Patients mais pas trop : ce que Mme Merkel et les Allemands pensent vraiment de la France<!-- --> | Atlantico.fr
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A l'issue de sa rencontre avec Manuel Valls, Angela Merkel s'est dit impressionnée par le programme ambitieux de la France.
A l'issue de sa rencontre avec Manuel Valls, Angela Merkel s'est dit impressionnée par le programme ambitieux de la France.
©Reuters

Partenaire particulier

A l'issue de sa rencontre avec Manuel Valls, la chancelière allemande a salué les efforts de la France tout en prenant soin de renvoyer la balle dans le camps de la Commission quant au respect des limites de déficit afin de ne pas être en première ligne des critiques. Si l'attitude la France agace outre-Rhin, elle reste perçue comme un partenaire privilégié.

Joachim Schild

Joachim Schild

Joachim Schild enseigne la politique comparée à l'université de Trèves. Auparavant, il a été chercheur associé l'institut franco-allemand pendant plus de dix ans.

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Atlantico : A l'issue de sa rencontre avec Manuel Valls, Angela Merkel s'est dit impressionnée par le programme ambitieux de la France mais a rappelé que les pays européens devaient "tous respecter les limites budgétaires". Qu'est-ce que les déclarations de la chancelière allemande révèlent de ce que l'Allemagne pense réellement de la France ?  Qu'est-ce que cela traduit des relations franco-allemandes ?

Joachim Schild : Angela Merkel a observé une certaine réserve en ce qui concerne la manière dont elle a commenté les efforts de réformes afin de ne pas compliquer la tâche au Premier ministre français. Néanmoins, sa déclaration sur les règles établies communément avec les pays européens a été très claire. La chancelière voit bien le danger de reporter le moment où le déficit de la France passera sous la barre des 3%.  Car le déficit français mine le pacte de stabilité et de croissance. Le message était selon moi très clair : la chancelière souhaite "bonne chance" à la France  pour la poursuite des efforts. C'est important que la France poursuive le chemin emprunté.

Néanmoins, on peut constater une sorte de division du travail politique. Les déclarations d'Angela Merkel d'un côté ont été prononcées pour ne pas froisser le gouvernement français. De l'autre côté, les membres du parlement appartement à la CDU ont été beaucoup plus clairs concernant ce qu'ils attendaient de la France. Pour eux, la France ne doit pas ralentir les efforts entrepris pour réformer structurellement le pays et pour réduire la dette.  

Aux yeux des médias et de l'opinion, la France est-elle toujours ce partenaire privilégié ?

Le fait que la visite de Manuel Valls ait été tellement suivie pas l'ensemble de la presse allemande montre que la France reste un partenaire privilégié. Justement, les inquiétudes en Allemagne sont grandes en raison du poids que l'on prête à la France. C'est aussi cela qui a valu à Monsieur Valls de s'exprimer devant la fédération allemande des industries (BDI). Au niveau de l'opinion publique, il n'y pas de changement majeur et la France reste perçue comme un partenaire privilégié. Il n'existe d'ailleurs pas de sondage très fouillé sur l'image de la France mais la dégradation de l'image économique se reflète dans la presse.

La patience de la chancelière quant à la capacité de la France à respecter ses engagements européens a-t-elle des limites ? Quelles suites pourrait-elle donner ?

Jusqu'ici il y a peu de signe d'un changement de ton, les commentaires publics étaient assez réservés. Elle a pu faire passer son message sans changer la tonalité de son discours mais nul ne sait ce qui a été dit entre les deux représentants. Le message a probablement dû être plus clair. Quelles seraient les possibilités de Merkel d'exercer plus de pression ? En ce qui concerne les critères de déficit, l'Allemagne a pris soin de renvoyer la balle dans le camp de la Commission, afin de ne pas être en première ligne des critiques. On ne constate pas de changement de décors ou de tonalité apparent. En revanche, les commentaires de la classe politique, de la presse, des responsables des associations, des groupes d'intérêts économiques  qui montrent que la patience atteint ses limites par rapport au report de la France du pacte de stabilité et de croissance. La semaine dernière quand on s'est rendu compte que la France ne respecterait pas sa parole pour 2015 et reporte le respect du pacte de stabilité à 2017. Le gouvernement allemand a conscience de l'extrême faiblesse et de la perte d'autorité du gouvernement français et du président et du président de la République. L'Allemagne ne veut pas jeter de l'huile sur le feu.

Quelles conséquences l'évolution de ces relations pourraient-elles avoir sur l'Europe ?

Depuis le début de la crise de la zone euro, la relation entre les deux pays risque de perdre son équilibre interne et par conséquent la force d'entrainement des deux pays au sein de l'Europe pourrait être atteinte. La France risque en effet depuis le début de la crise de se retrouver dans une position de "partenaire junior" vis-à-vis de l'Allemagne. Et cette position est intenable car elle ne correspond pas à l'image que la France a d'elle-même. L'Allemagne ne peut donc pas avancer des propositions qu'elle aimerait poursuivre par peur de raidissement. Au plus haut de la crise de la zone euro, Angela Merkel voulait avancer sur les traités dans le but d'aboutir à plus d'intégration politique au sein de l'Union. Mais cela voulait dire plus de contraintes et moins de souveraineté sur les politiques budgétaires. Ce discours n'est aujourd'hui plus audible car l'Allemagne a compris qu'au vu de la situation en France, un référendum de ce type n'obtiendrait pas le soutien nécessaire. Certaines options sont exclues pour l'Europe en raison de la faiblesse politique en France. 

Propos recueillis par Carole Dieterich

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