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Une étude montre un écart important entre la consommation réelle des ménages et celle qui est prévue, affichée par le DPE.
Une étude montre un écart important entre la consommation réelle des ménages et celle qui est prévue, affichée par le DPE.
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Ecart important

Une étude montre un écart important entre la consommation réelle des ménages et celle qui est prévue, affichée par le DPE.

Ariane Salem

Ariane Salem

Ariane Salem est économiste au sein du Conseil d'analyse économique (CAE).

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Atlantico : Dans votre note, grâce aux données fournies par le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, vous indiquez que la prédiction de consommation énergétique indiquée par le diagnostic de performance énergétique (DPE) peut différer de la consommation réelle des ménages. Quelle a été votre méthodologie pour trouver cet écart ? Comment l’expliquer ? 

Ariane Salem : Pour faire cette étude, nous avons pris les données bancaires qui nous indiquent en fait la facture énergétique des ménages. Grâce à ces données, nous pouvons mesurer la consommation réelle des ménages en énergie électrique et en gaz. Ces données, on les a associées au DPE, le Diagnostic de Performance Energétique. Ce que l'on observe alors, c'est un écart important entre la consommation réelle des ménages et celle qui est prévue, affichée par le DPE. 

Nous avons deux explications. La première, c’est que les ménages vont ajuster leur consommation en fonction de la performance énergétique du logement. Quand le logement est très performant, ils vont avoir tendance à chauffer plus que ce que prévoit le DPE. Je rappelle que le DPE donne en fait le besoin énergétique du logement pour un cycle de chauffage de 19 degrés en hiver et 28 degrés en été. Ce sont des cibles thermiques qui sont indicatives alors qu’en réalité, les ménages vont consommer en fonction d'un besoin qui leur est propre. Quand le logement est très performant, ils vont avoir à consommer davantage que ce que prévoit le DPE. A l'inverse, les ménages vont consommer moins lorsque le logement est moins performant. Pourquoi y a-t-il ces comportements d'ajustement qui sont différents en fonction de la performance énergétique ? Parce que justement la performance énergétique va directement affecter le prix du confort thermique. Forcément, c'est plus cher de se chauffer dans un logement peu performant. Les ménages ajustent leur consommation. L'ambition du DPE, c'est de modéliser la performance énergétique théorique du logement en fonction des caractéristiques techniques du logement. Il donne une information sur combien il faut consommer d'énergie pour atteindre une cible théorique de chauffe. Cet écart, lié en partie à l’ajustement comportemental, doit être pris en compte.

La deuxième raison, c'est que le DPE modélise (peut-être) imparfaitement la performance énergétique du logement. La méthode utilisée pour prédire la performance énergétique du logement est imparfaite. La surface du logement est mal prise en compte dans la prédiction de performance énergétique. On observe que dans les très grandes surfaces, à partir de 80 mètres carrés, le DPE a tendance à surestimer la consommation des logements quand ils sont très performants. En réalité, dans un très grand logement, les ménages consomment relativement peu au mètre carré par rapport à un petit logement. Donc effectivement, une part de l'écart qu'on observe entre consommation réelle et performance théorique du DPE est liée potentiellement à cette erreur de modélisation. A cela s’ajoute aussi les erreurs faites par les diagnostiqueurs lorsqu’ils doivent évaluer les caractéristiques techniques du logement. 

Pour être précise, nous observons que la consommation à chaque classe de performance est en progression et croît à mesure que l'étiquette de DPE est moins performante. Cette progressivité de la consommation, à mesure que le logement est moins performant, est six fois plus faible que celle prédite par le DPE. On a un écart qui est très important. Il est de 1 pour 6 entre la consommation réelle et la consommation prédite par le DPE. Deux tiers de cet écart sont dus au fait que les ménages vont ajuster leur consommation. L’autre tiers est dû au fait que le DPE modélise imparfaitement la consommation théorique du logement.

Peut-on faire confiance aux résultats d'un DPE ? Sont-ils fiables ?

Le DPE n'a pas vocation à estimer une consommation réelle ni à prédire votre facture d'énergie. Le DPE n'a pas non plus vocation à prédire votre comportement. Encore une fois, le gros de l'écart que nous observons est surtout lié au fait que les ménages vont ajuster leur consommation par rapport à la performance théorique de leur logement. Avec une bonne note, les ménages vont consommer plus. Ils vont augmenter leur confort thermique parce que ça leur coûte moins cher d’augmenter le chauffage. 

En revanche, dans la modélisation de la performance par le DPE, il y a peut-être des efforts à fournir pour mieux prendre en compte les différences de performances qui peuvent exister entre le logement individuel, le logement collectif, les petites surfaces et les grandes surfaces. Il y a des efforts supplémentaires à fournir pour modéliser le besoin thermique d’un très grand logement, mal appréhendé par le DPE. C’est une piste de réflexion que propose notre étude. 

Vous dites que le DPE est une boussole de la politique de rénovation énergétique. Indique-t-elle le Nord correctement ou est-elle cassée ?

Le DPE peut être perfectionné. Ça, c'est un message. Cette boussole doit être complétée par une politique qui incite à la sobriété une fois que la rénovation est effectuée et que les ménages sont sortis d'une situation de précarité énergétique. Ces gestes de rénovation doivent être accompagnés d'efforts de sobriété. Il est essentiel qu'on pense la politique de rénovation énergétique dans sa globalité.

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