Plan franco-allemand pour la croissance : faut-il vraiment en attendre quelque chose ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un rapport franco allemand doit trouver des idées pour stimuler la croissance.
Un rapport franco allemand doit trouver des idées pour stimuler la croissance.
©Reuters

La détente

Le FMI et BCE ont de plus en plus de mal à dialoguer avec l'Allemagne et la Bundesbank, tandis que les économies du Sud de l'Europe et la France ont des relations tendues avec Angela Merkel. Un contexte politico-économique qui promet donc des négociations musclées mais qui pourrait bien forcer Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein à s'entendre sur le rapport conjoint du retour à la croissance.

Jean-Paul Pollin

Jean-Paul Pollin

Jean-Paul Pollin est Professeur d'économie à l'Université d'Orléans. Membre du Cercle des économistes, il est également Président de la Commission « Système financier et financement de l’économie » du Conseil National de l’Information Statistique.

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Atlantico : Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein ont été chargés par les autorités françaises et allemandes de dresser un rapport conjoint. Objectif : trouver des idées pour stimuler la croissance. Cela n'est-il pas contraire à la politique économique très auto-centrée conduite par l'Allemagne depuis les réformes Schröder ?

Jean-Paul Pollin : Quand l'allemagne a engagé sa politique de désinflation compétitive qui concernait à la fois l'abaissement des salaires et l'augmentation de la TVA (la TVA sociale que nous avons refusé) - soit bien avant la crise, sous Gerhard Schröder - elle sortait tout juste de son état d'homme malade de l'Europe. L'Allemagne était entrée dans l'euro avec un mark dévalué, parce qu'il subissait le contre-coups de la réunification.

Mais lorsque ces politiques ont été engagées, cela était considérée comme une nécessité, même si tout le monde portait un regard suspicieux envers elle. Le contexte n'était pas celui de la crise financière, où l'Allemagne jouait là plus ouvertement contre les autres pays.

Aujourd'hui, elle se trouve dans une situation où elle peut se permettre de donner des leçons, mais le fait qu'elle ait refait sa compétitivité n'est pas le plus handicapant, le problème vient surtout du fait qu'elle ait une vision de la politique économique de court terme extrêmement restrictive.

Le simple fait que cette initiative existe prouve que les ponts ne sont pas complètement rompus. Les deux économistes choisis ont travaillé au niveau européen sur les politiques économiques. Jean Pisani-Ferry a notemment présidé l'institut Bruegel. Il y aura donc des positions conjointes, et cela ne peut pas être une mauvaise nouvelle pour l'avenir !

FMI et BCE ont de plus en plus de mal à dialoguer avec l'Allemagne et la Bundesbank. Les économies du Sud de l'Europe et la France ont des relations également tendues avec Angela Merkel. L'isolement de l'Allemagne sur la scène européenne et internationale l'a-t-elle contrainte à accepter ce projet en commun avec la France pour un retour à la croissance ?

Personne n'approuve plus la position allemande, et cette dernière réalise qu'il lui ait difficile d'acculer l'ensemble de ses partenaires sans leur donner les marges de manoeuvre nécessaires pour se refaire une santé économique. Son entêtement rétro-agit sur sa propre situation économique, elle n'a rien à gagner. Et peut-être l'isolement la force t-elle à sortir progressivement de ses blocages.

Plutôt que de rester confinée à sa position de prêteur net et d'exportatuer, l'Allemagne pourrait soutenir sur son territoire l'investissement public et privé. Ce que tous les observateurs proposent aujourd'hui, le FMI en tête, c'est le soutien à l'investissement. Krugman d'ailleurs note que dans tous les pays l'investissement public a chuté. Il y a une bonne raison à cela, puisqu'il permettra de résoudre le problème d'offre et de demande, et pas que pour l'Allemagne.

Quel va être le rapport de force ? Quelles propositions communes réalistes (c'est à dire financées ou finançables) peuvent être avancées ?

L'Allemagne peut donc s'engager dans cette voie : arrêter les surplus budgétaires et profiter de la marge de manoeuvre dont elle dispose. Et engager des programmes qui fassent appels à des partenariats publics-privés. L'Allemagne doit également arrêter de bloquer le plan d'investissement proposé par Jean-Claude Juncker à hauteur de 300 milliards d'euros au niveau européen. Cela permettrait l'investissement aux infrastructures, à la recherche et au secteur énergétique qui ne relève pas de la seule dimension nationale, qui nécessitent une dimension européenne. Il serait judicieux de donner la main à la Banque européenne d'investissement.

Ce sera vraisemblablement un des points auquel le rapport concerté aboutira, car l'Europe accuse un véritable retard à l'investissement.

La France devra conduire des réformes certes, mais cela nécessitera certains types d'investissement, notamment sur la recherche-développement, l'éducation et l'infrastructure, etc. Et il est vraisemblable que la France exige que ces investissements supposés soutenir le retour à la croissance puissent être évacués des dettes, et ne pas peser sur la règle européenne d'un déficit qui ne doit pas excéder 3% du PIB. En d'autres termes, si la France investit pour faire des réformes (exigées par l'Allemagne et la Commission), il est possible qu'elle demande que cela n'entre pas dans les limites des contraintes budgétaires qui sont aujourd'hui fixées. Un peu de mou, voilà ce dont la France estimera avoir besoin. Le tout valider par les instances européennes évidemment.

Il est évident que l'allemagne exigera des contre-parties. Elles porteront sur la réforme du régime des retraites en France, puisque ce dernier reste très loin du modèle allemand ; un allègement du droit du travail français, jugé trop lourd par nos voisins d'outre-rhin ; et pour finir, l'ouverture à la libre concurrence ou la libéralisation de secteurs sous monopole ou quasi monopole d'Etat (BTP, services, énergie, etc.).

Reste la question du financement du plan Juncker de 300 milliards d'euros qui n'est toujours pas tranchée...

Ce qui est envisagé, c'est que la BEI emprunte sur les marchés et mobilise une épargne qui existe (dans les ménages et les entreprises) et qu'elle force à transformer cet argent en investissement. Elle prêterait directement aux acteurs qui bénéficieraient de l'investissement, et ces derniers seraient eux-mêmes emprunteurs auprès de la BEI.

Une autre option consisterait à ce que la BEI prête à l'Europe directement pour qu'elle engage un certain nombre de projets (recherche et développement, numérique, etc.), et le budget européen serait lui-même mobiliser pour rembourser les investissements de certains.

Le ministre des finances allemand ne veut pas que la BEI mobilise les sommes du mécanisme européen de stabilité, mais rien n'indique que l'Allemagne ne cédera pas à l'option précitée.

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