Petit rappel à l'attention de ceux qui pensent que les marges d'aujourd'hui sont les investissements de demain : en Allemagne, ça n'a pas vraiment été le cas <!-- --> | Atlantico.fr
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Les marges des entreprises françaises retrouvent des couleurs.
Les marges des entreprises françaises retrouvent des couleurs.
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Faux espoirs

Les marges des entreprises françaises retrouvent des couleurs. Une bonne nouvelle qui fait espérer de nouveaux investissements sur les innovations. Mais le cas de l'Allemagne, dont les acteurs économiques ont connu aussi une période faste, montre que la réalité peut être bien différente.

Francesco Saraceno

Francesco Saraceno

Francesco Saraceno est économiste senior au sein du département Innovation et concurrence de l'OFCE. Il est également signataire de la tribune : The economist warningVous pouvez le suivre sur son compte twitter : Francesco Saraceno.

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Atlantico: D'après une étude de la banque KfW,L'économie allemande affronte aussi des problèmes des entreprises du Mittelstand, le cœur de la puissance exportatrice allemande, investissent dans de nouveaux produits ou procédés. Comment expliquer un taux aussi bas, alors même que ces entreprises ont dégagé ces dernières années des marges confortables ? 

Franceso Saraceno : Comme le montre clairement l'étude de la banque KfW, l'Allemagne est tournée depuis 2003 vers un modèle de croissance tirée par les exportations. Ou plus précisément, depuis 2003 l'export, qui a toujours été un moteur de la croissance, est devenu le seul. La demande intérieure a été plombée par la stagnation des salaires et par les politiques budgétaires restrictives. Or, la spécialisation allemande, et ses dynamiques salariales ont fait ainsi que la compétitivité puisse être maintenue sans investissements importants. Les déséquilibres de la zone euro, et les rendements élevés offerts par le secteur financier avant la crise ont fait le reste. Un phénomène d’éviction de l'investissement réel par l'investissement financier qui n'est pas limité à l'Allemagne ni à l'Europe. Tout ces facteurs ont joué conjointement pour maintenir l'investissement à un niveau incompatible avec les taux de marge dégagés par les entreprises, et avec le maintien de la compétitivité à moyen terme

Ces entreprises n'ont elle pas "creusé leur tombe" pour leur future compétitivité en ne privilégiant pas l'investissement alors qu'elles sont souvent sur des secteurs de forte innovation ?

Probablement oui.  Comme je le disais, la stagnation de l'investissement pourrait se faire sentir sur la productivité et sur la compétitivité à moyen terme maintenant qu'on observe une croissance (modérée à vrai dire) des salaires. Le manque d'investissement public, et l'état des infrastructures allemandes dénoncé par le DIW déjà en 2013, pourraient aussi contribuer à des difficultés du "système Pays"Allemagne.

Cependant, je dis probablement parce que il y a deux facteurs  qu'il faut considérer. Le premier est que la crise dans la quelle continuent à être plongés les partenaires européens maintient pour le moment l'avantage comparatif de l'Allemagne intact. Le deuxième est que les secteurs de forte innovation sont caractérisés par une obsolescence accélérée, et un cycle du produit assez court. Même si elle a raté un train, l'Allemagne peut se remettre en route assez rapidement. Il ne faut pas oublier que la stagnation de l'investissement a été généralisée, dans les dernières années, et que donc la perte de terrain de l'Allemagne dans la course à l'innovation est relative. Certes, il ne faudra pas rater un deuxième train.

En France aussi les entreprises retrouvent actuellement des taux de marges satisfaisant : 31,1% selon l'Insee, le taux le plus élevé depuis 2011. Vont-elles tomber dans le même travers ? Le contexte risque-t-il d'être similaire à l'Allemagne ?  

Ce n'est pas sur, parce que la France est dans une situation assez différente. Déjà, la crise ayant été plus sévère, maintenant que la reprise s'annonce les firmes devraient commencer par reconstituer les stocks. Deuxièmement le contexte international est moins morose (Si on ne gaspille tout en gérant mal la crise grecque). On sent que l'investissement en France est prêt à repartir, et que les firmes pour le moment sont en position d'attente. Si les signaux internes et externes restent modérément positifs, il y aura une reprise de l'investissement. Certes il ne faut pas s'attendre à un retour de l'investissement en grande échelle. Dans le meilleur des scénarios la croissance n'atteindra pas 2% Ce ne sont pas des conditions qui font préconiser une course aux dépenses pour l'innovation. La demande reste globalement faible, et la demande reste le facteur principal qui oriente les choix d'investissement des firmes, comme le montrent toutes les enquêtes.

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