Plan Juncker, la France doit revoir sa copie : ces investissements en infrastructures qui seraient vraiment utiles<!-- --> | Atlantico.fr
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La France avait présenté 32 projets, mais la majorité d'entre eux ont été jugés non conformes aux critères énoncés dans le plan établi par Juncker
La France avait présenté 32 projets, mais la majorité d'entre eux ont été jugés non conformes aux critères énoncés dans le plan établi par Juncker
©Reuters

A refaire !

Dans le cadre du plan d'investissement de 315 milliards d'euros lancé par la Commission européenne, la France avait présenté 32 projets, mais la majorité d'entre eux ont été jugés non conformes aux critères énoncés. Il faut repartir de zéro.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Retoquée !  La liste des 32 projets français supposés éligibles à la manne du plan Juncker a été retoquée.

Les trois critères de choix officiels étaient les suivants : un projet doit être viable sur le plan économique, convergent avec les priorités stratégiques de la Commission et montrer son "absence d'additionnalité". Autrement dit, le fait que le projet n'aurait pas été mené à bonne fin même sans l'aide européenne. On mesure immédiatement la difficulté de peser au trébuchet ce critère.

Pour l'analyste économique, ce trio de critères d'éligibilité au plan Juncker oblige à penser aux travaux de James Buchanan (Prix Nobel 1986) qui a démontré que l'énergie du personnel administratif vient de son appétence pour la détention du pouvoir.

Dans le cas présent, en respectant Monsieur Juncker, nul ne saurait nier qu'il a d'abord été (et reste probablement) un homme politique et non un super-technicien des choix publics. Décidément, l'Europe a des schémas de décision aussi complexes que les ornements du palais idéal du Facteur Cheval... ce qui nous place collectivement loin de l'idéal économique.

Toujours en termes d'analyse, deux questions demeurent à l'agenda : sur les 315 milliards programmés du plan Juncker, plus de 270 reposent sur un effet de levier et donc sur la confiance de co-partenaires. Où en est-on sur ce volet crucial ? Doit-on penser "pas de nouvelle, bonnes nouvelles" ? Rien n'est moins certain. Deuxième question : contrairement à ce qu'avaient espéré les autorités françaises, il s'avère que bien des projets feront l'objet de garanties et non de subventions européennes. Ainsi, nos finances publiques seront bien davantage mises à contribution que prévu, ce qui n'est pas un vent porteur pour certains projets.

En effet, il est clair que Paris est non seulement tétanisé mais congelé par le refus de la Commission qui vise le cœur des quelques 48 milliards de chiffrage des 32 projets sur la période 2015-2017.

Le plan de développement du numérique, y compris, dans les universités est sérieusement remis en cause ( 6 milliards ).

De même, le développement des infrastructures ferroviaires (LGV Lyon - Turin) et autres voient leurs financements remis en cause voire peut-être leurs calendriers.

Au total, que penser ?

D'évidence que nous n'avons pas été de bons pédagogues et que notre force de conviction n'a pas suscité l'adhésion de la Commission.

Deuxièmement, le Gouvernement avait tablé sur un point pertinent : présenter des projets dont le démarrage pouvait s'effectuer dès 2015 afin de soutenir notre croissance toujours comparativement faible.

Troisièmement, il va falloir revoir notre copie et être plus sélectif et combatif. Ainsi, il s'agira certainement de promouvoir les projets transversaux comme la rénovation thermique ou les interconnexions ferroviaires davantage que le soutien aux investissements dans les usines dites de nouvelle génération. (15 mds prévus...).

En fait, il y a eu un amalgame entre du soutien direct à des besoins privés et l'essor des externalités positives qui, lui, nous semble pleinement relever des idées de Bruxelles et de ce qui est nécessaire pour notre pays.

En clair, il fallait concevoir des projets d'intérêt général manifeste comme le prolongement de la ligne E du RER vers la Défense (Eole) ou la tant attendue liaison ferroviaire vers Roissy : "CDG Express".

Comme l'a démontré le débat de 2012 autour du rapport Gallois, l'économie moderne impose de s'intéresser à la notion d'externalité.

Une externalité est définie comme tout effet créé par autrui lorsqu’il procure à un agent économique un avantage généralement gratuit. On cite traditionnellement le petit restaurant qui voit sa clientèle augmenter suite à l’arrivée du siège social d’une grande entreprise. Plus significativement, il y a externalité positive lorsqu’une ligne de TGV permet aux voyageurs de gagner du temps, au foncier entourant les gares de prendre de la valeur et aux entreprises de pouvoir attirer du personnel de qualité (que l’éloignement initial rebutait).

Une externalité est donc une sorte de bonus auquel l’agent économique bénéficiaire n’a pas contribué. Ce concept traduit concrètement l’interdépendance des différents acteurs économiques : ainsi, on a souvent utilisé l’exemple de l’apiculteur situé près d’un horticulteur.

De nos jours, ce sont – à l'inverse  de multiples foyers de pollution qui sont usuellement désignés comme des déséconomies externes (embouteillages, déchetteries sauvages, etc.).

Autre point d’importance, nous sommes surpris par le peu de lien qui est effectué entre externalités et facteur résiduel.

Rappelons que le facteur résiduel est la partie "inexpliquée" de la croissance. A côté de la combinaison des facteurs de production que sont le capital et le travail, les économistes Carré, Dubois et Edmond Malinvaud (longtemps à la tête de l’I.N.S.E.E) ont réussi à démontrer dans les années 70 que sur un taux de croissance de 5% (chiffre qui fait rêver de nos jours...) le facteur travail a contribué à hauteur de 1%, le facteur capital à hauteur de 1,5%. Ainsi, le facteur mystère dit résiduel a pesé sur 2,5% soit la moitié du taux nominal de croissance.

Quand bien même leur calcul serait un peu erroné – ce qui n’a jamais été démontré ! – cela prouve l’importance des autres éléments hors travail et capital comme la formation professionnelle du personnel, l’impact d’une innovation maîtrisée ou la politique de grappes d’innovation (Schumpeter).

A ce stade, nul ne sait ce qu'il adviendra des 32 projets dans le "paquet retoqué" mais il est clair qu'il faut engager une réflexion sur les externalités en gardant à l’esprit que c’est ainsi que l’on alimente favorablement le facteur résiduel, donc une part de la croissance qui nous fait défaut et demeure le pivot et la solution à beaucoup de nos défis, à commencer par la tenue trop aléatoire de nos finances publiques.

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