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PLF 2019 : ce que risque le gouvernement (et les contribuables) si les perspectives de croissance étaient encore trop optimistes
©ERIC PIERMONT / AFP

Modération

Alors que le gouvernement vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour 2018, à 1.7%, certains économistes, comme Philippe Waechter, tablent sur un chiffre plus modéré : "Les données publiées ne suggèrent pas une réaccélération de l’activité au 3ème trimestre à 0.4% comme le suggère la banque de France. Je reste calé sur 1.5% de croissance en 2018, ce qui avec une croissance de 0.35% par trimestre en 2019 donnerait une croissance annuelle moyenne de 1.4%"

François Ecalle

François Ecalle

François Ecalle est ancien rapporteur général du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ;  ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, Président de FIPECO et fondateur du site www.fipeco.fr sur les finances publiques.

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Atlantico : Dans le cas de la confirmation d'un tel chiffre d'une croissance de 1.4%, en lieu et place du 1.7% anticipé par le gouvernement, faudrait-il s'attendre à une progression de la fiscalité pour compenser les pertes de rentrées fiscales induites par une telle révision ? 

François Ecalle : Je pense d’abord que Philippe Waechter est un peu pessimiste et qu’une croissance de 1,7 % en 2018, comme le prévoyait l’Insee en juin, est possible. Il y a eu un trou d’air au premier semestre mais les indicateurs conjoncturels ne sont pas mauvais et un rebond devrait avoir lieu au deuxième semestre. Il devrait aussi nous permettre d’envisager une croissance du même ordre (1,7 %) en 2019, sous réserve bien entendu que l’environnement international ne se dégrade pas trop alors que les risques (guerre commerciale, Brexit, politique italienne…) sont nombreux.

En tout état de cause, la croissance sera inférieure aux prévisions présentées par le Gouvernement en juillet dernier (2,0 % en 2018 et 1,9 % en 2019) lors du débat parlementaire d’orientation des finances publiques, prévisions qui conduisaient à un déficit public égal à 2,3 % du PIB en 2018 et en 2019. Le Gouvernement a lui-même admis que ces prévisions seront révisées à la baisse, sans doute en effet à 1,7 %.

En moyenne et à législation constante, la croissance des recettes publiques est à peu près égale à celle du PIB. Si celle-ci est, par exemple, inférieure de 0,4 % aux prévisions, les recettes sont également inférieures d’environ 0,4 %, ce qui représente presque 0,2 point de PIB puisque les prélèvements obligatoires font presque la moitié du PIB. Les dépenses publiques sont relativement indépendantes à court terme de la croissance, seules les allocations de chômage y étant significativement sensibles.

Au total, même si on retient les prévisions de Ph. Waechter, le déficit public pourrait être majoré de 0,25 point en 2018 puis de 0,25 point supplémentaire en 2019 par rapport aux prévisions du Gouvernement de juillet dernier. Ce pourrait être un peu moins car l’inflation est elle aussi plus forte que prévu et une inflation plus forte accroît les recettes fiscales, la TVA notamment. Il faut certes ajouter chaque année 0,1 point de déficit, en raison du classement de SNCF Réseau dans les administrations publiques annoncé au début du mois par l’Insee. Mais on devrait ainsi flirter avec la limite de 3,0 % du PIB en 2018 et 2019 sans la dépasser, à condition que les objectifs de dépenses du Gouvernement soient respectés.

Dans ces conditions, il ne sera pas nécessaire d’augmenter la fiscalité et je ne pense pas que ce sera le cas. Des modifications du calendrier de certaines réformes ont déjà été annoncées (allègements de cotisations patronales sur les bas salaires et exonération de cotisations salariales sur la rémunération des heures supplémentaire) mais elles jouent dans des sens opposés (recul pour la première et avancée pour la deuxième) et leur ampleur est limitée.

Si certains gouvernements ont pu faire le choix de creuser les déficits dans de telles circonstances de révision à la baisse des chiffres de la croissance, Emmanuel Macron ne semble pas prêt à "sortir des clous" européens en la matière. Quelles pourraient être les pistes les plus évidentes à suivre pour le gouvernement pour trouver le "manque à gagner" ? 

Le déficit public est un indicateur important mais il faut s’en méfier. En effet, il diminue mécaniquement, sans aucun effort, dans les périodes de forte croissance et augmente tout aussi mécaniquement dans les périodes de ralentissement économique.

Il est économiquement plus pertinent de suivre l’évolution du « déficit structurel », c’est-à-dire le déficit corrigé des fluctuations conjoncturelles du PIB, même s’il est difficile de le mesurer précisément. C’est ce que nous imposent les règles budgétaires européennes

En effet, le déficit public comptable étant passé au-dessous du seuil de 3,0 % du PIB, nous sommes entrés dans le « volet préventif » des règes européennes qui nous oblige à réduire notre déficit structurel d’au moins 0,5 point de PIB chaque année jusqu’à atteindre un solde structurel nul. Dans le cadre de ce volet préventif, le déficit public comptable peut augmenter si la croissance ralentit, tant qu’il reste inférieur à 3,0 % du PIB, mais il faut que le déficit structurel diminue suffisamment.

Que le déficit public comptable revienne de 2,7 % du PIB en 2017 à 2,9 % en 2018 ou 2019 ne nous fera donc pas « sortir des clous » européens et ne pose pas de problème à cet égard. En revanche, nous allons être en dehors de ces clous parce que la réduction du déficit structurel prévu par le Gouvernement est trop faible (0,25 point par an sur 2018-2022 en moyenne). Il faudra que la Commission européenne interprète avec compréhension les éléments de « flexibilité » des règles budgétaires européennes, ce qu’elle sait très bien faire.

Pour réduire plus fortement le déficit structurel, il faudrait soit diminuer les dépenses publiques plus que prévu, mais il n’est pas sûr que le Gouvernement puisse tenir ses objectifs en la matière et ce n’est donc pas très réaliste, soit revenir sur des baisses d’impôts annoncées. La suppression de la taxe d’habitation sur les 20 % des ménages les plus riches, qui ne faisait pas partie des promesses de campagne, pourrait être financée par un autre prélèvement sur les revenus des mêmes ménages.

Quels sont les risques pour le gouvernement de se faire rattraper par la notion de "matraquage fiscal" ? 

Beaucoup de Français, et d’entreprises, considèrent qu’ils payent trop d’impôts, non sans raison puisque notre taux de prélèvement obligatoire est le deuxième de l’OCDE. Toutefois, même si on revient sur une mesure comme la suppression de la taxe d’habitation pour les plus aisés, les prélèvements obligatoires baisseront globalement pendant ce quinquennat. La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, l’exonération des cotisations salariales sur la rémunération des heures supplémentaires… compensent largement les hausses de la fiscalité indirecte (énergie et tabac notamment) et on ne reviendra pas sur ces réformes.

Si le Gouvernement n’est pas à l’abri de mouvements du type de celui des bonnets rouges, je ne crois pas à une révolte fiscale et, pour ma part, je lui reprocherais plutôt de mettre la charrue avant les bœufs en baissant les impôts avant d’avoir réduit les dépenses publiques.

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