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Plan de rigueur : 
les planqués de l'austérité
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Collectif budgétaire

Le plan d'austérité du gouvernement de François Fillon est discuté à partir de ce mardi à l’Assemblée nationale. Visite guidée des enjeux... et de ceux qui passent entre les gouttes.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le Parlement se lance dans l’austère examen de la loi de finances rectificative pour 2011, appelée à une époque collectif budgétaire, et devenue cette année plan de rigueur ou plan d’austérité, selon les commentateurs. Je me suis offert la lecture relativement ingrate des tableaux retraçant, dans le projet de loi, l’évolution des crédits de paiement pour 2011. Petit moment de stupéfaction que je tiens à partager.

L’austérité ? Je n’en crois pas un mot

Naïvement, j’étais resté sur l’idée que nous faisions une économie d’un milliard d’euros cette année. En fait, je n’avais pas bien compris. Entre les annulations de crédit déjà décidées en juillet, et celles qui s’annoncent, l’État économise effectivement 947 millions d’euros. Les puristes noteront que nous n’atteignons pas le milliard.

En revanche, et dans le même temps, les dépenses augmentent de près de deux milliards. Certes, les trois quarts de cette somme sont absorbés par l’augmentation du service de la dette. Autrement dit, pour un milliard économisé sur les dépenses de l’État, le gouvernement sort de sa poche un milliard et demi pour rassasier les spéculateurs. Comme l’écrit le rapporteur Gilles Carrez, dans son introduction : « des attaques spéculatives perturbent les marchés de la dette souveraine européenne » (point I-A-2). Mais tout de même, l’idée que l’austérité est à l’œuvre est très fausse, puisque le collectif budgétaire sert à augmenter les dépenses publiques, au lieu de les réduire...

On notera aussi que les dégrèvements fiscaux atteignent 500 millions d’euros. Une paille, et j’adore l’explication emberlificotée qu’en donne la rapporteuse spéciale du Sénat, Mme Beaufils: « La consommation des crédits inscrits sur cette mission est, en effet, intimement liée à la dynamique des recettes fiscales, ainsi qu'au recours des contribuables à un certain nombre de dispositifs leur permettant de bénéficier de restitutions au titre d'avantages fiscaux, de remboursements de trop-perçu ou de remises gracieuses ». Bref, en plus du milliard et demi des spéculateurs, l’austérité se traduit quand même par 500 millions de plus de « cadeaux fiscaux ».

De façon anecdotique, j’ajouterais volontiers à ces dépenses accessoires les 50 millions de crédits nouveaux ouverts pour la politique d’immigration, et les 38,5 millions ouverts pour la création artistique.

Les malins qui échappent à l’effort

Pour tout le reste, l’austérité fait rage. La défense laisse pas mal de plumes dans l’opération : près de 300 millions d’euros si l’on cumule les annulations de crédit de juillet et de septembre. La recherche et l’enseignement supérieur lâchent plus de 80 millions d’euros. La ville et le logement, près de 30 millions d’euros. Au palmarès des lignes budgétaires les plus touchées, on retiendra : 15% de baisse de crédits sur l’action audiovisuelle extérieure, près de 5% sur le livre et l’industrie culturelle, 4% sur la recherche duale, civile et militaire, 3% sur le développement et l’amélioration de l’offre de logement. Tout cela fait mal, mais le gouvernement peut justifier d’une véritable volonté de saupoudrage dans l’effort pour atténuer et diluer ces effets désagréables de l’austérité.

Saupoudrage ? Relatif, car il y a des malins qui passent entre les gouttes. Qui ? Les grands corps de l’État, bien-sûr, qui adorent ordonner aux autres ce qu’ils ne veulent surtout pas mettre eux-mêmes en pratique.

Par exemple, pas un euro des 214 millions de la Cour des Comptes n’ont été égratignés ni en juillet ni en septembre. Charité bien ordonnée... Mais la même remarque vaut pour le Conseil d’État (338 millions qui traversent sans embûches les procédures budgétaires, alors que les 213 millions d’euros de la jeunesse et de la vie associative ont ont été amputés de plus de 5 millions d’euros au cours de l’été).

Et que dire de l’Assemblée nationale et du Sénat qui gardent eux aussi la totalité de leurs 850 millions d’euros ?

Ouf ! Diront les optimistes, si les privilèges sont saufs, c’est que nous n’avons pas encore touché le fond. Tant qu’il y a de l’inégalité dans l’effort, il y a de l’espoir, prétendaient les naufragés.

Au passage, une suppression du Sénat rapporterait 328 millions d’euros.

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