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Pays-Bas : derrière le soulagement démocratique, a-t-on bien vu les recettes employées par le Premier ministre libéral pour stopper le populisme d’extrême droite ?
©REUTERS/Michael Kooren

Défaite de Geert Wilders

Le parti de Geert Wilders a finalement été battu lors des élections législatives, notamment grâce au repositionnement politique de son adversaire.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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La victoire du VVD du libéral Mark Rutte aux législatives des Pays-Bas sont principalement présentées comme une victoire contre le Parti de la Liberté de Geert Wilders. Mais pour l'emporter, Mark Rutte a choisi de faire une politique plus à droite qu'à l'accoutumée. Peut-on dès lors parler véritablement de défaite du populisme ou de mutation de la droite hollandaise ?

Florent Parmentier :Le résultat des élections législatives hollandaises a effectivement donné un score moins important qu'attendu à l'extrême-droite, au profit du candidat libéral de centre-droit Mark Rutte, qui a été durant cette campagne sur des positions plus droitière que traditionnellement. Cela s'est traduit notamment au moment d'adresser une réponse de fermeté à la Turquie, quand le gouvernement de cette dernière a voulu organiser  un meeting à destination de la diaspora. Mark Rutte a également eu des mots durs à l’égard de son concurrent, en écrivant une lettre dans laquelle il lui conseillait de « quitter le pays, s’il le rejette aussi fondamentalement ». Dans le même temps, l'extrême-droite de Geert Wilders a  tout de même gagné 5 sièges de députés, dans un contexte de très forte participation (81%). 
C'est ce résultat, après le Brexit ou l’élection de Trump, qui a conduit au constat d'une « droitisation » du système politique hollandais. Historiquement terre de tolérance, ayant accueilli par exemple de nombreux Français protestants, le pays avait été durablement marqué par le meurtre de Théo Van Gogh en 2006, ayant conduit à une montée de l'extrême-droite, d'abord sous la direction de Pim Fortuyn, puis sous celle de Geert Wilders. 
On peut toutefois discuter du contenu de cette “droitisation”, dans la mesure où les concepts de droite et de gauche ne renvoient pas à des idées intangibles et universelles, mais à des coalitions politiques et à des jeux d'acteurs. Dès lors, on pourrait également faire le constat que cette droitisation constatée s'accompagne en réalité d’une gauchisation, pour un certain nombre de partis d'extrême-droite, du programme économique. Le programme du FN, très libéral au milieu des années 1980 n’est aujourd'hui plus du tout de mise. Ce type de partis tend de répondre à la fois à une insécurité culturelle liée à une évolution des modes de vie, ainsi qu’à une insécurité économique liée aux effets de la mondialisation. 
Dans le même temps, il ne faut pas perdre de  vue que les écologistes hollandais ont réalisé une progression de 10 sièges,  ce qui est en fait une percée plus importante que celle de l'extrême-droite. 

La droitisation des partis de centre-droit touche-t-elle tous les partis de centre-droit traditionnels en Europe ? Qu'est-ce que cela dit de leur évolution ?

Avec le recul des partis sociaux-démocrates, pourtant dominant en Europe dans les années 1990, on a insisté dans plusieurs pays à de nouveaux clivages entre des conservateurs et des libéraux. C'est particulièrement le cas en ce qui concerne le système politique polonais, où à la suite du président Kwasniewski, se font face des conservateurs (PiS) et des libéraux (PO). 
Le premier Ministre hongrois Viktor Orban est probablement l'un des exemples les plus parlants de ces évolutions : le diplômé d'Oxford acquis au libéralisme s’est mu est en tête de pont d’une pensée nationaliste et conservatrice au sein de l'Europe centrale. Dans d'autres pays centre-européens toutefois,  les partis de centre-droit ont laissé place à des partis de gauche  qui partagent eux-mêmes une forme d'hostilité au libéralisme, économique comme culturel. 
Cette évolution constatée montre qu'on est passé d'un antilibéralisme venu de la gauche dans les années 1990 et 2000, à une pensée de droite  résolument post-libérale. Cette vision plus conservatrice de monde est incontestablement liée au fait que l'âge moyen des Européens est l'un des plus élevé au monde, ce qui produit des effets électoralement. 

Sur quels thèmes se fonde généralement cette droitisation en Europe? La question des migrants, l'opposition à l'Islam, le conservatisme, l'ultra-libéralisme ?

La droitisation relève effectivement de plusieurs logiques, qui se renforcent : l'opposition aux migrants (sauf éventuellement aux chrétiens d'Orient), la peur des changements de mode de vie lier à l'émergence d'un islamisme militant, et les valeurs liées au conservatisme social (à l’heure pourtant où un certain nombre de ces pays ont adopté le mariage pour deux personnes de même sexe) en constituent le ciment. L'ultralibéralisme  ne va quant à lui pas nécessairement de pair avec le populisme : dans les États à forte tradition marchande comme les Pays-Bas, cela peut-être le cas, mais pas forcément dans les pays à plus forte tradition étatiste comme la France. 
On trouve également au cœur de l'idée de droitisation une remise en cause des fondements de l'État de droit, fondement d’un ordre libéral politiquement. Comme j'avais pu le montrer dans mon précédent ouvrage (Les chemins de l'État de droit,  Presses de Sciences-Po,  2014), se revendiquer du peuple pour contourner l’Etat de droit devient un mouvement politiquement accepté par une partie des citoyens. Or, l’Etat de droit est apparu historiquement comme un moyen d’échapper à l’arbitraire, par le biais de corps intermédiaires permettant de garantir un haut niveau de liberté et de justice. La modération propre au centre-droit faisait au contraire de la valorisation de l’Etat de droit l’une des vertus cardinales du système politique libéral.

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