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Pétrole : tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les fantasmes qui agitent les marchés de l’or noir
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Alors que le peak oil (pic de l'offre de pétrole) a nourri tous les fantasmes ces dernières années, un pic de la demande devrait bientôt être atteint. En effet, la lutte contre le changement climatique, le ralentissement du commerce international et l'émergence d'alternatives dans le domaine de l'énergie pourraient réduire la demande mondiale.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Alors que le peak oil (pic de la production de pétrole) a fait l'objet de nombreuses prédictions, se dirige-t-on vers un pic de la demande ? Quand ce pic pourrait-il être atteint ? Dans quelle mesure constituerait-il un tournant historique majeur ?

Stephan Silvestre : Le peak oil est un vieux fantasme né dans les années 1950, puis popularisé dans les années 1970 à l’occasion du pic de la production américaine, basé sur un modèle juste, mais adapté uniquement à un réservoir donné, ou à une zone géologique précise. Mais ce modèle n’est plus pertinent lorsque l’on considère la production au niveau mondial. Par exemple, il n’est prédictif que si l’on connait le volume du réservoir ; or, on ne connait pas le volume des réserves terrestres. Par ailleurs, le taux de récupération du pétrole ne cesse de s’améliorer au gré des progrès technologiques. C’est pourquoi ce modèle n’a jamais pu prédire le déclin de la production mondiale. En réalité, la production ne se retournera pas pour des raisons géologiques, mais en raison de l’inflexion de la demande. Cela pose donc la question d’un pic de la demande.

Il faut distinguer deux zones bien différentes : les pays de l’OCDE et les émergents. Pour les premiers, on observe d’ores et déjà une stagnation de la demande, voire une baisse pour certains. En revanche, la situation est très différente pour les pays émergents : une croissance toujours soutenue, notamment dans le secteur industriel, un taux d’équipement en véhicules croissant, un parc immobilier en forte expansion. Ces pays cherchent pourtant eux aussi à développer le recours aux énergies renouvelables et à des solutions techniques moins énergivores. Mais la croissance de leur demande en pétrole reste encore supérieure au tassement de celle de l’OCDE. En conséquence, la demande mondiale continuera encore de croître durant les prochaines années. Le pic ne devrait donc pas intervenir avant la fin des années 2020.

Quelles seraient les implications concrètes du pic de la demande dans le domaine pétrolier ?

La première conséquence, que nous observons d’ores et déjà, c’est bien sûr un prix du pétrole plus modéré, qui profite aux pays consommateurs. La deuxième conséquence sera, avant même le passage de ce pic, une baisse des investissements, notamment dans l’exploration. Cette baisse entraînera une stagnation, puis une diminution des réserves prouvées. Ensuite, avec une moindre rentabilité de ce secteur industriel, on assistera à sa migration des pays occidentaux vers les émergents. Ce mouvement est aussi déjà engagé. Enfin, d’un point de vue géopolitique, cela entraînera nécessairement un moindre intérêt des Occidentaux pour les pays détenteurs de réserves. Avec la perte de leurs protecteurs, certains connaîtront des périodes troublées, tant à l’intérieur qu’à leurs frontières.

Quel est aujourd'hui l'état de la demande de pétrole au niveau mondial ? Comment expliquer le ralentissement de cette demande dans les pays de l'OCDE ? 

La demande mondiale est toujours en hausse, actuellement à 97 millions de barils par jour (Mbbl/j). Ce chiffre est supérieur de 2 Mbbl/j à celui de 2015, lui-même en hausse de 2 Mbbl/j sur celui de 2014. La demande continue donc de croître globalement, même si cette croissance est très concentrée sur quelques pays émergents, en tête desquels la Chine et l’Inde. La baisse dans les pays de l’OCDE a deux causes : d’une part la stagnation économique de ces pays, notamment dans le secteur industriel (désindustrialisation), et d’autre part une réglementation qui pousse les consommateurs à se tourner vers des solutions alternatives aux énergies fossiles. Cela vaut à la fois pour la motricité, avec des véhicules moins gourmands en carburants, voire électriques, et pour le chauffage : habitats mieux isolés, remplacement du fioul par du gaz naturel ou du chauffage électrique. Ajoutons à cela un facteur non planifié : le réchauffement climatique, qui atténue la consommation de combustibles de chauffage dans les pays du nord.

Alors que l'on semble se diriger vers un recul de la mondialisation (diminution du commerce international, mesures protectionnistes), dans quelle mesure le pic de la demande pourrait-il avoir lieu plus tôt que prévu ? 

Il est encore trop tôt pour parler d’un recul de la mondialisation. Il existe certes des forces politiques qui s’exercent dans ce sens. Mais la mondialisation a ses racines avant tout dans la technologie : d’abord pour les équipements de transport, en particulier les avions. C’est la technologie qui a permis au transport aérien de se développer et se démocratiser. Puis, l’informatique et Internet ont accéléré ce mouvement à l’échelle planétaire. Quoi qu’en pensent les protectionnistes, ce phénomène est irréversible. Pour le moment, on ne constate pas d’impact sur le commerce international, qui continue de croître au même rythme. C’est d’ailleurs justement cette mondialisation qui pourrait entraîner ce pic de la demande. C’est grâce à elle que les nouvelles technologies sont diffusées dans le monde, à commencer par celles des énergies non carbonées ou des véhicules électriques. Freiner ce mouvement ne ferait que retarder le pic de la demande de pétrole.

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