Petit manuel à l'intention d'un sympathisant PS dans le flou : le mode de scrutin kafkaïen du premier secrétaire du PS<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mode de désignation du successeur de Martine Aubry est vivement critiqué par certains membres du PS.
Le mode de désignation du successeur de Martine Aubry est vivement critiqué par certains membres du PS.
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Quand c'est flou, il y a un loup

La guerre de la succession fait rage au Parti socialiste. La Première secrétaire, Martine Aubry, doit désigner le 12 septembre qui de Harlem Désir ou de Jean-Christophe Cambadélis prendra la tête de la motion majoritaire, et aura donc de très fortes chances de lui succéder.

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Atlantico : Le mode de désignation du successeur de Martine Aubry est vivement critiqué par certains membres du PS. Jean-Jack Queyrann, président du conseil régional de Rhône-Alpes a notamment reproché au parti de "revenir au temps de l’URSS", alors que Julien Dray a dénoncé, lui, "l’opacité" de la procédure. Le mode de scrutin pour désigner le Premier secrétaire du PS paraît très complexe pour un non initié. Comment définiriez-vous le processus ?

Gérard Grunberg : Ce processus a été modifié en 2010 après le congrès de Reims qui a mis en lumière toutes les contradictions et les difficultés pour appliquer le règlement intérieur. En effet, ce dernier distinguait beaucoup trop l’orientation doctrinale et la désignation du Premier secrétaire. Il pouvait même arriver que ce soit une personnalité qui avait signé une motion minoritaire qui puisse prendre la tête du parti.

Le parti a donc mis un nouveau système en place. Aujourd’hui, il y a un premier tour où l’on vote sur des motions et ce vote détermine à la proportionnelle la composition des organes dirigeantes. D’autre part, de façon à dépersonnaliser la nomination, on a fait en sorte que ne puisse être secrétaire que les têtes des deux motions arrivées en tête.

Une fois que ces deux personnes sont désignées, elles peuvent se présenter soit seules soit en ayant l’une ou l’autre formé une alliance avec les motions minoritaires. Mais à ce moment-là, soit la motion arrivée en tête au premier tour arrive à nouveau en tête et c’est la personne qui la représente qui est désignée, soit la tête de liste de la motion minoritaire a réussi à faire une bonne alliance et peut arriver en tête du suffrage des militants.

Cela a pour conséquence de réduire la dimension personnelle du vote. Le problème de la désignation est donc posé en amont de la constitution des motions en présence puisqu’à partir du moment où une motion s’est formée, on connait le nom de la tête de liste et donc le nom du Premier secrétaire. La question posée par les militants qui s’insurgent est celle d’un vote avant la désignation de la tête de liste. Mais cela n’arrivera pas. Dans l’état actuel des rapports de force, je pense que les plus hautes instances vont se mettre d’accord sur le nom de la tête de liste de la motion majoritaire et cette personne deviendra certainement Premier secrétaire.

Le système des motions n’est-il pas obsolète à l’heure de la démocratie participative ?

Ce que n’ont plus voulu les socialistes, c’est la dissociation complète entre la personne et la ligne politique du parti. En effet, cela posait réellement problème car, comme dans le cas du congrès de Reims avec Ségolène Royal, la personne dont la liste était minoritaire aurait pu devenir Première secrétaire du parti alors qu’elle ne pouvait même pas être majoritaire dans ses autres instances. Ils ont donc eu raison de changer ce système.

Aujourd’hui, la question de la personnalisation est posée a priori, au moment du choix de la tête de liste de la motion qui risque d’arriver en tête. A l’avenir, le parti pourra aller vers un système de désignation par les militants en amont de la constitution d’une motion. Mais comme je l’ai dit, cela ne se passera jamais de la sorte pour cette élection.

Harlem Désir, l’un des favoris à la succession de Martine Aubry, s’est d’ailleurs dit favorable à la tenue d’une telle élection…

Si c’est lui qui est désigné par l’appareil pour devenir la tête de liste de la motion principale, cela m’étonnerait qu’il continue à faire un réquisitoire en faveur du vote des militants ! Il a probablement soutenu une telle idée car il avait peur de ne pas être choisi pour diriger la liste.

Le vrai problème qui se pose est le suivant : comment peut-on articuler le mieux possible une ligne politique choisie par les militants et la désignation d’une personnalité qui va diriger le parti. C’est une question qui se pose aussi bien au Parti socialiste qu’à l’UMP.

Ce qu’il faudrait également savoir, mais qui n’a pas été résolu par les grands partis, c’est si la personne désignée comme chef a vocation à représenter le parti à la présidence de la République ou pas. Tout cela est lié à la manière dont on conçoit le rôle du Premier secrétaire. C’est un problème difficile à régler car, souvent, les chefs de partis ont pour ambition la présidence de la République. Mais c’est un problème naturel qui se pose lorsque les partis politiques tentent de s’adapter au régime très particulier de la Cinquième République.

L’élection du président de l’UMP est-elle finalement plus moderne et démocratique ?

Dans les deux élections, il y aura un vote des militants. La différence réside dans le fait que le Parti socialiste, dans son histoire et dans son mode de désignation habituelle a été toujours habituée à se déterminer sur les lignes politiques. Il a admis la personnalisation du pouvoir qu’impose la Cinquième République avec beaucoup de réticences et essaye pour l’instant d’articuler les deux notions qui sont proprement contradictoires. En revanche, l’UMP a toujours, au fond, favoriser la question du leadership sur la question de la ligne politique. On voit bien aujourd’hui, comme beaucoup le clament au sein du parti, que le problème est symétriquement inverse. En effet, on ne sait pas très bien sur quoi les deux grands candidats à la présidence de l’UMP s’opposent et les militants vont plus choisir une personne qu’une ligne politique.

En résumé, l’UMP doit trouver comment articuler cette vieille tradition de leadership fort avec une ligne politique pendant que les socialistes doivent concilier une tradition politique mettant l’accent la ligne politique avec une personnalisation qui n’est pas dans leur nature même.

Aujourd’hui, est-ce Martine Aubry ou François Hollande qui contrôlent le parti ?

Aucun des deux ne dirige le PS aujourd’hui. Jusqu’à présent, que ce soit pour Mitterrand en tant que président ou Jospin comme Premier ministre, ce sont toujours eux qui ont désigné le Premier secrétaire. Aujourd’hui, pour des raisons qui sont liées à une conjoncture politique très particulière qui tient au fait que Martine Aubry a été battue par François Hollande lors de la primaire socialiste, le choix du prochain secrétaire ne pourra être qu’un accord entre ces deux volets du parti.

Propos recueillis par Célia Coste et Alexandre Devecchio

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