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Pétrole au plus bas depuis 11 ans, le cercle vicieux est enclenché
©Reuters

Coup de pompe durable

Le 18 décembre, le prix du baril du pétrole atteignait 34,50 $ : le plus bas depuis 11 ans. Plus bas encore que celui de la crise de 2008. Le cocktail (surplus d'offre, baisse de la demande et changement de modèle vers des économies de service) laisse peu d'espoir quant au retour à l'équilibre de la production à courts termes.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Comment expliquer que la baisse du pétrole soit au plus bas depuis 11 ans ? Le baril de WTI était à 34,5 $  le 18 décembre alors que début décembre il était à 41,6 $ le 1er décembre?

Stephan Silvestre : Il faut remonter à janvier 2004 pour retrouver ce cours en dollars courants et même juin 2002 en corrigeant les cours de l’inflation. Les matières premières sont habituées à ce genre de mouvements, très liés à l’équilibre entre l’offre et la demande. Les autres facteurs explicatifs sont la spéculation financière et les aléas géopolitiques. La tendance baissière de fond, amorcée en juin 2014, tient son origine dans la coïncidence entre le tassement de la croissance de la demande, surtout due à la Chine, et la hausse de la production, surtout due à la montée en puissance des huiles de schiste américaines. A contrario, les facteurs géopolitiques ont plutôt été, durant cette période, de nature à peser à la hausse : guerre civile en Syrie, en Irak et en Libye, tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, sanctions internationales contre la Russie… Mais les marchés ont estimé que l’offre mondiale était suffisamment abondante et diversifiée pour absorber ces incertitudes. Et la paralysie de l’OPEP leur a donné raison : depuis deux ans, le cartel est incapable d’agir de façon coordonnée. Le fond du problème est bien là : les multiples découvertes à travers le monde ont fini par entamer la capacité de l’OPEP à contrôler la production. À cela s’ajoute la guerre de domination entre chiites et sunnites qui inhibe toute entente entre les sphères iranienne et arabe.

Cette baisse sera-t-elle durable, dans la mesure où l’offre excédentaire du marché est partie pour s’accroître, suite à la décision de l’OPEP du 4 décembre d’abandonner la limite de production ?Comment justifier une telle décision de l'OPEP ?

Le  4 décembre, il n’y a pas eu formellement de décision d’abandonner le plafond de production ; cependant, l’absence de mention de ce plafond – de plus en plus théorique – dans le communiqué de l’OPEP en dit long sur les dissensions dans l’organisation et laisse libre cours à ses membres pour ouvrir les vannes. Cette position est le fruit de la prédominance des égoïsmes nationaux sur l’intérêt commun. Chaque pays cherche à maintenir, voire accroître ses parts de marché et refuse de se brider si les autres n’en font pas autant, voire davantage. L’Arabie Saoudite avait même proposé une baisse des quotas à la condition, bien fantaisiste, que les producteurs non membres s’appliquent le même régime ! Qui peut imaginer la Russie, le Mexique ou le Brésil baisser leurs productions pour satisfaire l’OPEP, sans parler des États-Unis, de la Chine ou du Canada, qui ne sont pas exportateurs nets, mais qui pèsent fortement sur la production et la consommation mondiales ? De son côté, l’Iran n’avait qu’une seule hâte, celle de reprendre sa place sur le marché après la levée des sanctions et n’entendait pas se faire imposer un quota par… des sunnites. L’offre excédentaire, en ce moment proche de 2 millions de barils par jour, n’est donc pas près de revenir sous le million de baril par jour, palier sous lequel la tension entre l’offre et la demande fait décoller les prix.

Ajouté à cela, le changement de modèle vers des économies de services, comme en Chine, ne va-t-il pas participer à baisser davantage la demande à long terme ?

Oui, sur le long terme, la tertiarisation des pays émergeants entraînera une baisse de la demande. Mais cela prendra du temps. De plus, si l’OCDE s’est tertiarisée, cela s’est fait par transfert de ses activités industrielles vers les émergeants asiatiques. Si ceux-ci suivent le même modèle, il faudra bien qu’ils transfèrent à leur tour leur activité industrielle vers d’autres zones. La demande énergétique n’a donc pas de raison de baisser globalement de ce point de vue. En revanche, ce qui est commun à toutes ces économies, c’est la baisse de l’intensité énergétique, c’est-à-dire que de moins en moins d’énergie est nécessaire par unité de PIB. Ce facteur pèsera sur la demande. À cet égard, l’affaire Volkswagen a peut-être davantage influencé le cours du pétrole que Daesh car on peut s’attendre à une pression accrue des consommateurs et des autorités vers des véhicules plus sobres, voire sans pétrole.

Quelles peuvent-être alors les perspectives pour sortir de cet engrenage déjà bien engagé ?

À court terme, c’est-à-dire au cours du premier semestre 2016, la production américaine va se tasser avec le gel de l’exploitation des champs de pétrole non conventionnel, ce qui aura pour effet de ramener l’offre excédentaire sous le million de barils par jour. Les prix devraient donc remonter. Mais cette hausse restera limitée car de nombreux puits sont prêts à redémarrer dès que les cours le justifieront.Quant à l’OPEP, les dissensions qui la rongent sont, elles, loin de se résorber et une évaporation de sa puissance est prévisible.

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