sans cet effet, l’amélioration du déficit public entre 2019 et 2020 ne serait que de 0,1 point – pas de quoi pavoiser.

Conséquence directe, la dette publique ne prend pas du tout la direction de tomber à 91,4 % du PIB en 2022 (sachant de toute façon que selon le Pacte de stabilité de l’Union européenne, elle ne devrait pas dépasser 60 %). A fin 2018, elle s’est établie à 98,4 % du PIB et au premier trimestre 2019 elle a atteint 99,6 %.

Elle en prend d’autant moins la direction qu’une nouvelle façon de voir la dette est en train de faire son chemin dans les esprits ministériels. Finie, l’idée, même ténue, de « tenir » les comptes ; envolées, les belles paroles ci-dessus. La dépense publique volontariste dans le droit fil de Keynes et de Roosevelt revient en force sous le nom de modern monetary theory (MMT) ou « nouvelle politique monétaire ». Popularisée aux États-Unis par la conseillère économique de Bernie Sanders (démocrate d’extrême-gauche), elle a trouvé chez nous un relais qui fait autorité en la personne de l’ancien chef économiste du FMI Olivier Blanchard.

Pour lui, et pour le gouvernement qui l’admet volontiers, la période de taux bas que nous connaissons aujourd’hui – environ 0 % pour les emprunts à 10 ans – est le moment idéal pour s’endetter. Si l’État doit faire des économies, voilà un beau filon : la charge des intérêts de la dette est devenue très faible par rapport aux périodes antérieures. C’est fou, toutes ces charges en moins si on s’endette plus !

Sauf que tout ceci se retrouvera un jour dans les impôts des Français et que le moindre retournement des taux d’intérêt placera inéluctablement la France face à un risque de faillite élevé – comme la Cour des Comptes le rappelle assez souvent, sans parvenir à se faire entendre.

Mais peu importe à qui ne veut pas entendre. La MMT tombe à merveille alors qu’Emmanuel Macron s’évertue depuis le Grand débat post-Gilets jaunes à mettre en selle un « Acte II » du quinquennat articulé autour de l’idée qu’après avoir « libéré » les énergies, il faut maintenant « protéger ». Une idée qui avait émergé dans les rangs gouvernementaux dès le début de 2018, c’est-à-dire avant même qu’elle ne devienne indispensable face à la colère des Gilets jaunes. Et qui est en outre censée propulser le Président tout en douceur vers un second mandat.

On assiste donc sans surprise à l’abandon progressif de toutes les mesures structurelles avancées par Emmanuel Macron lorsqu’il était en campagne pour faire entrer la France dans un nouveau monde soi-disant très différent de l’ancien monde porté par son prédécesseur François Hollande :

· Au dernières nouvelles, l’objectif – modeste – de baisse des effectifs de la fonction publique de 120 000 agents sur le quinquennat est abandonné. On se rappelle que dans la presse, cette baisse était qualifiée de « plan choc » pour « réduire comme promis les dépenses publiques ». Eh bien, c’en est fini du plan choc et pour la baisse des dépenses publiques qui avait été annoncée par Macron à 60 milliards d’euros lors de la campagne présidentielle, on repassera.

· De même, la promesse de faire tomber le taux d’impôt sur les sociétés à 25 % (moyenne européenne) à la fin du quinquennat au lieu des 33,3 % en vigueur au début a été complètement bousculée (dans la loi sur la taxe GAFA) : le taux à 33,3 % continue à s’appliquer en 2019 et passera à 31 % en 2020 au lieu des 28 % programmés en début de quinquennat.

« Protéger » a un coût… Il apparaît donc que les entreprises et la dette seront mises à contribution, comme souvent. Penser que ceci permettra de dynamiser la création de richesse, donc l’emploi et le pouvoir d’achat, donc l’autonomie des personnes, est une vue de l’esprit.

C’est néanmoins au nom du « pouvoir d’achat » et au nom des « promesses tenues » que LREM est en train de concocter ce budget dont les contorsions ne sont pas sans rappeler l’époque Sapin Hollande. Une époque où les budgets brillaient par leur « sérieux » très particulier…

C’est presque désespérant. Mais pour beaucoup de Français, ce n’est pas encore assez… Ça promet.

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