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Plan vaccination : confions l’organisation aux experts de la gestion de crise
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Logique

Depuis près d'un an maintenant que la crise sanitaire a débuté, le gouvernement a accumulé les erreurs, les revirements, les échecs. Et le lancement de la vaccination contre la Covid-19 n'y déroge pas, il en est même peut-être l’exemple le plus édifiant.

Marion Pariset

Marion Pariset

Secrétaire générale du think-tank Le Millénaire, spécialisée en politiques publiques et portant un projet gaulliste et réformateur au service de la grandeur de la France

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Florian  Gérard-Mercier

Florian Gérard-Mercier

Directeur des études du Millénaire

 

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Jean-Pascal  Giraud

Jean-Pascal Giraud

Jean-Pascal Giraud est Directeur adjoint des études du Millénaire.

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Les conséquences de cet échec risquent d’ailleurs d’être telles que les Français vont à nouveau en payer le prix par des restrictions et des fermetures encore plus nombreuses, et risquent d’entacher si profondément le bilan d’Emmanuel Macron qu’il en ressortira (comme notre économie d’ailleurs) d’une fragilité extrême.

On ne revient pas sur les épisodes de communication mensongère concernant les masques inutiles voire néfastes, puis subitement indispensables et obligatoires, des débats alambiqués sur les tests PCR, antigéniques ou sérologiques, ou encore sur les potentiels traitements, le tout en dehors de tout cadre scientifique digne de ce nom. Malgré ce triste étalage tout au long de 2020, dès le début de cette année voici le retour en fanfare de la cacophonie des médecins experts en logistique et des politiques médecins à la place des médecins. L’ultracrépidarianisme, le fait de donner son avis sur des sujets à propos desquels on n'a pas de compétence crédible ou démontrée, est à nouveau roi.

Le ministère de la Santé a échoué à organiser une campagne de vaccination efficace.

Ainsi, tandis qu’Alain Fischer, le « Monsieur vaccin » du gouvernement, déclare à peine en poste son incompétence en matière logistique (ce qui malgré tout interroge sur le choix de sa nomination pour coordonner la stratégie vaccinale française…), le Dr Véran, ministre en activité, médecin, se charge, lui, de jouer la partition d'un logisticien en chef. Les canards en résultant ne manquent pas : les congélateurs, certifiés ou pas (plutôt pas, et trop tard), installés ou pas, et les mauvaises excuses concernant les explications des retards d’approvisionnement, les cafouillages sur les publics cibles prioritaires de la vaccination, etc. A la baguette de cet orchestre polypathétique, enfin, on trouve Jean Castex qui déclare le 3 décembre 2020 que la vaccination se fera « dans le cadre d'une logistique efficace » et un accès pour les publics prioritaires « dans des conditions de simplicité, de sécurité et de transparence ». Qu’en a-t-il été en pratique? Les Français auront eu le malheur de pouvoir en juger sur pièce.

Le plan de vaccination a d’abord été annoncé en cinq phases, puis en deux, pour finalement être déployé en trois phases. C'est la valse des phases. De « peut-être obligatoire », la vaccination passe à « obligatoirement facultative ». Et d'une urgence absolue on sombre dans une bureaucratie maladive, paralysée par le principe de précaution et inadaptée à la situation d’urgence, avec des partitions surchargées : un guide de la vaccination inutile de 25 pages et des consentements à remplir par deux fois à des jours d’intervalle, pour des personnes pourtant évidemment volontaires ! Il faut être clair : le gouvernement passe à côté de l'essentiel. Il faut vacciner rapidement (d’ici septembre 2021 en tous cas) plus de 40 millions de Français pour stopper définitivement l’épidémie de Covid, et pourtant le gouvernement a persisté à restreindre dans un premier temps la vaccination aux Ehpad, alors même que cette démarche alourdit la logistique. La vaccination de tous les plus de 75 ans aurait dû au contraire être enclenchée d’emblée, sans perdre de temps. Il y a eu confusion entre prudence et indécision.

Le plan de vaccination n’est pas à proprement parlé un sujet médical

Pour réussir cette tâche, deux conditions devaient être réunies. La première était la préparation. En effet, vacciner en masse ne s'improvise pas. Mais ce n'est pas inédit, et les compétences étaient là : les ministères de l'Agriculture (vaccinations des cheptels), de l'Intérieur (gestion des crises sur le territoire national) et des Armées (logistique des forces de défense) ont tous des compétences en la matière. Or, non seulement ils ne sont pas acteurs, puisque c’est le seul ministère de la Santé qui pilote, mais en plus on apprend que c'est le cabinet privé McKinsey (dont on peut douter de la pertinence en la matière) qui conseille et accompagne le ministère. Pourtant, l’Etat ne peut pas dire qu'il ne savait pas. Les vaccins étaient annoncés depuis longtemps. Pendant tout l'été 2020, il avait tout le temps de se préparer. Si « gouverner c’est prévoir », le gouvernement ne gouverne tout simplement pas : il navigue à vue, et conduit la France au naufrage.

La seconde condition était la coordination avec les collectivités territoriales pour un déploiement terrain cohérent, le « dernier kilomètre » de la logistique pour amener le vaccin à chaque Français. Sur ce point, alors que le gouvernement aurait dû se contenter de créer les conditions favorables au déploiement local harmonieux et rapide de la vaccination en organisant la logistique au niveau national entre les livraisons de vaccins et les circuits de distribution locaux préparés par les collectivités territoriales, il a souhaité contrôler toute la chaîne, et il a échoué.

Oui, l'orchestre gouvernemental joue donc faux. Il doit apprendre à déléguer aux bonnes personnes et aux bons échelons. Il doit mobiliser des experts (logisticiens, médecins, épidémiologistes, etc...) à travers l’ensemble des ministères afin de réunir toutes les compétences nécessaires. Sur le plan pratique, tout le personnel susceptible de vacciner doit être mobilisé, la logistique au niveau de l’Etat doit être confiée à l’armée, et toutes les procédures administratives doivent être simplifiées au maximum.

Notre gouvernement a séché les répétions de l’été dernier. Par orgueil ou par incompétence, il improvise totalement. Mais « quoiqu'il en coûte », il devra pourtant finir par exécuter sa partition « Allegro ! » pour sortir la France de la crise et pour que les Français puissent, de leur côté, enfin ressortir pour aller au concert ! 

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